| CHÉRUBIN, subst. masc. A.− [Dans la relig. hébraïque et dans certaines croyances de l'Orient anc.] Ange* chargé notamment d'assurer la tâche de gardien (cf. ange I A et chéroub). Les génies ailés de la Perse font les chérubins de Judée (Michelet, L'Oiseau,1856, p. 30): 1. Elles [les traditions mythologiques] portaient : « Que ce couple avait été chassé du jardin céleste, et qu'un chérubin, à épée flamboyante, avait été placé à la porte pour le garder ».
Volney, Les Ruines,1791, p. 306. − P. méton. Représentation d'un chérubin. Chérubins de l'Arche, qui étoient conjoints par le Propitiatoire, et ne s'approchoient que du bout des ailes (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 3, 1848, p. 220). B.− [Dans la relig. chrét.] Ange* appartenant au second chœur de la première des neuf hiérarchies d'anges, venant immédiatement après les séraphins et précédant les Trônes, et dont les attributs spécifiques sont la connaissance et la sagesse (cf. ange I B). Les harpes d'or des chérubins ont frémi, et les chœurs d'anges retentissent de toutes les parties de l'église (MmeCottin, Mathilde,t. 2, 1805, p. 353).Le petit chérubin qui veille sur son âme (Musset, Rolla,1833, p. 11): 2. Notre monde actuel serait-il encerclé par des êtres invisibles? Je crois qu'il existe des Anges. Je songe aux Chérubins, aux Trônes, aux Dominations, à la multitude des Anges qui peuplent l'espace sur nos têtes.
Barrès, Mes cahiers,t. 14, 1922-23, p. 104. Rem. Noter un emploi adj. fém. isolé. Mon esprit s'abandonne à ces routes divines Qui le mènent tout droit aux troupes chérubines (M. de Guérin, Poésies, Grèves de Bretagne, 1839, p. 110). − P. méton. Représentation sculptée, peinte... d'un chérubin, sous la forme d'une tête d'enfant, souvent aux joues pleines et colorées, d'où partent deux ailes. J'aime les vieux tableaux de l'école allemande : (...) Les chérubins joufflus au plumage d'azur (T. Gautier, Poésies,Melancholia, 1872, p. 210). ♦ HÉRALD. ,,Figure de chérubin, distincte de l'ange, en ce qu'elle est réduite à la tête et aux ailes`` (Lar. 19e). C.− P. anal. 1. P. compar., fam. [En parlant d'enfants] a) [Du point de vue de l'aspect phys., p. réf. à la représentation traditionnelle des chérubins] Un jeune moine blond et bouffi comme un chérubin (Bertrand, Gaspard de la nuit,1841, p. 152).Elle revenait toujours à son bébé, il avait des yeux bleus de chérubin (Zola, Nana,1880, p. 1125). b) [D'un point de vue moral, p. réf. aux qualités attribuées aux chérubins en partic. (sagesse, d'où gentillesse) ou aux anges en gén. (pureté)] L'enfant dort comme un chérubin. Qu'il est gentil les yeux fermés! (Balzac, Eugénie Grandet,1834, p. 94).Il n'a point vécu, il ne sait rien, il n'a pas de peine à être sage comme un chérubin, ce mignon-là (Zola, La Faute de l'Abbé Mouret,1875, p. 1229). 2. P. ext., fam. a) Jeune et bel enfant (cf. angelot). Une fillette, Rose, un délicieux chérubin d'un an à peine (Zola, Vérité,1902, p. 274). Rem. Noter un ex. isolé où le terme est employé adj. C'est son valet de chambre, son groom qu'elle t'envoie-là?... Est-il chérubin! (Reider, MlleVallantin, 1862, p. 153). b) [Dans certaines tournures, en parlant de pers., pour marquer l'affection (partic. à l'égard des enfants) ou la pitié] Mon (petit) chérubin, mon cher chérubin, mon pauvre chérubin (cf. ange II B 2) : 3. ... elle le prenait sur ses genoux et le couvrait de caresses en lui murmurant des mots tendrement passionnés. Elle l'appelait : « Ma petite fleur, mon chérubin, mon ange adoré, mon divin bijou. »
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, L'Orphelin, 1883, p. 838. Rem. On rencontre le fém. chérubine. Comme tu es obtuse, ma mignonne!... ma bonne! ma douce! ma chérubine!... (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 547). c) [P. allus. au personnage de Chérubin, dans le Mariage de Figaro de Beaumarchais] Bel adolescent, encore engagé dans la timidité et dans l'espièglerie de l'enfance, mais ayant déjà un peu de la hardiesse de l'homme. Il fut dès quinze ans un chérubin que les femmes se disputèrent (Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 11,1863-69, p. 117).... vous, écolier naïf et tremblant, pauvre chérubin plus timide que celui de Beaumarchais (T. Gautier, Les Jeunes-France,préf., 1872, p. VII): 4. Joli garçon, précoce, livré aux tentations, il découvrit de bonne heure le monde de l'amour aux dehors enchantés, et il s'y jeta, avec un emportement de joie poétique et gourmande. Puis, ce chérubin, naïf et insatiable avec impertinence, se dégoûta des femmes : il lui fallait l'action.
R. Rolland, Jean-Christophe,La Nouvelle journée, 1912, p. 1531. Rem. On rencontre ds la docum. a) Chérubinisme, subst. masc., péj. Tendance à se comporter en adolescent sentimental et niais. Tout ce que la misère et les défiances d'un rétractile orgueil avaient jusque là comprimé, fit explosion [chez Marchenoir] (...) tout le déballage coquebin d'un chérubinisme attardé et grandiloque (Bloy, Le Désespéré, 1886, p. 54). b) Chérubinisant, ante, adj., péj. Qui a la souriante niaiserie, la mièvre sentimentalité du chérubin tel qu'on le représente. Je redeviens ce que j'étais, préoccupé de papillons, sensitif, imaginatif et surtout sentimental, odieusement sentimental, romanesque, chérubinisant, enfin bête, bête, odieusement bête (Bernanos, Lettres inédites, 1905, p. 1731). c) Chérubinement, adv., péj. À la manière des chérubins. C'est encore le même Jésus plastronné (...) la bourbe polychrome des élus (...) les saints Louis de Gonzague, chérubinement agenouillés et cirés avec le plus grand soin (Bloy, op. cit., p. 158). Prononc. et Orth. : [ʃeʀybε
̃]. Ds Ac. 1694-1718 sans accent; ds Ac. 1740-1932 sous la forme moderne. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 angle cherubin (Roland, éd. Bédier, 2393); ca 1165 chérubim (Les quatre livres des rois, éd. L. Le Roux de Lincy, p. 206, note 4 [2 Sam 22, 11], chérubin ds l'éd. E. R. Curtius, p. 102) − xives. ds J. Trenel, L'A.T. et la lang. fr. du Moy.-Age, p. 74; 1839 adj. (M. de Guérin, Poésies, p. 110 : troupes chérubines); 2. a) ca 1576 « tête d'enfant ailé représentant un ange » (Jean Le Houx, Vaux de Vire, 147, éd. Gasté ds Guérin : Basselin fut de fort rouge visage, Illuminé, comme est un chérubin); b) xves. « visage rose » (Parnasse satyrique du XVes., p. 171, Paris, éd. M. Schwob, 1905 ds FEW t. 2, p. 635a, s.v. cherub); ca 1576 rouge comme un chérubin (Jean Le Houx, loc. cit.); 1545 chérubine adj. fém. « de couleur rose » (Fl. Thibault à J. Bouchet, Epistres familieres du Traverseur, 62 ds Hug.;) c) 1808 chérubin terme d'affection (Hautel); 1809 fém. (Leclair, Les Méditations d'un hussard, p. 28 : chérubine à Satan!). Empr. par la voie du lat. chrét. cherub, plur. cherubin « chérubin » (Vulgate, Ex. 25, 18-19) à l'hébr. kerūb, plur. kerūbīm « id. ». Le lat. cherubim (parfois cherubin, apr. 207, sing., Itala Ezech 28, 14 apud Tert. adv. Marc ds TLL Onom., 390, 6-7; vies. chez Grégoire de Tours ds J. Trenel, loc. cit.), compris comme un sing., est à la base du fr. chérubin. Une distinction des genres conforme à la morphol. hébraïque est passée en fr. avec les formes cherub, cherubim (cheroub*), mais s'est limitée à l'usage savant ou demi-savant (cf. la forme kéroubims ds Hugo). Fréq. abs. littér. : 246. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 428, b) 563; xxes. : a) 353, b) 165. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, pp. 353-354. − Mat. Louis-Philippe. 1951, p. 315. − Quem. 2es. t. 2 1971. |