| ADVERSITÉ, subst. fém. Littéraire 1. Gén. au sing. avec l'article déf. Sort contraire, circonstances malheureuses (deuil, revers de fortune, etc.) s'imposant comme une épreuve à subir ou à surmonter : 1. Au contraire, de toutes les choses humaines, dont la nature est de périr dans les tourmens, la véritable religion s'accroît dans l'adversité : Dieu l'a marquée du même sceau que la vertu.
F.-R. de Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 2, 1803, p. 425. 2. ... vous êtes encore et vous serez toujours pour moi le Marquis de la Seiglière, plus grand dans l'infortune que vous ne le fûtes jamais au faîte de la prospérité. Je suis fait ainsi : l'infortune me séduit, l'adversité m'attire. Si mes opinions politiques me l'eussent permis, j'aurais accompagné Napoléon à Sainte-Hélène. Veuillez croire que mon dévouement et mon respect vous suivront partout, et que vous trouverez en moi un fidèle courtisan du malheur.
J. Sandeau, Mademoiselle de la Seiglière,1848, p. 224. 3. Je remercie Dieu de ce qu'il a bien voulu faire de moi, de l'épreuve que je subis, de la ruine où je médite. Je trouve bonne l'adversité, bonne l'injustice, bonne la haine, bonne la calomnie qui se glisse comme le ver dans le sépulcre. Si toutes ces choses qu'on est convenu d'appeler le malheur et qui sont sur moi, pèsent le poids d'un caillou dans le progrès humain, je bénis la destinée.
V. Hugo, Correspondance,1854, p. 188. 4. Mais je constate que ce qu'il y a de plus noble, de plus vivant chez les gens de France et chez moi est de formation catholique, s'accroît dans l'atmosphère catholique et que dans l'adversité, ou du moins dans les grandes circonstances de la vie, chacun de nous trouve dans l'Église son plus parfait bien-être.
M. Barrès, Mes cahiers,t. 8, 1909-1911, p. 297. 5. Mon optimisme, ce n'est pas dans la douleur, dans l'adversité, qu'il trouve de quoi s'achopper; mais devant la laideur et la malignité des hommes.
A. Gide, Journal,1931, p. 1055. Rem. Syntagmes fréq. a) Groupes nominaux : coups de l'adversité (A. Gide, Les Nouvelles nourritures, 1935, p. 284), école de l'-(P.-L. Courier, Pamphlets politiques, 1824, p. 77), jour de l'-(F.-R. de Chateaubriand, Essai sur les Révolutions, 1797, p. 169), leçons de l'- (Id., Les Martyrs, 1810, p. 211), vent de l'- (J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature, 1814, p. 204), courage dans l'- (F.-R. de Chateaubriand, Les Natchez, 1826, p. 221), temps d'- (Id., Essai sur les Révolutions, 1797, p. 57), rocher d'- (Ch. Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 204); b) Groupes verbe + subst. : connaître l'adversité (L. Bloy, La Femme pauvre, 1897, p. 116), conjurer l'- (Ch. Péguy, La Tapisserie de Notre-Dame, 1913, p. 701), plier sous l'- (E. de Guérin, Journal, 1840, p. 80), supporter l'- (F.-R. de Chateaubriand, Essai sur les Révolutions, 1797, p. 164). 2. Au plur. Les adversités. Les événements malheureux, les épreuves : 6. Il disait à propos de la reine de Hollande, devenue par Louis XVIII duchesse de Saint-Leu : « Quand on a accepté les prospérités d'une famille, il faut en embrasser les adversités. »
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 2, 1848, p. 600. 7. On a eu tous les chagrins, toutes les épreuves, tous les soucis, toutes les adversités possibles, excepté la maladie, car on a été quarante-deux ans de suite sans la connaître.
H.-F. Amiel, Journal intime,30 janv. 1866, p. 107. Rem. 1. Syntagmes rencontrés : les grandes adversités (P. Borel, Champavert, 1833, p. 193), vaincre les adversités (E. Mounier, Traité du caractère, 1946, p. 351). 2. Adversité est l'anton. de prospérité, bonheur; il est synon. de malheur, mais caractérisé par l'idée de lutte, la manière dont on la soutient et les bénéfices moraux qu'on en retire. Fréquent au xixes., notamment chez Chateaubriand. Prononc. : [advε
ʀsite]. Enq. : /adveʀsite1/. Étymol. ET HIST. − 1. 1145 « malheur, revers de fortune » (Elye de Wincestre, Afaitement Catun, 435, p. 129, ed. Stengel); 2. 1160 « hostilité » (Benoit, Ducs de Normandie, II, 4889 : A l'arcevesque a tot mustré sa ire e sa grant aversité). − entre 1360-70 (Li Romans de Bauduin de Sebourc, éd. Bocca, XXIV, 534 ds T.-L. : frapoit a deus mains de telle adversité Que s'il ëust a plain Baudewin assené, Je croi qu'il li ëust le haterel copé).
Empr. au lat. chrét. adversitas; cf. avec 1 Pseudo Quintilien, Decl. ds TLL, 847, 77 : convenimus in amicitiam, cum advenit adversitas; avec 2 Pseudo Cyprien, Abus., 6, ibid., 847, 55 : magna magnis infestationibus et adversitatibus solent laborare. STAT. − Fréq. abs. litt. : 245. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 862, b) 269; xxes. : a) 91, b) 106. BBG. − Bailly (R.) 1969. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Bruant 1901. − Daire 1759. − Lacr. 1963. − Laf. 1878. − Lav. Diffic. 1846. − Marcel 1938. |