| CARNASSIER, IÈRE, adj. A.− ZOOL. (Animal) qui se nourrit (presque) exclusivement de chair et qui fait montre d'une grande voracité. Bêtes carnassières; grands carnassiers. 1. [En parlant de certains insectes, oiseaux, poissons] Les cicindèles, avec leurs puissantes mandibules-tenailles de carnassières (Gide, Le Retour du Tchad, 1928, p. 1001); corbeaux, hiboux, milans, tout l'essaim carnassier (Hugo, La Légende des siècles, 1859, p. 541); les lamproies (...) poissons carnassiers (...) se repaissent de proies mortes ou vives, gloutonnement (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 140, 150). 2. Spéc. Les mammifères carnassiers. Ordre de mammifères caractérisés par une dentition tranchante (canines très développées, dents carnassières, cf. infra) et des membres griffus Le produit des habitudes est tout aussi remarquable dans les mammifères carnassiers, qu' il l' est dans les herbivores ;(Lamarck, Philos. zool.,t. 1, 1809, p. 257). − Emploi subst. Les carnassiers. Même sens : mammifères caractérisés par une dentition tranchante (canines très développées, dents carnassières. Un féroce carnassier que ce jaguar! D'un seul coup de patte, il tord le cou à un cheval! Quand il a goûté de la chair humaine, il y revient avec sensualité (Verne, Les Enfants du Capitaine Grant,t. 1, 1868, p. 233). − P. ext. Qui caractérise un animal carnassier. Mœurs carnassières (...) organisation (...) de véritables animaux féroces (M. Boule, Conf. de géol.,1907, p. 124).En partic. Dent(s) carnassière(s) ou les carnassières. Molaire(s) qui prédomine(nt) sur les autres molaires (celles-ci s'amenuisant d'autant plus que l'animal est plus exclusivement carnassier (cf. E. Perrier, Traité de zool., t. 1, 1893, p. 355)). Rem. Carnassier/carnivore. Ces 2 termes sont plus ou moins confondus dans l'usage. Ils restent pourtant assez distincts par certaines constantes d'emploi. Carnassier désigne plutôt des animaux qui se nourrissent (quasi-) exclusivement de chair et carnivore des animaux qui ne se nourrissent pas exclusivement de chair. En outre, une idée de férocité sauvage s'attache souvent à carnassier, ce qui explique qu'il se prête davantage aux emplois anal., métaph. et que carnassier semble plus littér., carnivore plus technique. − P. anal., BOT. Fleurs, plantes carnassières (cf. carnivore A 3. Rem. 1. Attesté ds Guérin 1892 seulement. Cf. Colin 1971 ,,on ne parle que de plantes carnivores (carnassières est exclu)``. 2. On rencontre un emploi métaph. L'imagination juive (...) capable de faire jaillir ces fleurs monstrueuses, carnassières [une mystique nouvelle ... accordée à celle du Progrès] (Bernanos, La Grande peur des Bien-Pensants, 1931, p. 426); cette bouche abandonnée (...) avec une intensité de fleur carnassière dans le seul geste aveugle de happer et de retenir (Gracq, Le Rivage des Syrtes, 1951, p. 152). B.− [En parlant de l'homme, de son comportement, etc.] − Emploi (surtout) subst. 1. Individu qui a une préférence marquée pour la viande : 1. On me traita comme un « carnassier ». Nos paysans divisent les gros mangeurs en deux classes : ceux qui mangent de tout, selon la coutume, ceux qui ne consomment que de la viande, de toutes les viandes il va sans dire. Ils appellent ces derniers « lous carnassiès ».
Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 97. 2. P. compar. Personne qui manifeste une cruelle avidité : 2. ... un affreux dénombrement commençait, celui des droits qui frappaient le misérable. (...), ils pullulaient, ils soufflaient à la fois du roi, de l'évêque et du seigneur. Trois carnassiers dévorants sur le même corps : le roi avait le cens et la taille, l'évêque avait la dîme, le seigneur imposait tout, battait monnaie avec tout.
Zola, La Terre,1887, p. 77. Rem. On rencontre l'emploi adj. (cf. supra A 2) chez un certain nombre d'aut. La mâchoire carnassière [de Saturne, dévorateur de ses enfants] (Huyghe, Dialogue avec le visible, 1955, p. 318); au fig. : 3. ... je te baise. Je suis fou. Si tu étais là, je te mordrais; (...) je me sens maintenant des appétits de bêtes fauves, des instincts d'amour carnassier et déchirant; je ne sais pas si c'est aimer. C'est peut-être le contraire. Peut-être est-ce le cœur, en moi, qui est impuissant.
Flaubert, Correspondance,1846, p. 230. Prononc. et Orth. : [kaʀnasje], fém. [-sjε:ʀ]. Ds Ac. 1694 et 1718 sous la forme carnacier. Ds Ac. 1740-1932 sous la forme moderne. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. 1501 carnacier « qui se nourrit de chair » (André de La Vigne, Les Complaintes et Epitaphes du Roy de la Bazoche ds Anc. poésies fr., éd. A. de Montaiglon et J. de Rothschild, Paris, 1878, t. 13, p. 390 : Cueur carnacier); 1578 tigre carnacier (I. de Boyssières, Secondes œuvres, 54a ds Rom. Forsch., t. 32, p. 25); d'où 2. 1583 fig. « cruel, meurtrier » (R. Garnier, Les Juifves, 2122 ds Hug.). B. Emploi subst. zool. les carnassiers 1805 « ordre de mammifères » (Cuvier, Leçons d'anat. comparée, t. 1, p. 244); 1844 emploi adj. dent carnassière et p. ell. carnassière « dent molaire » (Isid. Geoffr. St Hil. ds Lar. 19e). Empr. au prov. carnacier-carnassier « bourreau » (début xives. V. de S. Honorat ds Rayn.) qui se retrouve dans les dial. franco-prov. (1368, Comm. s. le plaict gén. de Lausanne, Docum. de la Suisse rom., VII, 370 ds Gdf.; v. aussi Pat. Suisse rom.), v. carnasse. Fréq. abs. littér. : 350. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 200, b) 325; xxes. : a) 197, b) 170. |