| BARRICADER, verbe trans. A.− Emploi trans. Fermer avec une barricade : 1. Vendredi 12 mai. La terrasse des Tuileries est couverte de balles de chiffons, destinées à barricader le jardin sur toute la face de la place de la Concorde.
E. et J. de Goncourt, Journal,1871, p. 796. 2. La voix d'un capitaine domine le tumulte : « Rassemblez-moi tout ce que vous pourrez trouver de charrues, de herses... Même les faucheuses... Allez dire au lieutenant qu'il empêche les civils d'emmener les tombereaux. On en aura besoin pour barricader les routes...»
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 749. ♦ P. métaph. : 3. ... comme la grande bourgeoisie, mais pour d'autres raisons, l'Église elle aussi est barricadée, hérissée de défenses...
Mauriac, Bloc-notes,1958, p. 340. 1. P. ext. Fermer solidement : 4. ... des gens éperdus couraient, les portes et les fenêtres se fermaient violemment. Ils aperçurent Maigrat, de l'autre côté de la route, qui barricadait son magasin, à grand renfort de barres de fer...
Zola, Germinal,1885, p. 1438. 5. La nuit, enfin, il barricadait sa porte à l'aide de trois fauteuils arcboutés contre les murs; il avait calculé qu'il faudrait au moins une minute aux policiers ou aux agresseurs éventuels pour enfoncer la porte ainsi calée...
Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 384. ♦ P. métaph. : 6. Chaque jour nouvelle défiance; telle idée semble dangereuse aujourd'hui, tel homme demain, telle classe; on s'enferme de plus en plus, on barricade, on bouche solidement sa porte et son esprit; plus de jour, point de petite fente par où puisse entrer la lumière.
Michelet, Le Peuple,1846, p. 155. 7. Prends-le donc à ton service.
C'est un pauvre rêve fou;
Mais pauvreté n'est pas vice.
Nul cœur ne ferme au verrou;
Ton cœur, pas plus que mon âme,
N'est clos et barricadé.
Ouvrez donc, ouvrez, Madame,
À mon doux songe évadé.
Hugo, Les Chansons des rues et des boisÀ Dona Rosita, 1865, p. 162. 8. Il est de calcul froid, mais de force soudaine :
Des fers de volonté barricadent le seuil
Infrangible de son orgueil.
Verhaeren, Les Villes tentaculaires,1895, p. 130. 2. P. anal. [Le compl. désigne une pers.] Enfermer : 9. L'Anaïs gémissait d'une petite voix douce.
− Il va dormir, affirma Haudouin, ne t'inquiète pas.
Il poussa Noël sous le lit aussi loin qu'il put et l'y barricada avec un banc et des oreillers.
Aymé, La Jument verte,1933, p. 300. B.− Emploi pronom. Se mettre à couvert derrière une barricade : 10. On appelle archere d'étroites ouvertures en formes de meurtrières, ménagées entre de grosses bûches avec lesquelles on bouche la partie inférieure d'une fenêtre. Lorsqu'on craint quelque attaque, on se barricade de la sorte et l'on peut, à l'abri des bûches, tirer à couvert sur les assaillans.
Mérimée, Colomba,1840, p. 70. − P. ext. S'enfermer : 11. Oh! Je jure bien par ce que j'ai souffert et par le respect que je dois à mon âme, que c'est là ma dernière sortie. Je veux me barricader chez moi, m'y murer pour m'ôter toute tentation, ne bougeant pas plus qu'un terme, dussé-je sécher sur pied.
M. de Guérin, Journal intime,1833, p. 174. ♦ P. métaph. : 12. Menacé d'abolition, chacun de mes amis se barricadait dans le présent, découvrait l'irremplaçable qualité de sa vie mortelle et se jugeait touchant, précieux, unique; chacun se plaisait à soi-même; moi, le mort, je ne me plaisais pas...
Sartre, Les Mots,1964, p. 165. Prononc. : [baʀikade], (je) barricade [baʀikad]. Étymol. ET HIST. − [1588, L'Estoile d'apr. Dauzat68]; 1594 trans. barricader qqn « élever des barricades contre qqn » (Sat. Men., Piec. de tapiss., p. 26 dans Gdf. Compl. : La troisiesme piece contenoit l'histoire d'Absalon, qui barricada son pere, et le chassa de la ville de Jerusalem); 1611 fig. « s'enfermer pour ne voir personne » (Larivey, Tromperies, IV, 2 : Je me suis mis à ce coing pour me baricader).
Dér. de barricade*; dés. -er. STAT. − Fréq. abs. littér. : 222. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 157, b) 650; xxes. : a) 409, b) 216. |