| ADHÉRENCE, subst. fém. I.− État d'une chose qui adhère physiquement à une autre (cf. adhérer I). A.− Dans la lang. commune, rare : 1. L'incertitude qui l'eût agacé et rongé autrefois, au temps des vouloirs durs, l'amollissait de faiblesse. Psychologie couchée, se répétait-il. En réalité, désir de repos laissé par tant de nuits, conscience d'une fatigue immense, adhérence passive et épuisée des membres aux draps, goût du lit, enfin ce qu'il fallait pour qu'en un corps dont tout sentiment de pesanteur était parti, la fièvre pût trembler à petits bouillons imperceptibles.
J. Malègue, Augustin ou le Maître est là,t. 2, 1933, p. 380. B.− Emplois spéc. Fait de coller à une surface, sous l'action des forces d'attraction entre molécules. − AUTOMOBILE : 2. On appelle adhérence la réaction du sol qui constitue la force extérieure motrice, indispensable pour la progression.
L. Pévissé, Traité général des automobiles à pétrole,1907, p. 9. − CH. DE FER : 3. On donne le nom d'adhérence à la force de frottement qui se développe entre les rails et les roues motrices d'une locomotive en action.
Herdner, Locomotives,p. 38. − GÉOPHYSIQUE : 4. Adhérence d'un sol : aptitude à coller à des objets, en particulier au fer des instruments agricoles. Elle est plus grande pour les sols lourds, compacts, tenaces : d'où la définition même de la lourdeur d'un sol.
Plais.-Caill.1958. − MÉDECINE : 5. On donne le nom d'adhérences à l'union vicieuse ou accidentelle de surfaces contiguës. Que, par exemple, les deux feuillets opposés de la plèvre, au lieu de glisser librement l'un sur l'autre en conservant leur indépendance réciproque, viennent à s'accoler et à s'unir, on dit qu'il s'est produit entre eux une adhérence. (...) Dans un sens plus restreint, l'adhérence ne s'applique en pathologie qu'à l'union de surfaces naturellement contiguës, et non à la réunion de tissus accidentellement séparés, non plus qu'à la fusion congénitale de parties normalement distinctes.
Jaccoud, Nouveau dict. de médecine et de chirurgie pratiques,Paris, J.-B. Baillière et fils, 1864, p. 395 à 403. − MÉTALLURGIE : 6. [Dans le laminage des tôles pour fer blanc,] (...) les chauffages et laminages successifs ont eu pour effet de produire une adhérence considérable des feuilles entre elles.
M. Gasnier, Dépôts métalliques directs et indirects,1927, p. 58. II.− Au fig., littér. Attachement moral étroit, poussé jusqu'à la coïncidence, à des réalités exerçant elles-mêmes une forte attirance (souvenirs, idées, objets, personnalité, Dieu, etc.) (cf. adhérer II). A.− Vieilli. [En parlant de l'attachement d'une pers.] :
7. C'est certainement une chose indiscrète en tout temps, et beaucoup plus indiscrète encore à cet âge de ma vie, que de provoquer des ennemis, ou de donner à mes amis des raisons de m'abandonner. Cependant, si cela doit arriver pour mon adhérence à la constitution britannique, je risquerai tout, et comme le devoir public et la prudence publique me l'ordonnent, dans mes dernières paroles je m'écrierai : fuyez la constitution française!
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 1, 1848, p. 526-527. B.− [En parlant de l'attachement de l'esprit, du cœur, de l'âme, etc.] 1. Arch., domaine mystique : 8. « Adoration » et « adhérence » ont exactement le même objet. Par l'adoration, nous reconnaissons l'infinie grandeur de cet objet, nous nous abaissons et abîmons lyriquement devant lui; par l'adhérence, nous essayons de nous unir à lui et de nous l'approprier. Nous commençons par adorer, dit un des maîtres de l'école française; puis « nous attirons dans notre cœur et faisons passer en nous ce que nous avons adoré ».
H. Bremond, Hist. littéraire du sentiment religieux en France,t. 3, 1921, p. 127-128. 9. Comment rendraient-ils jamais populaires la « religion de l'intérieur », le « culte en esprit et en vérité », l'« adhérence » de « pure foi » à Dieu et au Christ, au delà des formes et des pratiques, d'ailleurs nécessaires, au delà des images, des concepts et des sentiments? Ils connaissaient du reste fort bien les difficultés de l'entreprise.
H. Bremond, Hist. littéraire du sentiment religieux en France,t. 3, 1921p. 512-513. 2. Domaine psychol. : 10. Toutes les impressions contemporaines, tous les mouvements qui se sont constamment répétés ensemble, s'unissent si étroitement et contractent une telle adhérence, qu'ils ne peuvent plus s'isoler, mais s'appellent sans cesse, se remplacent, et souvent se confondent au regard de la pensée.
Maine de Biran, De l'Influence de l'habitude sur la faculté de penser,1803, p. 164. 11. Cette adhérence au passé, cette « persévération » psychique des habitudes, des souvenirs, des attitudes, nous en décrirons plus loin une forme, sous le nom de « secondarité », mais celle-ci ne se présente pas sous un aspect aussi contendu.
E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 286. 12. ... au contraire dans l'effort d'attention la perception est réceptivité par son adhérence à l'objet et activité par son inhérence à l'effort, c'est-à-dire par l'initiative du sujet qui s'oriente et meut son corps pour faire tourner l'objet.
P. Ricœur, Philosophie de la volonté,1949, p. 316. 13. La réflexion humaine − dans la littérature ou dans l'art − n'est sans doute jamais plus efficace, elle n'a jamais plus de grandeur et de dignité, que quand un artiste merveilleusement prédisposé à tous les artifices et à tous les jeux fait ainsi profession d'y renoncer et choisit comme critère de la valeur de ses pensées leur adhérence exacte, leur équivalence à sa vie. Un homme parle alors.
J. Guéhenno, Jean-Jacques,Grandeur et misère d'un esprit, 1952, p. 52. Rem. Il y a lieu de noter certaines distinctions entre adhérence et adhésion, deux termes souvent empl. l'un pour l'autre. Adhérence indique davantage un état et adhésion la force qui produit cet état. Deux objets adhèrent en vertu de la force d'adhésion et leur union qui en résulte est l'adhérence. D'autre part l'adhésion est un acte volontaire. L'adhésion évoque donc l'idée de force et d'acte volontaire, l'adhérence, celle d'un état et d'une certaine passivité (ex. 1 adhérence passive). Dans la lang. contemp. adhérence est surtout un terme techn. Au sens fig., il sert de subst. noble à l'emploi fig. et quelque peu fam. du verbe coller à (la réalité, au passé, etc.). Prononc. : [adeʀ
ɑ
̃:s]. Enq. : /adeʀ
ɑ
̃s/. Étymol. ET HIST. − 1. a) 2emoitié du xives. anat. « union de certains tissus, de caractère pathologique » sens propre (Bruno De Longo Borco, Cyrurgie, fo57eds Gdf. Compl. : Avient sovent a aucuns homes que les palpebres sont soudees avec l'albugines de l'ueil, par quoi l'operations de nature est empeschie. Il covient donc que tu estendes la palpebre a un crochet encontremont, et puis trencheras l'azerence a aucun estrument selonc la meniere de excoriation); [1380 « fait d'adhérer » (Conty, Probl. d'Arist., B. N. 210, fo195b, ibid. : La adherence des parties l'une a l'autre)]; b) xvies. (?) jur. « domaine attenant à un autre, appartenance » (Cout. gen., I, 238 ds Lacurne t. 1 1875 : Entre les heritages de deux voisins comme maisons, court, jardins et adherence...); 2. 1464 « fait d'être attaché à qqn, allié avec lui » emploi fig. (Ord., XVI, 309 ds Gdf. Compl. : Pour l'adherance qu'ilz ont faite ausdits seducteurs), péj. aux xviieet xviiies.
Empr. du lat. adhaerentia « ce qui adhère » au sens propre depuis Tertullien, Adv. Marc., 4, 24 ds TLL; terme anat. en lat. médiév., 1256-60, Alb. Magnus, De animalibus, 1, 472 ds Mittellat. W. s.v., 174, 11 : adhaerent ei [panniculo ventris] duo ex lacertis ventris... forti adhaerentia valde : post quorum adhaerentiam continuatur dyafracmati, d'où 1 a; terme jur. : 1002-1024, Diplom. Heinrici, II, 117, ibid., 174, 20 : cum omnibus ... utilitatibus eiusdem predii vel adherenciis, d'où 1 b (cf. adhaerere « confiner à » terme jur. : ca 670 ds Pardessus, II, no363 ds Nierm. t. 1 1954-58 : Prata ... qui adheret de uno latus et ambos frontes ad fines ... episcopi Autissiodensis); 2 en lat. médiév. : 1210-1281, Conradus Murensis, Sum. de arta prosendi, 6, 6m, ibid., 174, 16 : singulari persone universitas offerat ... fidelem, ferventem, constantem indefessam adherentiam. STAT. − Fréq. abs. litt. : 178. BBG. − Bailly (R.) 1969. − Bar 1960. − Barb.-Card. 1963. − Battro 1966. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Bouillet 1859. − Chamb. 1970. − Chesn. 1857. − Fér. 1768. − Fromh.-King 1968. − Garnier-Del. 1961 [1958]. − Guilb. Aviat. 1965. − Laf. 1878. − Littré-Robin 1865. − Nysten 1814-20. − Plais.-Caill. 1958. − Poignon 1967. − Privat-Foc. 1870. − Sardou 1877. − Thomas 1956. − Uv.-Chapman 1956. |