| CLOÎTRE, subst. masc. A.− Partie d'une maison religieuse séparée par une clôture du reste du bâtiment et qui est interdite aux laïcs : 1. J'allai vite à la guerre me plonger dans les rangs inconnus, l'infanterie de ligne, l'infanterie de bataille (...). − Je me cachai là comme un chartreux dans son cloître...
Vigny, Servitude et grandeur militaires,1835, p. 194. − P. métaph. : 2. Il y a pour la communauté chrétienne, à une époque comme la nôtre, deux périls inverses : le péril de ne chercher la sainteté qu'au désert, et le péril d'oublier la nécessité du désert pour la sainteté, le péril de resserrer uniquement dans le cloître de la vie intérieure et des vertus privées l'héroïsme qu'elle doit dispenser au monde.
Maritain, Humanisme intégral,1936, p. 133. − Spéc. Partie d'une maison religieuse ou bâtiment attenant à une église constitué(e) de galeries couvertes à colonnes qui encadrent une cour intérieure ou un jardin quadrangulaires. Les arcades d'un cloître (cf. arcade D 1); un cloître roman. La chapelle d'Ely avec son cloître du treizième (Morand, Londres,1933, p. 264): 3. Morillon offrait pour toute curiosité une tour hexagonale encore belle, reste de l'église romane d'une abbaye dont il subsiste une partie du cloître.
Billy, Introïbo,1939, p. 211. Rem. On relève ds la docum. le terme cloîtrion, subst. masc. a) Bas-relief imitant les galeries d'un monastère et servant d'entourage à une pierre tombale au moyen âge (cf. Huysmans, L'Oblat, t. 1, 1903, p. 296). À rapprocher de : ... petit cloître gothique... (Huysmans, L'Oblat, t. 1, 1903, p. 295). b) Petit monastère (Huysmans, De tout, 1902, p. 115 ds Rheims 1969). − [P. anal. de forme] 1. ARCHIT. Édifice en cloître. ,,Celui dont les bâtiments entourent complètement une cour`` (Lar. 19e, Lar. encyclop.) Voûte en arc de cloître. ,,Voûte formée de plusieurs portions de voûte qui s'appuient sur des murs et se coupent entre elles par des angles rentrants`` (Chesn. 1857). Nous voici dans l'ouvroir ou laboratoire de Vésalius : une grande salle carrée, en arc de cloître, à murailles et dalles de pierre (P. Borel, Champavert,Don Andréa Vésalius, l'anatomiste, 1833, p. 76). 2. HORTIC. Espace carré bordé d'arbres ou de charmilles taillées en arcades et imitant un cloître (Ac. 1835, 1878). B.− P. ext. Maison religieuse, où l'on vit séparé du monde. Les grilles du cloître. Le cloître des dominicains de Saint-Marc à Florence (La Civilisation écrite,1939, p. 5009).Entrer de l'ignorance et de la puérilité des cloîtres dans la liberté et dans la volupté de la vie (Lamartine, Nouvelles Confidences,1851, p. 157).Quasi-synon. couvent*, monastère* : 4. L'auteur de cette œuvre encore inédite est entré dans la maladie comme dans un cloître.
Mauriac, Journal 1,1934, p. 53. − Vx. Enceinte de maisons où résidaient les chanoines des églises cathédrales ou collégiales : 5. L'alarme fut grande à Paris dès qu'on le sut si proche [le duc de Bourgogne]. On alla aussitôt chercher le Dauphin, qui dînait chez un chanoine au cloître Notre-Dame.
Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 3, 1821-24, p. 398. − P. méton. Vie recluse et soumise à une règle, que l'on mène dans un monastère. Les macérations du cloître (Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, pp. 374-375): 6. Non seulement beaucoup de ses idées avaient changé, mais au lieu de méditer sur la mort et d'aspirer au cloître, elle débordait de vitalité.
S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 304. Prononc. et Orth. : [klwatʀ
̥]. [ɑ] post. ds les dict. hist. de Fér. 1768 à DG; Passy 1914 admet [ɑ] ou [a] ant.; les dict. de Dub. à Lar. Lang. fr. transcrivent [a] ant. À ce sujet cf. Grammont Prononc. 1958, p. 28 : ,,L'a est antérieur dans boîte, goître, cloître, mais la plupart le font long à cause de l'accent circonflexe`` et p. 33 : ,,les Slaves ont une tendance à mettre toujours un a long et postérieur dans oi (wɑ) qu'il soit accentué ou non. (...) cette prononciation se trouve dialectalement en France, par exemple dans le Vivarais``. Cf. aussi Rouss.-Lacl. 1927, p. 121; cf. encore G. Straka, La Prononc. parisienne ds B. de la Faculté des Lettres de Strasbourg, 1952, p. 26 qui note qu'il y a des flottements même dans la bonne prononc. parisienne et que l'on peut entendre [ɑ] ou [a] dans les mots cités ci-dessus, auxquels il ajoute croire. Noter que Land. 1834 transcrit encore klœ
̂tre. Attesté ds Ac. 1694 et 1718 sous l'anc. forme cloistre; ds Ac. 1740-1932 sous la forme moderne. Étymol. et Hist. 1. 2emoitié du xies. judéo-fr. cloistre « portique couvert encadrant la cour intérieure d'un couvent » (Gloses fr. de Raschi, éd. A. Darmesteter et S. Blondheim, 216, p. 28); 1172-74 (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 5447); 2. ca 1165 clostre « enceinte » (B. de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 3136); 3. xiiies. cloistre « monastère » (G. de Coinci, Mir. Nostre Dame, éd. V. F. Kœnig, t. 3, p. 191, v. 42). Du lat. claustrum, le plus souv. au plur., « serrure, barrière » à l'époque class., d'où p. méton. « lieu clos » en lat. impérial, spécialement en lat. chrét. « enclos, clôture d'un monastère », d'où « monastère »; dér. de claudere (clore*). L'évolution -o-oi- est prob. due à l'infl. de cloison*. Fréq. abs. littér. : 1 172. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 078, b) 1 952; xxes. : a) 2 565, b) 621. DÉR. Cloîtrier, ière, subst. et adj.,vx. (Religieux, euse) qui vit effectivement dans un cloître. Sans vouloir dénier la probité musicale de ces bonnes cloîtrières [de la rue Monsieur à Paris] (...) l'on peut affirmer qu'elles n'ont ni cette science (...), ni ces voix [des bénédictines de Sainte-Cécile] (Huysmans, La Cathédrale,1898, p. 268).Religieux cloîtrier (DG). − [klwatʀije], fém. [-ε:ʀ]. Pour la transcr. avec [a] ant. et pour celle de Land. 1834, supra. Ds Ac. 1740-1878. − 1resattest. 1170-80 cloistrer « religieux cloîtré » (B. de Ste Maure, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 14 664); 1181-87 cloistrier (Ps. Eructavit, éd. Jenkins, 1520); de cloître, suff. -(i)er*. − Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 30, 43. |