| CRUDITÉ, subst. fém. État ou qualité de ce qui est cru. A.− [En parlant d'un aliment] :
1. Les fleurs ne sont plus tout; le verger vient d'éclore,
Et l'automne a tenu la promesse de Flore.
Le fruit est mûr; et garde en sa douce âpreté
D'un fruit à peine mûr l'aimable crudité.
Chénier, Bucoliques,1794, p. 116. − P. métaph. Une turgescence de comique, un caractère de manière d'être, une crudité, une verdeur, un oubli de toute règle, un éloignement de toute convention (Goncourt, Journal,1862, p. 1133). − P. méton., au plur. Aliments consommés crus. Une tasse pleine de cornichons et d'oignons au vinaigre, Boule de suif, comme toutes les femmes, adorant les crudités (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Boule de suif, 1880, p. 127). − P. anal. La crudité de l'eau (Ac. 1798-1932); la crudité des humeurs (Ac. 1798-1878); la crudité de l'atmosphère (Du Bos, Journal,1928, p. 56). B.− Au fig. 1. Domaine de la vue.Caractère ou qualité d'une ligne, d'une teinte vive, de la lumière, sans atténuation. Des bandeaux très noirs (...) ajoutaient à la crudité des lignes de son front et de ses joues (Reider, MlleVallantin,1862, p. 32).Grandes masses de couleurs, vives jusqu'à la crudité (Barrès, Greco,1911, p. 119). 2. Domaine du lang.Caractère de ce qui est exprimé sans altération ni détours : 2. On me dira : « Ne pouviez-vous exprimer les mêmes vérités en les dénonçant avec moins de crudité? » Oui, oui! en délayant, tournoyant, emmiellant, chevrotant, tremblotant : ...
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 315. − P. ext. Qui présente un caractère licencieux : 3. ... il ajoutait, d'ailleurs, qu'il ne plaisait pas aux femmes, tout en faisant entendre qu'il avait refusé les avances de plusieurs, qu'il lui en fallait à ses heures, qu'il les adorerait volontiers, mais qu'elles l'ennuyaient d'ordinaire, etc.; qu'il les aimait d'une façon, mais qu'il ne les aimait pas d'une autre, passage du reste peu intelligible dans sa lettre, à cause de l'extrême concision des idées (...) et d'une trop grande crudité de ton pour être rapporté ici; les choses y étaient nommées par leur vrai nom, accompagné seulement d'une épithète...
Flaubert, La 1reÉducation sentimentale,1845, p. 208. − P. méton. Dire des crudités. Ce déluge de crudités, d'aigreurs et de dissonances dans le style (Amiel, Journal,1866, p. 319). Prononc. et Orth. : [kʀydite]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1. 1398 [ms. xves.] « état de ce qui est difficile à digérer » (Somme de M. Gautier, B.N. 1288, fo82 rods Gdf. Compl.); 2. 1577 « état de ce qui n'est pas mûr » (N. Chesneau, Dictionariolum latinograecogallicum, Paris); 3. 1596 « état de ce qui est cru » (Hulsius); 4. 1834 au plur. « ce qui se mange sans nécessiter de cuisson » (Land.). B. 1. 1690 plur. « discours brutal et désobligeant » (Fur.); 2. 1754 « brutalité des couleurs » (Encyclop. t. 4); 3. av. 1799 crudité des injures (Marmontel, Ess. sur le goût, Œuvres, t. 4, p. 347 ds Littré). Empr. au lat. class. cruditas « indigestion » et au plur. « aliments non cuits, non digérés »; fig. « rancœur, amertume ». Fréq. abs. littér. : 92. |