| APÔTRE, subst. masc. A.− RELIG. [Suivi ou non de de + compl. d'appartenance] Nom donné aux douze disciples que Jésus-Christ chargea de prêcher l'Évangile : 1. Ils avaient des noms. Ils furent les premiers disciples; ils furent les douze apôtres. Les vieux saints, les saints éternels, les premiers vieux saints, les éternels vieux saints.
Péguy, Le Mystère de la charité de Jeanne-d'Arc,1910, p. 131. 2. Quand l'apôtre Pierre eut renié son maître jusqu'à trois fois, il n'eut pas à chercher si son maître avait raison ou tort, ou si lui-même s'était laissé duper par quelque belle apparence; mais plutôt il se sentit glisser; il connut sa faiblesse.
Alain, Propos,1925, p. 645. − P. comp. Prêcher en apôtre, comme un apôtre. ,,Prêcher avec onction, et d'abondance de cœur`` (Ac. 1878-1932). − P. iron., péj. Bon apôtre. Homme malicieux et de mauvaise foi. Faire le bon apôtre. ,,Contrefaire l'homme de bien.`` (Ac. 1835-1932) : 3. Moi je fais le bon prince et toi le bon apôtre. Au fond nous sommes pleins de fiel l'un contre l'autre.
Hugo, Torquemada,1882, p. 12. Rem. On trouve aussi mauvais apôtre (Judas) : 4. J'ai rencontré un jour, à Paris, une très-belle meute appartenant à je ne sais quel mauvais apôtre qui avait su vendre son maître beaucoup plus de 30 deniers.
Bloy, Journal,1900, pp. 381-382. SYNT. Les princes des apôtres (Saint Pierre et Saint Paul), ,,l'apôtre des gentils, des nations, le grand apôtre, ou simplement l'Apôtre (Saint Paul)`` (Ac. 1835, 1878), symbole des apôtres. − P. anal. a) Nom donné aux enfants ou aux pauvres dont l'évêque lave les pieds au cours de la liturgie du jeudi saint, en souvenir du geste de Jésus lavant les pieds des douze disciples. b) Arg. Juré d'assises. ,,Le nombre des jurés, douze, le même que celui des apôtres, suggère le rapprochement avec l'Évangile.`` (Esn.1966). B.− P. ext. 1. [Avec un compl. prép. de indiquant le destinataire de la prédication] Celui qui a le premier prêché la religion chrétienne dans une contrée. Saint-Denis est l'apôtre de Paris (Ac.1835-1932). 2. [Avec un compl. prép. de indiquant l'objet de la prédication] a) Celui qui propage une religion à la manière des apôtres : 5. Le prosélytisme religieux se trouve ainsi à l'origine d'une orientation décisive de la recherche scientifique : aux simples prises de contact avec les indigènes, aux rapides aperçus des voyageurs succède le travail lent, minutieux, en profondeur, de ces apôtres du christianisme.
Hist. de la science,1957, p. 1452 b) Celui qui, par ses paroles ou son exemple, propage une doctrine, une opinion, se voue à la défense d'une cause : 6. ... vous êtes père de famille; de lourdes charges vous incombent, et, sans vouloir me faire l'apôtre de certaines revendications sociales, j'oserai dire que l'état ne reconnaît pas toujours avec la générosité souhaitable le mérite de ses serviteurs...
Courteline, Le Gendarme est sans pitié,1899, 3, p. 173. 7. ... devant celui qu'il appelait l'apôtre du laid [Delacroix], Ingres crut devoir se faire l'apôtre du beau.
L. Hourticq, Hist. gén. de l'Art,La France, 1914, p. 344. 8. ... à Londres, Viénot, qui toute sa vie fut un apôtre de l'alliance britannique et qui s'attriste de rencontrer la réticence de l'Angleterre; ...
De Gaulle, Mémoires de guerre,1956, p. 190. Rem. La docum. fournit le néol. d'aut. apostoline, subst. fém. Femme d'apôtre (cf. Huysmans, Là-bas, t. 1, 1891, p. 102 : douze apôtres et douze apostolines); prob. formé sur le rad. de apostolat*, suff. -ine*, fém. de apostolin, 1752, Trév. ,,religieux d'un ordre appelé autrement l'Ordre de S. Barnabé; appelés ainsi, à cause de la vie apostolique qu'ils menaient``. PRONONC. : [apo:tʀ
̥]. Enq. : /apotʀ, D/. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. xies. « chacun des douze disciples qui reçurent de Jésus-Christ la mission de prêcher l'Évangile; chacun des premiers disciples du Christ » (Ep. S. Est., IXeds Gdf. Compl. : Saulus au non d'Adamassa la grant Pois fut apotres); d'où 1100 « l'apôtre de Rome » le Pape, successeur de l'apôtre Saint Pierre (Roland, éd. Bédier, 2998 : Recleimet Deu e l'apostle de Rome); 1798 p. anal. (Ac. : Apôtre. On donne encore le nom d'Apôtres, Aux enfans dont on lave les pieds le Jeudi Saint à la cérémonie de la Cène); 2. 1690 (Fur. : Apostre est aussi celuy qui a le premier planté la foy en quelque endroit); d'où fig. xviies. « celui qui cherche à propager une doctrine » (La Br[uyère], 16 ds DG : Quand on ne serait pendant sa vie que l'apôtre d'un seul homme); 3. 1663 p. antiphrase bon apôtre (Molière, Ét., 1559 ds Rob. : ... ce bon apôtre Qui veut m'en donner d'une et m'en jouer d'un autre); 1723 arg. (Le Vice puni ou Cartouche ds Sain. Sources Arg. t. 1, p. 329 : Apôtres, doigts); 1847 « pieds » (Dict. de l'arg. ou la Lang. des voleurs dévoilés, p. 220).
Empr. au lat. eccl. apostolus gr. α
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ς; au sens 1 St Jérôme, Gal., 1, 1, 1 ds Blaise; cf. gr. α
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ς N.T., Luc, 6, 13 ds Bailly; au sens 2, Vulg., I Cor, XII, 28 (éd. Filion); sens 3 « doigt » peut-être parce que les bons apôtres étaient unis comme les doigts d'une main; voir aussi Sain. Sources t. 3, p. 9 et FEW t. 25, 2, p. 20a. STAT. − Apôtre. Fréq. abs. littér. : 1 210. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 968, b) 1 532; xxes. : a) 2 184, b) 1 331. Apostoline. Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Allmen 1956. − Archéol. chrét. 1924. − Bach.-Dez. 1882. − Bible 1912. − Bible Suppl. t. 1 1928. − Bouyer 1963. − Dheilly 1964. − Dupin-Lab. 1846. − Esn. 1966. − Foi t. 1 1968. − France 1907. − Fries t. 1 1965. − Gottsch. Redens. 1930, p. 355. − Larch. 1880. − La Rue 1954. − Lep. 1948. − Le Roux 1752. − Marcel 1938. − Michel 1856. − Nelli 1968. − Noter-Léc. 1912. − Pierreh. 1926. − Pierreh. Suppl. 1926. − Théol. bibl. 1970. − Théol. cath. t. 1, 2 1909. − Viollet 1875. |