| ÉRUPTION, subst. fém. A.− Sortie, émission brusque d'une chose hors d'un corps. 1. Spécialement a) MÉD., MÉD. VÉTÉR. − Vx. ,,Évacuation subite et abondante de quelque matière liquide, comme de sang, de pus, de sérosités, de vents, etc.`` (Encyclop. méthod. Méd. t. 6 1793). L'orgasme nerveux dont la première éruption des règles est accompagnée (Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t. 1, 1808, p. 313). − Sortie soudaine de boutons, de rougeurs, de taches, de pustules qui se forment sur la peau ou sur les muqueuses. Éruption cutanée, variolique; éruption miliaire sur la peau; avoir une éruption. (Quasi-)synon. confluence, efflorescence, poussée, rash.Lorsque cette éruption [de petits boutons ou de pustules sur la langue] est prête à se faire, le malade a un sommeil agité, interrompu par des rêves effrayans (Geoffroy, Méd. prat.,1800, p. 84).Les éruptions pustuleuses s'opèrent en quelques cas, par poussées successives (Nocard, Leclainche, Mal. microb. animaux,1896, p. 416).Mais j'ai maintenant une éruption, un mauvais prurit qui me fait beaucoup souffrir (Camus, Cas intéress.,1955, 2etemps, 8etabl., p. 683): 1. ... c'était grave les furoncles, ça le démolissait complètement... Il partait quand même au bureau... Mais on le regardait dans la rue, tout embobiné dans les ouates. Les gens se retournaient... Il avait beau s'ingénier et prendre beaucoup de levure de bière, ça n'allait pas du tout mieux. Ma mère était fort inquiète de le voir comme ça en éruption...
Céline, Mort à crédit,1936, p. 374. ♦ P. méton. Résultat de cette sortie de taches, de pustules. (Quasi-)synon. acné, dermatose, énanthème, exanthème.Je m'écorcherais tout vif. (...) Sans cette dégoûtante éruption, je pourrais rentrer chez moi (Camus, Cas intéress.,1955, 2etemps, 8etabl., p. 689).Une éruption d'ecthyma m'avait défigurée : un médecin brûlait mes pustules avec du nitrate d'argent (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 18).P. métaph. Sur les buttes d'alentour, une éruption de lotissements étriqués se disputaient des tas de boue fuyante mal contenue entre des séries de cabanons précaires (Céline, Voyage,1932, p. 107). b) GÉOLOGIE − Montée, émission violente de matières venues des profondeurs à la surface de la terre. Éruption bitumineuse. Grâce à des éruptions fissurales, il [le basalte] a recouvert des surfaces immenses de l'écorce terrestre, à diverses époques (Furon, R. gén. sc.,t. 63, 1956, p. 34). ♦ Loc. verbale. [Le suj. désigne une matière venue des profondeurs] Faire éruption. Ces masses de quartz paraissent donc avoir fait éruption à la manière des porphyres et des granites (Élie de Beaumont, B. Sté géol. Fr.,t. 4, 1847, p. 61). − En partic. Évacuation violente de vapeurs, de pierrailles, de cendres et de laves hors d'un volcan. Éruption volcanique; cône, foyer d'éruption. Ce golfe a été formé par deux coulées de laves (...) qui se sont accumulées par des éruptions successives (Verne, Île myst.,1874, p. 408).Cette succession de puys (...) semble telle encore qu'elle a été modelée par les éruptions de laves diverses, de lapilli et de cendres (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr.,1908, p. 298): 2. Sans doute, les éruptions qui avaient soulevé la chaîne des Dômes, au pied desquels j'errais ainsi, avaient dû dévaster de lave brûlante la plaine voisine et détruire des êtres. Pourtant elles avaient produit cette magnificence d'horizon qui me ravissait...
Bourget, Disciple,1889, p. 99. ♦ Loc. adj. En éruption. Le Vésuve en éruption [avait paru à Miss Lydia] à peine supérieur aux cheminées des usines de Birmingham (Mérimée, Colomba,1840, p. 3).Toute la vallée semble trouée de cratères en éruption (Hugo, Rhin,1842, p. 58).Certaines sources thermales (...) sont (...) des jets de vapeur comparables à ceux qui se dégagent des volcans en éruption (Élie de Beaumont, B. Sté géol. Fr.,t. 4, 1847p. 19). ♦ [P. réf. au caractère soudain ou violent d'une éruption volcanique] Une épaisse fumée annonce l'éruption prochaine d'un grand incendie (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 118).Le front du carré s'ouvrait, laissait passer une éruption de mitraille et se refermait (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 400). c) ASTRON. Éruption chromosphérique, solaire. ,,Augmentation brusque de brillance, de durée limitée (1 à 2 heures), d'une région très petite de l'atmosphère solaire`` (Astron. 1973). Éruptions chromosphériques, points brillants à très haute température, à la surface du disque du soleil (Schatzman, Astrophys.,1963, p. 65).Les aurores polaires sont une manifestation de certaines éruptions solaires qui aboutissent à des émissions de nature corpusculaire (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 462). 2. P. anal. a) Apparition rapide d'une chose naturelle en développement. Les traces d'incendie disparaissent, absentes en cette région, ou couvertes par l'éruption printanière (Gide, Retour Tchad,1928, p. 996). − P. méton. Résultat de cette croissance rapide. Entre les décombres, accumulés dans les éclaircies, d'immenses et monstrueuses éruptions de très longues fleurs (Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 366). b) En partic., PARODONTOLOGIE. Sortie de la dent hors de son alvéole. Éruption dentaire. Cette éruption de dents nouvelles qui chassent ainsi les autres par le côté, peut se faire en arrière, ou en avant, ou latéralement (Cuvier, Anat. comp.,t. 3, 1805, p. 122).Quelles souffrances périlleuses accompagnent l'éruption des premières dents (Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t. 1, 1808, p. 228). B.− Au fig. ou p. métaph. [Gén. accompagné d'un déterm. adj. ou compl. prép. introd. par de] 1. [Correspond à A 1 supra] a) Montée subite d'un élément intérieur. − Montée subite et involontaire des productions intérieures. Peu à peu, comme il faut toujours que les éruptions intérieures se fassent jour, l'enchaînement des paroles revint (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 575).C'est chez lui un frétillement du corps, une éruption de la pensée, un flux de la parole (Goncourt, Journal,1896, p. 1003). ♦ Loc. verbale, rare. Faire éruption. Dans l'une [la poésie, de vie, de jeunesse et d'éclat], c'est la vie qui fait éruption au dehors (Chênedollé, Journal,1833, p. 160). − Montée soudaine et violente des passions. Il fallut qu'Omer laissât jaillir hors de soi l'éruption de cette rage (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 141).Qui renoncerait à cette éruption de la passion, qui rompt les lignes et qui bouleverse l'harmonie de la conclusion du Liederkreis? (Rolland, Beeth.,t. 1, 1937, p. 181). b) En partic. [P. réf. à l'éruption volcanique] Explosion. Je vois les grands hommes, je m'intéresse à leurs éruptions − je tâche de voir si le sol en tremble (Valéry, Corresp.[avec Gide] 1895, p. 251): 3. Dans le nord, l'ordre teutonique, en subjuguant les peuples errans sur les bords de la Baltique, a éteint le foyer de ces terribles éruptions qui ont tant de fois désolé l'Europe...
Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 481. − [Dans des loc. adj. et verbales] (Être, entrer) en éruption. Être, entrer en agitation, en tumulte. Le repas a commencé, non pas dans la gêne, mais dans un grand tapage, car le clan était en éruption (Duhamel, Maîtres,1937, p. 18).Toute la famille entrait en éruption : une éruption de projets (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 104). 2. [Correspond à A 2 supra] Profusion, abondance. La vision d'une éruption verte, vague et continue, d'un grand travail élémentaire s'opposant à l'humain, d'une quantité monotone qui va nous recouvrir, de quelque chose plus forte que nous, s'enchevêtrant, dormant, brodant encore (Valéry, Variété I,1924, p. 239). Prononc. et Orth. : [eʀypsjɔ
̃]. Ds Ac. 1740-1932. Étymol. et Hist. 1. 1355 erupcion « irruption » (Bersuire, Tite-Live, ms. Ste Gen., fo187eds Gdf. Compl.); 2. a) 1520 méd. eruption (en parlant de pustules) (N. Falcon, Comm. sur la Chir. de G. de Chauliac ds Sigurs, p. 434); b) 1585 « évacuation abondante de sang, d'humeur » éruption des mois (Paré, xviii, 68 ds Littré); 3. 1752 « éruption volcanique » (Trév.). Empr. au lat. class. eruptio « irruption; éruption; hémorragie ». Fréq. abs. littér. : 229. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 348, b) 539; xxes. : a) 226, b) 251. |