| ALINÉA, subst. masc. A.− [Dans un texte manuscrit ou imprimé] Séparation marquée par un blanc laissé au commencement d'un paragraphe, dont la première ligne est ainsi en retrait par rapport aux autres (cf. cadratin, renfoncement) : 1. L'usage de l'alinéa est très-arbitraire : il ne faut point qu'il soit trop fréquent; cela donneroit au discours l'air d'un ouvrage trop décousu; il ne faut pas non plus qu'il soit trop rare; cela fatigueroit l'esprit, en ne lui donnant pas assez de repos d'une certaine étendue.
Dem.1802, s.v. ponctuation. 2. Quelle écriture emploierons-nous? Bâtarde, coulée, ronde, anglaise? Terminerons-nous les bouts de ligne par des fleurons? Encadrerons-nous les pages par des spirales ornées? Nos majuscules d'alinéa seront-elles compliquées d'arabesques?...
V. de Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 3, 1813, p. 78. 3. D'autres blancs portent des noms particuliers : ce sont le cadratin, de forme cubique, signe distinctif de l'alinéa qu'il commence...
É. Leclerc, Manuel de typographie,1897, p. 50. 4. Il n'aimait que les œuvres compactes, les longs romans touffus « où l'on se perd, disait-il, où l'on oublie tout, où l'on s'enfonce comme au cœur d'une forêt dans une prose dense et serrée, sans alinéas... »
R. Martin du Gard, Souvenirs autobiographiques et littéraires,1955, p. LXXI. − IMPR. On distingue 3 sortes d'alinéas : 5. ...l'alinéa rentrant, qui est le plus usuel; l'alinéa saillant, qui ressort en marge des autres signes; et l'alinéa aligné, qui commence en alignement avec les autres.
Chesn.1857. B.− P. ext. Texte compris entre deux alinéas : 6. J'aime les six dernières lignes de ma lettre à Charles parce qu'elles expriment un état de mon âme, et cependant je voudrais les supprimer, (l'alinéa commençant par mon dix-neuvième hiver et finissant par colère majestueuse) et remplacer cet alinéa final par la page ci-jointe, qui se souderait à la fin du paragraphe terminé par l'éclatant sarcasme de Rochefort.
V. Hugo, Correspondance,1869, p. 232. 7. Pour le critique de la France libérale, lui! Il se rendait parfaitement compte qu'il s'était produit un léger ramollissement dans ses alinéas ... et qu'on ne le lisait plus...
E. de Goncourt, La Faustin,1882, p. 143. 8. ...Yann lut les histoires drôles de la vieille grand'mère Yvonne, qui n'avait pas sa pareille pour amuser les absents; et puis le dernier alinéa qui le concernait : « le bonjour de ma part au fils Gaos. »
P. Loti, Pêcheur d'Islande,1886, p. 71. 9. ... car il faut exister pour être censuré. Les cris d'orfraie que nous poussons pour un alinéa coupé me gênent, je l'avoue : on songe à un riche attablé qui, devant des pauvres mourant de faim, se plaint qu'on lui vole une truffe.
F. Mauriac, Le Baîllon dénoué,1945, p. 426. Rem. Syntagmes fréq. copier, déchiffrer, intercaler, lire, remplacer, retrancher, supprimer un alinéa; diviser en alinéas. − [Dans un texte jur.] Subdivision de l'article : 10. [L'article est une] division élémentaire et fondamentale des lois françaises comprenant une disposition légale condensée en une seule ou plusieurs phrases, parfois réparties en plusieurs alinéas, et dont la série reçoit, pour faciliter la citation des textes, un numérotage unique.
Cap.1936. 11. Mais revenons à ton commerce. Préfères-tu bénéficier de l'article 208 du chapitre 62 de la seizième circulaire comptant pour le cinquième règlement général ou bien l'alinéa 27 de l'article 207 de la circulaire 15 comptant pour le règlement particulier?
A. Camus, L'État de siège,1948, p. 245. DÉR. Alinéaire, adj.,peu us. ,,Qui précise le commencement ou la fin d'un alinéa.`` (Quillet 1965); attesté également ds Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Nouv. Lar. ill.-Lar. 3). Alinéaliste, subst. masc.,néol. d'aut. Personne qui multiplie les alinéas ou qui aime à les multiplier (cf. A. Delvau, Dict. de la langue verte, 1867, p. 507). Alinéater, verbe trans.,néol. d'aut. Multiplier les alinéas (cf. E. et J. de Goncourt, Journal, août 1888, p. 819). Prononc. ET ORTH. : [alinea]. − Rem. Alinéa est invar. au plur. jusqu'à Ac. 1835. Cf. Littré, s.v., rem., qui demande qu'on écrive des alinéas. − Dér. Alinéaire : [alineε:ʀ]. Étymol. ET HIST.
I.− Alinéa, 1. av. 1654 subst. « ligne nouvelle dont le premier mot est en retrait par rapport au début des autres lignes » (G. de Balzac, Lett. inédites, LXI, éd. Tamizey-Larroque ds Littré Suppl. : Je voudrais que la copie fût ex vera recensione Capellani [d'apr. la vraie révision de Chapelain], et qu'il prît la peine de la diviser en plusieurs sections, ou, pour parler Rocolet [c'était son imprimeur], en des alinéa, comme sont tous mes discours, qui est une chose qui aide extrêmement celui qui lit et démêle bien la confusion des espèces); d'où 1817 « paragraphe compris entre deux alinéas » (Jouy, Hermite de la Guiane, 1, 163 ds Quem. t. 1 1959 : Il débite à tant la ligne ses alinéas politiques); 2. loc. adv. a) 1694 mettre à linea « commencer une nouvelle ligne » (Ac., s.v. ligne). − 1771, Trév.; b) 1704 alineâ (Trév., s.v. Ligne : à lineâ... pour dire qu'il faut recommencer une nouvelle ligne et laisser la précédente imparfaite). − 1771, Trév.; l'emploi 2 est encore ds Ac. 1835 et 1878.
II.− Alinéaliste, 1867, supra.
III.− Alinéater, 1888, supra.
I mots lat. a linea « [écrire] en s'éloignant de la ligne » [qui indique la division de la page en colonnes], formule prob. utilisée à l'orig. pour la dictée d'un texte; voir ligne. II dér. de alinéa*; suff. -iste* élargi (voir Nyrop t. 3 1936, § 332 et 92). III dér. de alinéa*, dés. -er avec élargissement d'apr. les verbes à finale en -ater (mandater, frelater, colmater). STAT. − Fréq. abs. litt. : 65. BBG. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Cap. 1936. − Chesn. 1857. − Comte-Pern. 1963. − Dagn. 1965. − Dem. 1802. − Éd. 1913. − Fér. 1768. − Lav. Diffic. 1846. − Spr. 1967. − Voyenne 1967. |