| ACHÈVEMENT, subst. masc. A.− [En parlant d'inanimés concr. ou abstr.] Action de mener à son terme; état de ce qui est arrivé à son terme. 1. Achèvement de qqc. : 1. Tous les efforts des travailleurs tendirent donc à l'achèvement de la coque [du bateau].
J. Verne, L'Île mystérieuse,1874, p. 605. 2. Nous montrerons le triple ramassement, le ramassement de ce triple faisceau, la culmination, l'achèvement, le couronnement, la triple promotion de ces trois œuvres en une.
Ch. Péguy, Victor-Marie, Comte Hugo,1910, p. 803. 3. J'étais encore au lit lorsque Max C. est arrivé, m'annonçant son départ pour Rome. « Je vais voir s'il n'y a pas moyen de débarrasser le Capitole du monument au pompier. J'appartiens à une société « pro Roma »... Et puis on peut toujours compter sur l'intervention de la providence : ce monument étant une injure gratuite au pape, on peut espérer le voir réduit en poudre, au jour de l'achèvement, par le tonnerre de Dieu!
V. Larbaud, A. O. Barnabooth,1913, p. 124. 4. Mais en même temps, parce que c'est de l'être que Dieu est la perfection, il n'en est pas seulement la complétion et l'achèvement, il en est aussi l'expansion absolue, c'est-à-dire l'infinité.
É. Gilson, L'Esprit de la philosophie médiévale,t. 1, 1931, p. 59. Rem. Dans cet emploi, comme aussi dans les suiv., il s'agit tantôt d'un terme voulu par un agent (ex. 1, 2), tantôt de l'aboutissement d'un processus commandé par la nature ou l'essence d'un être ou de l'être (ex. 4 et inf. 7 à 9). 2. Emplois abs. : 5. Il n'y a de bon dans les innovations, que ce qui est développement, accroissement, achèvement.
J. Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 347. 6. La vie et la conscience s'ordonnent dans une échelle de causalités qui sont l'une et l'autre comme une préparation et un achèvement.
P. Ricœur, Philosophie de la volonté,1949, p. 397. − Au plur. a) Domaine de la philos. (cf. sup. ex. 4, 6) : 7. La perfection de l'être ne requiert pas seulement tous les achèvements, elle exclut toutes les limites, engendrant par là même une infinité positive qui nie toute détermination.
É. Gilson, L'Esprit de la philosophie médiévale,t. 1, 1931, p. 59. 8. Survirilisation ou surféminisation, comme un certain suradultisme, sont de véritables déséquilibres, non des achèvements : le sexe sacrifié proteste alors de manière désordonnée et clandestine.
E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 157. 9. En dehors des maxima fixés, en dehors des achèvements consolidés, rien (ni sous forme de « témoins », ni même à l'état de traces) ne subsiste de ce qui a été avant nous.
P. Teilhard de Chardin, Le Phénomène humain,1955, p. 129. b) Néol. d'aut., vieilli. Résultat de l'action, entreprises menées à leur terme, hauts faits : 10. Va, Michel, Prince des armées célestes, et toi, immédiatement après lui en achèvemens militaires, Gabriel : conduisez au combat ceux-ci, mes invincibles enfans...
F.-R. de Chateaubriand, Paradis perdu,trad. de John Milton, t. 2, 1836, p. 9. Rem. Dans ce passage, achèvement correspond dans le texte orig. de Milton à prouess qui signifie « valeur, vaillance »; il s'agit d'entreprises, d'actions menées à leur terme, mais aussi d'actions d'éclat, de prouesses. Peut-être s'agit-il d'éviter prouesses, devenu fam. en fr. usuel; le modèle a pu être le lat. res gestae. B.− Au fig. [En parlant d'une œuvre d'art, en partic. d'une œuvre littér.] Qualité de perfection visée par une œuvre, perfection effective de sa facture : 11. Il n'a pas pris le temps et les soins nécessaires pour l'achèvement de son ouvrage.
Ac.1835. 12. Mon père n'a jamais séparé la vie de la littérature. C'est le secret de son influence. L'art, pour lui, c'était l'achèvement.
L. Daudet, Alphonse Daudet,1898, p. 17. 13. Que restait-il de puissance créatrice à Racine au moment de Phèdre? Ou du moins quelles ressources lui réservait encore la tragédie? Pour y voir clair, il faut remonter à la naissance de toute l'œuvre racinienne, la plus achevée qui existe dans notre littérature et qui atteint dans Phèdre son achèvement.
F. Mauriac, La Vie de Jean Racine,introd., 1928, p. 107. 14. Cet ouvrage n'est pas arrivé à son dernier degré d'achèvement.
Ac.1932. C.− Emplois techn. 1. ARCHIT. ,,Construction presque finie.`` (F. Raymond, Dict. général de la langue française, Paris, Pitois-Levrault et Cie, t. 1, 3eéd., 1840). 2. DESSIN, PEINT. ,,Soin que l'artiste a mis à perfectionner toutes les parties de son ouvrage.`` (Besch. 1845). 3. RHÉT., Vx. [Spéc. en parlant d'une œuvre épique ou dram.] ,,Ce qui complète le dénouement d'un ouvrage``. (Littré) : 15. Dans l'Iliade, la réconciliation d'Achille et d'Agamemnon est le dénouement; la mort d'Hector est l'achèvement.
Littré. 16. L'unité d'obstacle dans la comédie, l'unité de péril dans la tragédie, voilà pour Pierre Corneille le premier pas vers une juste définition de la fable dramatique. C'est qu'on l'accusait parfois d'avoir laissé ses pièces inachevées, et l'on entendait alors par achèvement la mort ou le mariage.
R. Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 374. Rem. Emploi attesté ds Ac. Compl. 1842, mais non ds les différentes éd. d'Ac.; plus anciennement cf. étymol. et Trév. 1704-1771. 4. TEINTURERIE. ,,Terme employé par les teinturiers. C'est l'action de finir le teint d'une étoffe en noir, ou de lui donner le dernier ton noir.`` (G. Doin, Dict. des teintures, 1828). Prononc. [aʃ
εvmɑ
̃]. Enq. : [aʃevmã]. Étymol. ET HIST. − 1. a) Apr. 1273-1274 « action de mener qqc. à son terme » (Adenés Li Rois, Les Enfances Ogier, 6336, éd. A. Scheler ds T.-L. : Se vous vouloie de tout dire coument Chascuns le fist, ce seroit pour noient, Fait n'en aroie ja mais achevement); b) 1338 « accomplissement » (Vœu du Héron, 355, Mons, 1839 ds Gdf. : Vantise ne vault nient qui n'a aquiesvement); c) 1693 crit. litt. (Le P. Le Bossu, Traité du poème épique, II, 17 ds Dict. hist. de la lang. fr. publ. par l'Ac. fr., t. 1, 1865, 686 b : Ce que nous appelons ici l'achèvement de l'action épique est le dernier passage de l'agitation et du trouble au repos et à la tranquillité. Ainsi il y a bien de la différence entre le dénouement et l'achèvement. Celui-ci n'est que comme un point et comme un instant sans étendue et sans durée : mais le dénouement n'est pas sans longueur, puisqu'il comprend tout ce qui est après le nœud... Tout l'achèvement [de l'Énéide] est renfermé dans la mort de Turnus parce qu'elle fait cesser l'action d'Énée); 2. 1611 « perfection donnée à une chose » (Cotgr. : Achevement... a perfecting, or bringing to perfection); se dit particulièrement à propos des ouvrages d'art (Ac. 1762 : Tous les connoisseurs vantent l'achèvement de ce tableau).
Dér. de achever* (notamment 1 de achever 1, 2 de achever 2 b); suff. -ement* (-ment*1). STAT. − Fréq. abs. litt. : 328. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 149, b) 158; xxes. : a) 614, b) 812. BBG. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Fér. 1768. − Gramm. t. 1 1789. − Soé-Dup. 1906. |