| CHOLÉRA, subst. masc. A.− PATHOL. Infection intestinale grave, caractérisée notamment par des déjections fréquentes, des vomissements de bile avec déshydratation des tissus, altération de la physionomie, crampes et syncopes. (Quasi-)synon. vx et fam. trousse-galant (cf. Hugo, Les Misérables, t. 2, 1862, p. 644) : 1. Qu'est-ce que le choléra? Est-ce un vent mortel? Sont-ce des insectes que nous avalons et qui nous dévorent? Qu'est-ce que cette grande mort noire armée de sa faux, qui traversant les montagnes et les mers, est venue comme une de ces terribles pagodes adorées aux bords du Gange, nous écraser aux rives de la Seine sous les roues de son char?
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 62. SYNT. Choléra asiatique, épidémique, infantile, sporadique; attraper, vaincre le choléra; mourir, souffrir du choléra; le choléra décime, dévaste, emporte, gagne, sévit; attaque, atteinte, contagion du choléra; le vibrion du choléra; tordu par le choléra. Rem. Le terme composé choléra-morbus (cf. Michelet, Introd. à l'Histoire universelle, 1831, p. 405) servait anciennement à désigner cette maladie; il est attesté ds la plupart des dict. et illustré ds la documentation. − [P. anal.] 1. [de symptômes] MÉD. VÉTÉR. Choléra des poules. Maladie parasitaire des oiseaux de basse-cour. Synon. choléra aviaire : 2. On sait que Pasteur a trouvé un moyen de détruire les lapins de l'Australie, en répandant parmi eux une maladie mortelle, contagieuse, le choléra des poules.
H. Coupin, Animaux de nos Pays,1909, p. 20. 2. [d'effets] :
3. C'est un temps de calamité, tout souffre. L'air est malsain, on n'entend parler que de morts et de mourants. La grippe fait bien des ravages. C'est un autre choléra qui décime presque la population à certains endroits.
E. de Guérin, Journal,1837, p. 126. ♦ Loc. Donner le choléra. Rendre malade : 4. J'ai vu une représentation d'« Iphigénie en Tauride », à Prague, qui m'eût donné le choléra, si je n'avais fini par en rire de tout mon cœur.
H. Berlioz, À travers chants,1862, p. 211. Rem. Choléra est fréquemment associé à peste (cf. Bernanos, Dialogues des Carmélites, 1948, 3etabl., 6, p. 1623). ♦ Arg. Zinc. Rem. Sens attesté ds Larch. Suppl. 1880 et ds Esn. 1966, le zinc étant désigné ainsi en raison des douleurs intestinales, dites coliques de plomb que provoque la soudure des tôles de zinc et de plomb. B.− P. compar. ou p. métaph. 1. [Du point de vue du caractère infectieux, contagieux ou meurtrier de la maladie] La peur, ça se gagne... comme le choléra (G. Leroux, Le Parfum de la dame en noir,1908, p. 79).[Du point de vue de la crainte qu'elle inspire] :
5. Leurs médisances n'épargnaient personne. Les voisins les craignaient à l'égal du choléra. − Julie, la cadette, vous déchirait quelqu'un brutalement : on l'entendait gronder, comme le chien qui ronge un os. Adélaïde, au contraire, était toute doucereuse : un soupir de dévote! elle donnait son coup de langue en paraissant égrener son chapelet.
Reider, MlleVallantin,1862, p. 73. 2. [P. réf. au teint du cholérique] :
6. Ciel : Bleu sombre au bas et concentré de chaleurs violettes, comme un ciel de choléra.
E. et J. de Goncourt, Journal,1854, p. 134. C.− Au fig., fréq. Agent qui exerce une influence néfaste, corruptrice, dévastatrice; fléau. 1. [En parlant d'animés humains] :
7. La maladie du pauvre, c'est l'envie; la maladie du riche, c'est son stupide égoïsme. Je ne sais en vérité jusqu'où il ne va pas; cet égoïsme mal entendu le perdra, c'est le pire des choléras.
Lamartine, Correspondance,1832, p. 271. 8. − Il avait une femme, reprend Tirette. C'te vieille... − J'm'en rappelle aussi, exclama Paradis, tu parles d'un choléra!
− Y en a qui traînent un roquet, lui, i'traînait partout c'te poison qu'était jaune, tu sais, comme y a d'ces pommes, avec des hanches de sac à brosse, et l'air mauvais. C'est elle qui excitait c'vieux nœud contre nous : sans elle, il était plus bête que méchant, mais du coup qu'elle était là, i d'venait plus méchant qu'bête. Alors, tu parles si ça bardait...
Barbusse, Le Feu,1916, p. 262. − P. métaph. : 9. ... un balai sanglant devient nécessaire quand l'administration de la voirie néglige (...) son premier devoir et que tout devient préférable à ce choléra de goujatisme et d'irrémédiable imbécillité qui menace de précipiter demain ce qui reste de la pauvre France dans le plus sinistre pourrissoir de peuple qu'un pessimisme dantesque pourrait rêver! ...
Bloy, Le Désespéré,1886, p. 224. SYNT. Choléra littéraire, moral, politique, social. − P. plaisant. Allez vous coucher; vous êtes attaquée d'un choléra-morbus politique! (Balzac,
Œuvres diverses, t. 2, 1850, p. 131). 2. [En parlant d'une plante] :
10. ... elles [les taupes] débouchent dans une clairière, où la cuscute rongeuse, parasite méchante, choléra des bonnes luzernes, étend sa barbe de filaments roux.
Renard, Poil de carotte,1894, p. 52. 3. [En parlant de phénomènes physiques] :
11. Il y a eu, juste après cette foire, trois jours comme on en a souvent au commencement de l'automne. Un choléra! ça a fait les cent cochonneries : et du vent, et de l'eau, et de l'orage; le ciel était comme un chaudron. Avec ça, il a fait un froid de glace.
Giono, Regain,1930, p. 202. 12. L'Espagne, qui a des attraits de tout genre, nous inflige cependant l'un des pires fléaux du voyage. Ce ne sont ni les punaises, qui me semblent légendaires, rien n'étant plus propre que les hôtels et les maisons privées du pays; ni la radio, ce choléra du bruit, bien qu'elle y sévisse un peu plus qu'ailleurs; (...) mais la curiosité importune de la population pour tout ce qui n'est pas le quotidien le plus ordinaire.
T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1933, p. 24. Prononc. et Orth. : [kɔleʀa(mɔ
ʀbys)]. Pour la prononc. de l'initiale par [k] cf. lettre C, graph. ch. Ds Ac. 1835-1932. Guérin 1892 et DG admettent choléra et coléra. Étymol. et Hist. 1546 (Ch. Estienne, Disc. des parties du corps, 196, 6 ds Quem.). Empr. au lat. cholera attesté à l'époque impériale au sens de « maladie qui vient de la bile », lui-même empr. au gr. χ
ο
λ
ε
́
ρ
α « choléra ». Fréq. abs. littér. : 259. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 413, b) 563; xxes. : a) 459, b) 170. Bbg. Dauzat Ling. fr. 1946, p. 41. − Goug. Mots. t. 1 1962, pp. 131-132. − Valter (R.). Einige Bermerkungen zum romanischen Wortschatz gelehrtlateinischer Herkunft. Beitr. rom. Philol. 1972, t. 11, no1, p. 146. |