| CAMOUFLER, verbe trans. A.− [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Rendre méconnaissable, en vue de donner le change sur son identité; déguiser. Herbert était si terriblement camouflé en étourneau qu'il nous a tous eus (Colette, Julie de Carneilhan,1941, p. 22). − THÉÂTRE. Camoufler ou se camoufler (cf. camouflage A) : 1. [Le farceur :] Y êtes-vous? [prêt à jouer le rôle d'un charbonnier]
Et le vicomte (...) se laissa camoufler et grimer.
J. Richepin, Truandailles,1891, p. 74. ♦ P. métaph. [En parlant d'une chose] :
2. À côté des formes majeures [du charlatanisme médical], il en est de moins caractérisées, d'autant plus pernicieuses qu'elles se camouflent habilement sous une apparence de rigueur scientifique, de mysticisme ou de désintéressement.
M. Bariéty, Ch. Coury, Hist. de la méd.,1963, p. 813. B.− [Le compl. d'obj. désigne un inanimé, plus rarement des pers.] TECHN. MILIT. Rendre invisible ou difficilement visible pour l'ennemi (cf. camouflage B). Camoufler un canon, un navire, une tranchée occupée par des troupes : 3. Dans ce même bosquet, il y a aussi des canons de 75, mais qui n'ont pas l'air méchant; à demi cachés sous de frais branchages, bien « camouflés », bien peinturlurés, tout zébrés de vert, de brun ou d'ocre, il ressemblent plutôt, comme pelage, à de gros lézards qui sommeilleraient dans les broussailles.
Loti, Qq. aspects du vertige mondial,1917, p. 150. − Au fig. Masquer. Camoufler un empoisonnement, un meurtre; camoufler une intention. Camoufler un assassinat (Sartre, Les Mains sales,1948, I, 3, p. 27). Prononc. et Orth. : [kamufle], (je) camoufle [kamufl̥]. Ds Ac. 1932. Ortho-vert 1966, p. 127 : ,,Boursoufler, camoufler et emmitoufler ne prennent qu'un f, essouffler et souffler en prennent deux``. Étymol. et Hist. 1821 pronom. « se déguiser » (cité par Esn.); 1836 trans. « déguiser » (Vidocq, Les Voleurs, p. 53); 1878 « falsifier (une boisson, p. ex.) » (Rigaud, Jargon parisien ds Esn.); 1914-18 milit. (d'apr. Esn. Poilu, p. 129); 1916 (Barbusse, Le Feu, p. 103). Prob. formé (avec dés. -er) sur le rad. de camouflet*, la notion de « dissimulation » étant issue de celle de « fumée » (FEW t. 16, p. 475a; Bl.-W.5), plutôt qu'empr. à l'ital. camuffare (EWFS2; Dauzat 1972) attesté au sens de « travestir, rendre méconnaissable » (fin xiiies.-début xives.) de « tromper » (xves. ds Batt.), cette hyp. rendant de toute manière nécessaire la réf. à camouflet pour expliquer -fl-. Fréq. abs. littér. : 78. DÉR. Camoufleur, euse, subst. masc. et fém.Celui (celle) qui exécute un camouflage. − [kamuflœ:ʀ]. − 1resattest. 1901 (Bruant, p. 253 : Habilleuse de coulisses. Camoufleuse); 1907 (France : Camoufleur. Agent déguisé); de camoufler, suff. -eur2*. − Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 267. − Hope 1971, p. 443. − Nyrop (K.). Ling. et hist. des mœurs. Paris, 1934, pp. 239-247. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 86, 150, 293. |