| BAFOUER, verbe trans. I.− Emploi trans. Railler sans pitié, traiter avec un mépris outrageant, tourner en dérision. A.− [Le compl. désigne une pers.] :
1. ... lors, Marmet n'eut plus de repos. À chaque séance, il était persiflé avec une férocité joyeuse et bafoué de telle sorte que, malgré sa douceur, il se fâcha.
A. France, Le Lys rouge,1894, p. 18. 2. Jamais un budget n'avait été attaqué au parlement comme celui de Disraëli. On lui avait fait payer ses attaques contre Peel. Pendant une semaine, nuit après nuit, on l'avait raillé, bafoué, méprisé. Tous les brillants économistes avaient montré, l'un après l'autre, son ignorance et sa folie. Tous avaient souligné ironiquement son abandon de la protection.
Maurois, La Vie de Disraëli,1927, p. 209. SYNT. On le bafoua en pleine assemblée (Lar. 19e), on le bafoua sans miséricorde (Littré), bafouer qqn avec ignominie (DG), on le bafoua devant tout le monde (Rob.). − Spéc., p. euphém. Bafouer son époux. Le tromper (cf. Druon, Le Roi de fer, 1955, p. 310). B.− [Le compl. désigne un inanimé abstr. (idée, sentiment, loi, institution, etc.)] :
3. Je ne suis pas à marier! ... On ne bafouera pas ma tendresse une seconde fois...
Frapié, La Maternelle,1904, p. 253. 4. Molière n'épargnait rien. La Fontaine raillait tout. Boileau flétrissait la noblesse. Voltaire insultait la guerre, fessait la religion, bafouait la patrie.
R. Rolland, Jean-Christophe,La Révolte, 1907, p. 525. 5. Nietzsche poursuivit de ses sarcasmes étincelants tous les vestiges du Moyen-Âge. (...) Il bafoua la morale de son temps, qu'on nommait bourgeoise à tort, qui était en réalité pré-bourgeoise, anté-bourgeoise, − anti-bourgeoise.
J.-R. Bloch, Destin du Siècle,1931, p. 262. 6. Entre les nations démocratiques et les totalitaires, la différence tient à cette faculté laissée aux démocrates de nier, maudire ou bafouer les institutions à l'abri desquelles ils conspirent sans risque.
La Civilisation écrite,1939, p. 4416. II.− Emploi pronom. Se moquer de soi-même, se tourner en dérision : 7. Le malheureux Sigognac au désespoir, par l'exagération de son jeu, l'outrance de ses bouffonneries, la folie de ses rodomontades, semblait vouloir se bafouer lui-même et pousser la dérision de son sort jusques à la limite extrême où elle pouvait aller; il jetait à ses pieds dignité, noblesse, respect de soi, souvenir des ancêtres; et il trépignait dessus avec une joie délirante et féroce!
T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 266. − Rare. Se bafouer de qqc.S'en moquer : 8. ... à peine formés, Gilbert abandonnait ses projets et s'en bafouait.
Arland, L'Ordre,1929, p. 385. Rem. Bafouer, conspuer, honnir, vilipender. ,,Bafouer renferme une idée de moquerie outrageante, répétée, qui ne laisse pas de relâche. Conspuer marque un mépris profond (...). Honnir est le cri du soulèvement et de l'indignation (...). Vilipender, c'est ravaler, détruire la réputation, mettre sous les pieds comme quelque chose de vil, et tout cela souvent par un sentiment de jalousie ou par manque de générosité`` (Lar. 19e). PRONONC. ET ORTH. : [bafwe], (je) bafoue [bafu]. En ce qui concerne les dict. hist., synérèse pour la finale ds Fél. 1851 et DG, diérèse ds Fér. 1768, Fér. Crit. t. 1 1787, Land. 1834, Gattel 1841 et Littré; Fér. 1768 et Fér. Crit. t. 1 1787 enregistrent baffouer avec 2 f. ÉTYMOL. ET HIST. − 1580-92 trans. « traiter qqn avec dérision, l'outrager » (Mont., Liv. II, XII, p. 289 ds Gdf. Compl. : Nous n'aurons jamais assez bafoué l'impudence de cet accouplage [de l'homme et des Dieux]).
Soit formation expressive (peut-être avec infl. de fou*) à partir de l'onomatopée baff- exprimant le gonflement des lèvres, d'où la moquerie; cf. l'a. prov. bafa « moquerie » (Trad. de l'Évang. de Nicodème ds Rayn.) et bafar « se moquer », Pt Levy (E.) − soit altération d'apr. battre et fou (EWFS2) du m. fr. beffer « berner, tromper » (Rabelais, I, 54 ds Hug.), lui-même formation expressive à partir de l'onomatopée beff-, var. de baff-; à rapprocher de l'a. fr. befe « plaisanterie, mensonge » (début xiies. ds T.-L.) et de l'ital. beffare « se moquer » (xiiies. ds DEI). Il semble que le m. fr. bafouer « attacher au moyen d'une corde » (1534, Rabelais, Gargantua, éd. Marty-Laveaux, chap. 43, p. 159) soit un mot différent. STAT. − Fréq. abs. littér. : 268. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 143, b) 284; xxes. : a) 487, b) 569. DÉR. 1. Bafouement, subst. masc.Action de bafouer; résultat de cette action. Le bafouement des lois sacrées (A. Arnoux, Algorithme,1948, p. 34).Synon. plus rare bafouage*.− 1reattest. 1616 (St François de Sales, Amour de Dieu, IX, 7 ds Hug.); dér. de bafouer*, suff. -ment1* − Fréq. abs. littér. : 1. 2. Bafoueur, subst. masc.,néol. Celui qui bafoue. Bafoueur des protocoles (A. Arnoux, Les Crimes innocents,1952, p. 65).− 1reattest. 1952, supra; dér. de bafouer*, suff. -eur2*. BBG. − Bruant 1901. − Le Roux 1752. − Sar. 1920, p. 51. − Timm. 1892. |