| AMPHITRYON, subst. masc. Fam. [P. allus. à deux vers de l'Amphitryon de Molière] Personne chez laquelle ou aux frais de laquelle on dîne. Voilà l'amphitryon, notre amphitryon nous a bien régalés (Ac. 1835-1932) : 1. ... Il [le président Hénault] continua sa carrière fort avant dans le dix-huitième siècle ... fut l'ami intime et le familier de tous les gens en place, le patron ou l'amphitryon des gens de lettres...
Ch.-A. Sainte-Beuve, Causeries du lundi,t. 11, 1863-1869, p. 215. 2. Mon parrain découpait lui-même les grosses pièces et servait en faisant parvenir les parts à ses invités, vieil usage, suivi autrefois dans les meilleures maisons. Le prince de Talleyrand, réputé pour le plus accompli des amphitryons, en usait de la sorte. Il découpait lui-même les viandes et en faisait passer une part à chacun en mesurant la civilité de l'offre au rang des convives.
A. France, La Vie en fleur,1922, p. 487. − Fam. et p. iron. Amphitryon femelle, amphitryonne : 3. − Après le dîner fait trois visites. − Trouvé tout mon monde. − Passé la soirée chez mon amphitryon femelle. − Soupé. − Causé longtemps après souper.
J. Barbey d'Aurevilly, Premier Memorandum,1836, p. 88. 4. Ma nièce m'a écrit qu'elle avait fait chez vous un dîner fort aimable. Parbleu! je le crois bien! Il n'y a pas de maison gentille comme la vôtre. La nourriture y est parfaite et l'amphytrionne si alléchante! Mais tout cela ne me dit pas ce que devient le dedans de la chère amie.
G. Flaubert, Correspondance,1876, p. 257. Rem. 1. Lar. 19eprécise : ,,Ce mot est toujours masculin; cependant un écrivain contemporain lui a donné la forme féminine : Une autre amphitryonne promit à la société l'exhibition d'un jeune sauvage (Ph. Busoni).`` Usage qualifié de barbare par Quillet 1965, qui ne semble pas avoir saisi l'emploi fam. de ce néol. d'auteurs. 2. Amphitryon affable, caustique, civil, délicat, fâcheux, gracieux, joyeux, maussade (Besch. 1845); amphitryon somptueux (Lar. 19e). − Au fig., poét. [En parlant du destin] :
5. Le sombre amphitryon [le Destin] ne veut pas de plats vides,
Et la profusion lasse les plus avides [convives] ...
V. Hugo, Les Chants du crépuscule,1835, p. 42. DÉR. Amphitryon(n)er,(Amphitryoner, Amphitryonner) verbe trans.,néol. 1. Présider ou offrir un repas; ,,Hier, 22 janvier, l'anniversaire de la naissance de lord Byron, dîné avec G. Guérin et Scudo. − J'amphitryonais. − Il a eu de part et d'autre moins de verve que je n'aurais cru.`` (J. Barbey d'Aurevilly, Premier Memorandum,1837, p. 110)2. Plais. [En parlant d'une pers. et par réf. au personnage de Molière] Se conduire à la manière d'Amphitryon; synon. tromper, comme Jupiter trompa Amphitryon;,,J'avais autour de moi, à l'orchestre, quelques ménages littéraires dont les maris ont été amphitryonnés autant que le mari d'Alcmène...`` (P. Léautaud, Le Théâtre de Maurice Boissard,t. 2,1943, p. 221) Prononc. : [ɑ
̃fitʀijɔ
̃] ou [-tʀiɔ
̃]. Harrap's 1963, Pt Rob., Pt Lar. 1968 et Warn. 1968 transcrivent pour ce mot la finale -yon par [-ijɔ
̃]. Passy 1914 transcrit [-iɔ
̃] (cf. aussi Fouché Prononc. 1959, p. 390, qui note [-iɔ
̃] pour amphitryon et [-ijɔ
̃] pour amphictyon). Barbeau-Rodhe 1930 reçoit les 2 prononciations. Étymol. ET HIST. − 1752 (Trév. : Ce mot, qui est le nom d'un Roi de Mycènes et de Thèbes, est devenu François d'une manière proverbiale, pour exprimer celui qui donne à manger ou qui paye pour plusieurs une certaine dépense. C'est Molière qui, sans y penser, a été l'Auteur de ce mot : car depuis qu'il a fait dire à Sosie que le véritable Amphitryon [des deux intervenant dans la pièce] est celui chez qui l'on dîne, on demande qui est-ce qui est l'Amphitryon? Ou bien on dit : C'est Mr un tel qui est l'Amphitryon, pour dire que c'est lui qui traite ou qui paye).
Du nom propre Amphitryon empr. au gr. Α
μ
φ
ι
τ
ρ
υ
́
ω
ν, chef thébain, père mortel d'Héraclès (Iliade, 5, 392 ds Bailly), p. allus. à la pièce de Molière Amphitryon (cf. supra).
− Amphitryonner, 1837, supra. BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Darm. Vie 1932, p. 48, 95. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 37, 38; t. 2 1966, p. 175. − Hanse 1949. − Lavedan 1964. − Mont. 1967. − Thomas 1956. |