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ANTITHÈSE, subst. fém.
A.− RHÉT. Figure par laquelle on rapproche en les opposant deux mots, deux expressions, deux idées contraires, pour leur donner plus de relief. Antithèse de mots, d'expressions, de pensées :
1. L'abbé Delille me disait : « J'aime l'antithèse, on me l'a reproché. » Il y a, lui dis-je, deux genres d'antithèses. L'antithèse des choses et c'est le rapprochement; et l'antithèse des mots. Le rapprochement est dans les choses, l'antithèse dans les mots. Chênedollé, Journal,1808, p. 35.
SYNT. Antithèse banale, frappante, surprenante; rechercher l'antithèse, faire des antithèses.
P. ext., appliqué au domaine mus. ou pictural :
2. La deuxième et dernière pièce de la [12e] sonate consiste (...) en une intéressante antithèse entre un thème grave et un allegretto pastoral. V. d'Indy, Cours de compos. musicale,t. 2, 1897-1900, p. 229.
3. Dans les dessins de Hugo comme dans ses poèmes règne la même poétique de l'antithèse et du clair-obscur. L. Réau, L'Art romantique,1930, p. 144.
P. méton., lang. cour. Personne ou chose qui contraste avec une autre. Être l'antithèse de qqn, de qqc. Synon. opposition :
4. Gourmand, j'ai été sobre; aimant et la marche et les voyages maritimes, désirant visiter plusieurs pays, trouvant encore du plaisir à faire, comme un enfant, ricocher des cailloux sur l'eau, je suis resté constamment assis, une plume à la main (...) Enfin ma vie a été une cruelle antithèse, un perpétuel mensonge. Balzac, La Peau de chagrin,1831, p. 104.
5. Turquoise avait compris que le seul moyen de dompter, de dominer, de garrotter cet homme habitué à vivre avec sa femme, une créature distinguée, charmante, pleine d'une noble et chaste pudeur, était de devenir l'antithèse vivante de cette femme. Turquoise avait raison. Le secret des faiblesses du cœur humain est tout entier dans les contrastes. Ponson du Terrail, Rocambole,t. 2, Le Club des valets de cœur, 1859, p. 340.
Par antithèse. Par opposition :
6. « (...) j'oublie, paysan parvenu, que l'initiale raison du château fut de me révéler par antithèse la chaumière. » (Saint-Pol Roux, Les Féeries intérieures, 1907). Bachelard, La Poétique de l'espace,1957, p. 71.
B.− PHILOS. Deuxième moment d'une démarche dialectique faisant suite au premier appelé thèse (et, chez Hegel, préparant le troisième appelé synthèse) :
7. Ce passage de la thèse à l'antithèse, ce renversement du pour au contre qui est le procédé constant de l'intellectualisme laissent subsister sans changement le point de départ de l'analyse... Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception,1945, p. 49.
8. Pour Hegel, le monde ne progresse pas par simple transformation d'un donné immuable, il y a véritablement création de nouveau, croissance. L'existence d'un donné (la thèse) appelle l'affirmation de son contraire (l'antithèse) et de la lutte entre thèse et antithèse sort la synthèse. G. Vedel, Manuel élémentaire de dr. constitutionnel,1949, p. 203.
Rem. Chez Kant, thèse et antithèse forment les deux termes d'une antinomie (cf. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances, 1851, p. 227).
P. ext., dans le domaine artistique (mus., peint.) :
9. Engel transporte au sein de la gamme les oppositions célèbres : thèse, antithèse, synthèse. Ch. Lalo, Esquisse d'une esthétique musicale sc.,1908, p. 164.
10. ... le peintre, qu'il soit l'interprète de sa pensée ou de celle de son groupe, croit projeter sa propre « thèse » dans son tableau; mais dès qu'elle s'est séparée de lui et qu'elle s'est fixée dans une apparence immobile, il la ressent comme une « antithèse ». Il lui faut alors trouver un accord, une « synthèse », entre ce qu'il est, ce qu'il croit être, et la révélation imprévue apportée par l'œuvre, de ce qu'il y a mis sans le savoir, de ce qu'il ignorait de lui-même et avec quoi soudain il se confronte. Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 383.
PRONONC. : [ɑ ̃titε:z]. Passy 1914 note une durée mi-longue pour la 1resyllabe du mot (cf. aussi Fér. 1768 et Fér. Crit. t. 1 1787 qui précisent que la 1resyllabe est longue; cf. aussi Fél. 1851). Enq. : /ãtitez/.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Av. 1550 rhét. « contraste naissant du rapprochement de deux idées ou deux expressions qui s'opposent » (P. Doré, L'adresse de l'esgaré pecheur, 43b d'apr. Vaganay ds Fr. mod., t. 5, 1970 [sans attest.]); av. 1564 (Calvin, Comm. s. l'harm. evang., p. 642 ds Gdf. Compl. : Mais afin que ce passage soit bien entendu, il nous faut entendre l'antithese qui est entre les semailles et la moisson); 2. 1704 gramm. (Trév. : Antithese est aussi une figure de Grammaire, par laquelle on change une lettre pour en substituer une autre : comme quand on dit olli pour illi); 3. mil. xviiies. sens gén. « opposition » (Le Père Daniel ds Fér. Crit. : antithèse de la doctrine des Thomistes et de celle de St Thomas). Empr. au gr. α ̓ ν τ ι ́ θ ε σ ι ς « opposition » (Platon, Soph., 257eds Bailly), « opposition d'idées en rhét. » (Aristote, Rhet., 3, 9, 9, ibid.), « permutation de lettres » (Hérodien, p. 39, 24, ibid.); au sens philos. cf. emploi comme terme de logique « opposition de proposition » (Aristote, Interpr., 10, 3, ibid.); empr. par le lat. antithesis, au sens gén. « opposition » (Tertullien, Adv. Marc., 1, 19 et 4, 1 ds TLL s.v., 187, 63 et 65) et en gramm. (Cherisius, Gramm., I, 279, 16, ibid., 187, 57).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 223. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 333, b) 373; xxes. : a) 233, b) 323.
BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Bouillet 1859. − Dagn. 1965. − Dem. 1802. − Dup. 1961. − Gall. 1955, p. 34, 161, 480, 529. − Goblot 1920. − Gramm. t. 1 1789. − Lal. 1968. − Mar. Lex. 1933. − Mar. Lex. 1961 [1951]. − Miq. 1967. − Morier 1961. − Noter-Léc. 1912. − Springh. 1962.