| CARÈNE, subst. fém. A.− MAR. Partie immergée de la coque d'un bateau lorsqu'il est chargé (cf. œuvres vives). Calfater une carène. Au loin, les marteaux des calfats tamponnaient des carènes, et une brise lourde apportait la senteur du goudron (Flaubert, Trois contes,Un Cœur simple, 1877, p. 23). − P. méton. [En poésie] Le navire lui-même : 1. Rivage où ma frêle carène
Avait fui pour ne plus sortir,
Au large le flot me rentraîne;
Mon penchant sur tes bords m'enchaîne;
Faut-il rester? Faut-il partir?
Sainte-Beuve, Poésies,Adieux à la poésie, 1829, p. 45. ♦ Abattre en carène. Coucher un bateau sur un bord pour contrôler l'état de ses œuvres vives et au besoin les réparer. ♦ Bordé de carène. Bordé extérieur de la coque (cf. M. Benoist, F. Pettier, Les Transp. mar., 1961, p. 83). B.− P. anal. 1. AÉRON. Carène de dirigeable. Enveloppe de forme plus ou moins allongée, remplie de gaz ou contenant des ballonnets remplis de gaz. Le coefficient de résistance d'une carène de forme donnée (...) est le quotient de la résistance de cette carène (...) à la vitesse de 1 m par seconde par la surface du maître-couple (L. Marchis, Leçons sur la nav. aérienne,1904, p. 614). 2. SC. NATURELLES a) ANAT. ,,Arête saillante de l'exosquelette, plus ou moins étroite ou aiguë`` (Séguy 1967) : 2. Les oiseaux aptes au vol, (...) ont un sternum présentant, sur sa ligne médiane externe, une forte carène, le bréchet, ...
E. Perrier, Traité de zool.,t. 4, 1928-32, p. 3161. b) BOT. ,,Pièce antérieure de la corolle des Papilionacées, formée par la réunion de deux pétales disposés comme la carène d'un bateau`` (Gatin 1965; cf. L. Plantefol, Cours de bot. et de biol. végétale, t. 2, 1931, p. 236). Prononc. et Orth. : [kaʀ
εn]. Ds Ac. 1694-1740 sous la forme carene sans accent. Noter que ds Ac. 1740 on écrit carène avec un accent dans le corps de l'article. Ds Ac. 1762-1932 sous la forme moderne. Passy 1914 note [ε:] ouvert long; à ce sujet cf. Buben 1935, § 45 : ,,La 7eédition [de l'Ac.] fixe l'usage moderne d'après lequel l'e ouvert accentué suivi d'une syllabe féminine est marqué soit par le redoublement de la consonne suivante, soit par l'accent grave. La répartition de ces deux procédés orthographiques est tout à fait arbitraire et l'on écrit d'une part : jette, marquette, soufflette, d'autre part achète [...] cantilène, carène, cep. On choisit bien le redoublement quand il y avait deux consonnes en latin, et l'accent grave quand le mot n'avait qu'une seule consonne; mais il y a trop d'exceptions à cette règle générale. [...] Il s'agit ici d'une simple particularité orthographique; il n'y a et il ne devrait y avoir aucune différence phonétique entre jette-achète, nette-discrète, cruelle-fidèle, etc. parce que l'e est également bref dans les deux cas. Et pourtant beaucoup d'étrangers, ceux surtout qui parlent une langue où le redoublement de la consonne marque la brièveté de la voyelle précédente, prolongent volontiers, par contre-coup, l'e ouvert qui porte l'accent grave. [...] Ils s'y croient autorisés par le fait que l'accent grave peut vraiment être considéré comme un signe de longueur dans les mots savants d'origine latine ou grecque qui, même dans la prononciation française, conservent la quantité étymologique, comme par exemple carène, cène, hyène, hygiène, obscène, blasphème, stratagème, Polyphème, Athènes, éphèbe, règle, crète, cf. aussi il hèle [ε:l] dérivé de l'anglais hail``. Étymol. et Hist. I. 1. Mar. a) 1246 carenne « quille » (Propositions des commissaires du roi de France [trad. de traités passés entre St-Louis et le procureur du podestat de Gênes, rédigés en lat. médiév. : in carena] ds Vidos, p. 294), attest. isolée; b) 1552 carene « ensemble de la coque immergée » (Ronsard, sonnet XLIV ds Les Amours, éd. Laumonier, t. 4, p. 47); 2. 1316-28 carine « id. » (Ovide Moralisé, éd. C. De Boer, XIV, 4275) − 1606 (Crespin, Le Thresor des trois lang. esp., fr. et ital., Genève). II. 1753 bot. carine (Trév.); 1782 carène (Abbé Rozier, Cours complet d'agric. [...] ou Dict. univ. d'agric. t. 2). I 1 a) empr. à l'a. génois carena à travers le lat. médiév.; 1 b) empr. à l'ital. carena (xves. ds Batt. t. 2) lui-même d'orig. génoise. I 2 est empr. au lat. carina proprement « demi-coquille de noix » d'où « carène de vaisseau », Vidos, p. 294. II lat. sc. carina (cf. 1819 Candolle Bot., p. 393, s.v. carène : pièce inférieure de la corolle, courbée en forme de nacelle); dér. de I en raison de l'aspect morphol. de ce pétale. Fréq. abs. littér. : 91. Bbg. Hope 1971, p. 175. |