| BIFURQUER, verbe. I.− [L'idée dominante est celle d'une division en forme de fourche à deux branches] A.− Emploi trans., peu usité. Diviser en deux, à la façon d'une fourche. Bifurquer une branche. − Au fig. Diviser en deux parties distinctes, qui se prolongent chacune de son côté. On avait bifurqué en France l'enseignement secondaire (infra ex. 7). Rem. Attesté dans Lar. 20eet Guérin 1892. − Spéc., ÉLECTR. [En parlant d'un électro-aimant] Bifurquer un courant. Lui faire parcourir simultanément les deux bobines pour en diminuer la résistance. B.− Emploi intrans., vieilli. [En parlant d'une voie de communication] Se diviser en deux : 1. La grande allée des platanes, en effet, bifurque devant le manoir et descend jusqu'à la rivière, qu'elle traverse sur un pont solennel.
H. Bazin, Vipère au poing,1948, p. 109. − P. métaph. : 2. − Que si maintenant je creuse au-dessous de ces deux solutions opposées, je découvrirai un postulat commun : les uns et les autres se placent après l'action X accomplie, et représentent le processus de mon activité volontaire par une route MO qui bifurque au point O, les lignes OX et OY symbolisant les deux directions que l'abstraction distingue au sein de l'activité continue dont X est le terme.
Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience,1889, p. 141. 3. Voilà le langage bifurquant, dès son origine, dans une double direction, l'une d'utilité externe, l'autre d'utilité interne; (...). L'une servira à la communication entre humains, l'autre au lyrisme.
Arts et litt. dans la société contemp.,1935, p. 5009. C.− Emploi pronom. Se diviser en deux voies, en deux branches : 4. Au bout de trois cents pas, il arriva à un point où la rue se bifurquait.
Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 541. 5. Le nœud sinusal est relié, à travers la paroi auriculaire, à un autre noyau, situé à la base de la cloison inter-auriculaire, le nœud septal; de celui-ci part, dans la cloison interventriculaire, un faisceau fibreux (faisceau de Hiss) qui, à la pointe du cœur, se bifurque et dont les deux branches se ramifient à la face interne de chacun des deux ventricules...
H. Camefort, A. Gama, Sc. nat.,1960, p. 279. − P. métaph. : 6. − Vous remarquez, Mademoiselle, lui dis-je, qu'ici la route se bifurque; oserai-je vous demander si vos parents se sont décidés pour la Tête-Noire ou pour le col de Balme?...
− Je l'ignore, Monsieur, me répondit-elle.
Toepffer, Nouvelles genevoises,1839, p. 385. II.− [L'idée dominante est celle de l'option pour une des deux branches de la fourche] Emploi intrans. A.− Vieilli. Opter entre deux directions, prendre une des deux directions offertes au choix. Spéc., ENSEIGN. (cf. supra I A) : 7. ... en ce temps-là, les élèves de l'Université de France, mis en demeure, au sortir des classes de grammaire, d'opter sur le seuil de la classe de troisième, pour les lettres ou les sciences, et obligés, à quatorze ou quinze ans, de bifurquer, comme on disait, se décidaient, d'après leurs lumières et celles de leurs parents, pour l'une ou l'autre branche de la fourche pédagogique...
A. France, La Vie en fleur,1922, p. 346. B.− Usuel. [En parlant d'un véhicule ou d'une pers.] Abandonner une direction pour en suivre une autre : 8. Et quand la voiture ayant bifurqué je leur tournai le dos et cessai de les voir, (...), j'étais triste comme si je venais de perdre un ami, de mourir moi-même, de renier un mort ou de méconnaître un Dieu.
G. Bataille, L'Expérience intérieure,1943, p. 223. 9. Pour atteindre cette cabane volante [la maison des Bergeaud], on traverse une impasse, on descend des marches, on bifurque, on en remonte, et on entre dans une roulotte gréco-franco-turque.
Cocteau, Maalesh,1949, p. 174. − P. métaph. Prendre une autre voie, changer d'orientation : 10. J'allais avec la moins aimée plus qu'avec Noémi, car je la voyais triste. Je laissai ainsi bifurquer mon premier amour, comme plus tard je laissai bifurquer ma politique, de la façon la plus maladroite.
Renan, Souvenirs d'enfance et de jeunesse,1883, p. 117. − Péjoratif : 11. Dès le début, la conversation bifurquait. Pierre sentit qu'elle déviait de son livre...
Zola, Rome,1896, p. 408. PRONONC. : [bifyʀke], (je) bifurque [bifyʀk]. ÉTYMOL. ET HIST. − Fin xvies. pronom. « se diviser en deux branches » (Ambr. Paré, IV, 23 dans Hug. : Elle se bifurche en deux insignes et notables rameaux); 1611 bifourché adj. (Cotgr.); 1728 se bifurquer (M. Fauchart [chirurgien dentiste, 1678-1761] dans Trév. Suppl. : On voit des dents molaires, dont les racines se bifurquent vers le bout); employé trans. et intrans. au xixes. (Lar. 19e).
Dér. du rad. du lat. impér. bifurcus « en forme de fourche »; dés. -er. STAT. − Fréq. abs. littér. : 101. |