| ANIMALITÉ, subst. fém. A.− Ensemble des caractères qui font qu'un être appartient au règne animal : 1. ... pour découvrir des cas probables de conscience végétale, il faut descendre aussi bas que possible dans l'échelle des plantes, arriver aux zoospores des algues, par exemple, et plus généralement à ces organismes unicellulaires dont on peut dire qu'ils hésitent entre la forme végétale et l'animalité.
Bergson, L'Évolution créatrice,1907, p. 113. 2. On dirait que Corneille a poursuivi avec une sorte de rancune certaines images du dessèchement par la vieillesse, de la sclérose du cœur. L'animalité même de l'amour maternel n'est pas épargnée.
Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 285. 3. En me relisant, je m'avise que le rapprochement que je viens de faire peut avoir l'air désobligeant pour ma petite compagne. Dans mon esprit, il ne l'était pas. Ce que nous gardons d'animalité n'est pas forcément une tare. Dans l'animalité comme dans le reste, il faut choisir. Il y a ce qu'elle contient de vil, de cruel, de corrompu. Il y a ce qu'elle contient de vif et de charmant. Est-il même nécessaire de s'excuser de tels rapprochements, quand il s'agit de sentiments plus ou moins apparentés à l'amour?
J. Romains, Les Hommes de bonne volonté,La Douceur de la vie, 1939, p. 120. 4. L'enfant devient adulte et peut-être que l'animal devient homme. C'est la continuité des stades de développement qui rend intelligible le passage des confins de l'animalité à l'humanité, puis des confins de l'enfance à l'humanité adulte.
Ricœur, Philosophie de la volonté,1949, p. 401. − P. ext. Comportement animal : 5. Betty viennoise, selon la formule de Gozzi, mélancoliquement timide, et d'une mignonne gaucherie à la Schoorel, couvait Leonora de regards troublés, en une adoration qui la faisait lécher de baisers les mains de la princesse, avec une animalité douce dans la caresse.
Péladan, Le Vice suprême,1884, p. 37. − Péj. [Pour désigner l'état de l'homme dégradé] :
6. − Allez, allez, mon enfant, − répétait l'oncle Augustin, − la multitude ne vaut rien. Sans chefs, la masse se désagrège et retourne vite à l'animalité.
Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902, p. 397. B.− P. méton., rare. Ensemble d'êtres appartenant au règne animal : 7. Dîner chez Daudet, en tout petit comité de famille; et le soir, avec Alphonse, une longue et captivante causerie sur la fin de terre touchant au pôle, où il n'y a plus d'humanité, d'animalité, de végétation, où plus rien n'est, que glace et nuit, − et sur l'effroi du silence qui règne dans ce monde glacé.
E. et J. de Goncourt, Journal,1893, p. 344. PRONONC. : [animalite]. Enq. : /animalite/. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) Fin xiies. animaliteiz « ensemble des facultés qui caractérisent l'être vivant » (Epist. S. Bern. a Mont Deu, ms. Verdun 72, fo24 rods Gdf. Compl. : Li animaliteiz est une maniere de vie servanz a sanz del cors); xves. animalité « id. » (Lefranc, Champ. des Dam., Ars, fo148 d, ibid.) attest. isolées; b) 1814 « ensemble des qualités propres au règne animal (p. oppos. aux végétaux) » (Bernardin de St-Pierre, Harm., liv. V ds Littré : Les végétaux ne sont pas des animaux renversés, comme on l'a prétendu; car ils n'ont point les facultés ni les organes qui constituent l'animalité); 2. av. 1778 « ensemble des caractères de l'animal (p. oppos. à l'homme) » (J.-J. Rousseau, Orig. Notes, ibid. : Dans l'état d'animalité dont il s'agit ici ...); 3. av. 1788 « partie animale de l'homme » (Buffon ds Lar. 19e: Nous ne distinguons pas bien nettement les qualités que nous avons en vertu de notre animalité, de celles que nous avons en vertu de notre âme).
Empr. au lat. animalitas : sens 1 attesté à l'époque carolingienne (Mythographi, 3, 6, 16 ds Quicherat, Dict. lat. fr., Paris, Hachette); puis 1248-56 (Albert Le Grand, Myst. théol., 5, 1 ds Mitellat. W. s.v., 663, 36); sens 1 b (Id., ibid., 21, 40, ibid., 663, 41); sens 3 début ves. (St Augustin, Spir. et an., 38 ds TLL s.v., 84, 4). Le sens 2, non attesté en lat., est plus prob. dér. de animal* (p. oppos. à l'homme). STAT. − Fréq. abs. littér. : 258. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 244, b) 436; xxes. : a) 409, b) 408. BBG. − Foulq.-St-Jean 1962. − Lal. 1968. − Littré-Robin 1865. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Nysten 1824. |