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CHOYER, verbe trans.
Fam. [Le suj. désigne toujours une pers.]
A.− [Le compl. désigne une pers. ou un inanimé concr.]
1. Cour. [Le compl. désigne une pers., plus gén. un enfant, un être cher] Entourer de soins attentifs et constants, d'affection, de tendresse vive et parfois outrée. Synon. câliner, dorloter :
1. Ce qu'il te faut, c'est une dame d'un certain âge, qui te choie, qui te soigne, qui te dorlotte, j'en connais une qui est encore fort bien. Claudel, L'Ours et la lune,1919, p. 610.
Emploi abs. ... balbutiant des caresses respectueuses, choyant avec des mots de douceur (Huysmans, En route,t. 2, 1895, p. 42).
Emploi pronom. (réfléchi ou réciproque). Se choyer.Il se choya, se dorlota et accepta les consolations qu'on lui donnait (Flaubert, Madame Bovary,t. 1, 1857, p. 22).Ils ont beau se choyer, ils se dévoreraient s'ils vivaient constamment côte à côte (Huysmans, L'Oblat,t. 1, 1903, p. 33).
2. Péj. [Avec une idée de profit] :
2. Monsieur Lepître ignorait ou souffrait le commerce de Doisy, véritable contrebandier que les élèves avaient intérêt à choyer : il était le secret chaperon de nos écarts, le confident des rentrées tardives, notre intermédiaire entre les loueurs de livres défendus. Balzac, Le Lys dans la vallée,1836, p. 14.
3. Plus rarement. [Le compl. désigne une chose] Conserver avec soin, entretenir avec amour. Venait le vieux tonnelier choyer, caresser, couver, cuver, cercler son or (Balzac, Eugénie Grandet,1834, p. 73).
LITT. Choyer une œuvre, un style. Apporter un soin extrême dans sa réalisation. Le prosateur veut trop choyer les mots (...), nous tombons dans le galimatias (Sartre, Situations II,1948, p. 88; cf. aussi Breton, Les Manifestes du Surréalisme, 1930, p. 37).
B.− Au fig. [Le compl. désigne une notion abstr.] Entretenir avec complaisance une idée, un état, etc. Choyer un rêve (Theuriet, Le Mariage de Gérard,1875, p. 54);choyer un penchant (A. Dumas Père, Hamlet,1848, I, 4, p. 188).
P. iron. N'apprenons point au peuple à choyer les crimes (Chateaubriand, Études hist.,1831, p. CV):
3. Il faut beaucoup de temps pour couver, nourrir et choyer une haine de belle taille. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Les Maîtres, 1937, p. 267.
Rem. On rencontre ds la docum. le part. prés. adj. choyant, ante. Chugnard fit avec elle [sa femme] assaut de choyante tendresse (J. Richepin, Flamboche, 1895, p. 55).
Prononc. et Orth. : [ʃwaje], (je) choie [ʃwa]. Ds Ac. 1694-1932. Pour l'hist. des verbes en -oyer, cf. aboyer. Homon. : formes du verbe choir, choix. Étymol. et Hist. 1. 1remoitié du xiiies., indirectement attesté par le dér. rechoier « caresser, dorloter » d'apr. T.-L., s.v. choiier (Audefroi Le Bastard, Lieder und Romanzen, Halle, éd. A. Cullmann, 1914, p. 114 et 142); 1225-30 chuer (G. de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 3955); 1379 [date de composition] choyer (Jehan de Brie, Le Bon berger, éd. P. Lacroix [d'apr. impression de 1541], p. 48; cf. P. Meyer ds Romania, t. 8, p. 453); 1895 part. prés. adj. choyant etendresse (Richepin, Flamboche, p. 55); 2. fig. 1833 choyer un souvenir (M. de Guérin, Poésies ds Œuvres complètes, éd. B. d'Harcourt, t. 1, p. 78); 1852 choyer une idée (E. et J. de Goncourt, Journal, p. 73). Étymol. obsc. Havet ds Romania, t. 3, p. 331 et EWFS2proposent un étymon gallo-rom. *cavicare, *caucare, forme intensive du lat. cavere « prendre garde; avoir soin de, veiller sur » qui fait difficulté pour expliquer la forme chüer. L'hyp. de Sainéan (Sources t. 1, p. 97), selon laquelle choyer serait dér. de l'a. fr. choe « chouette » en raison de la tendresse maternelle de cet oiseau envers ses petits, n'est pas satisfaisante. Une orig. onomatopéique (Bl.-W.5) est possible bien qu'il soit difficile de préciser ce radical expressif. Fréq. abs. littér. : 85. Bbg. Bugge (S.). Etymol. romanes. Romania. 1875, t. 4, p. 353.