| ÉRIGER, verbe trans. I.− [Sans compl. second. prép. en] A.− [Le compl. désigne une chose concr.] 1. Dresser, placer à la verticale (en particulier une statue, une colonne, etc.). a) [Le suj. désigne l'agent] Ériger un obélisque, une croix; ériger une statue aux héros. (Quasi-)synon. élever.On a érigé une colonne commémorative et qui n'est pas vilaine (Barrès, Cahiers,t. 3, 1902-04, p. 228).Le premier nouveau riche Allemand, en érigeant une colonne près d'une source, pouvait créer dans la journée une légende d'ondine (Giraudoux, Siegfried et Lim.,1922, p. 228). − Emploi pronom. ♦ [à valeur passive] Des palais s'érigeaient dans la ville (Littré). ♦ Au fig. [Avec un compl. introduit par contre] S'opposer à. (Quasi-)synon. se dresser contre.En littérature, on l'interprète [la masturbation] comme une façon de s'ériger contre l'ordre naturel, donc bourgeois, et de rejoindre le courant marxiste (Aymé, Confort,1949, p. 91). b) [Le compl. désigne une partie du référent du suj.] (Quasi-)synon. dresser, élancer.Et l'on voyait ceux-là [de grands étalons] (...) immobiles sur les quais en érigeant l'encolure (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 175).La muraille du Matterhorn érigeait son plan noir dans un effort monstrueux et vain (Peyré, Matterhorn,1939, p. 214).Au sud, un calvaire de granit, sur un plateau pelé, érige des croix titubantes sur un ciel froid (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 225). − Emploi pronom. Sur une ligne horizontale de digues basses (...) s'érigeait le phare solitaire de l'île de « Schouwen » (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 218).Les cheveux, collés par la sueur, s'érigent en touffe (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1540). − Emploi abs., rare. Entrer en érection (v. ce mot A 3). « Vite, vite! » crie le médecin au moment où Demidoff commence à ériger. Et la Duverger se précipite et le suce (Goncourt, Journal,1863, p. 1220). Rem. La docum. atteste le part. passé érigé, ée en emploi adj. Qui est en position verticale. Le coq porte la crête droite, haute, érigée (Apert ds Nouv. Traité Méd., fasc. 8, 1925, p. 422). Au fig. Il se sentit encore rempli d'une force profonde, érigée, compacte (La Varende, Homme aux gants, 1943, p. 356). 2. Construire un monument ayant un caractère symbolique ou religieux dans une intention solennelle. Ériger un temple, une chapelle. (Quasi-)synon. édifier, élever : Je ne doute point que la première occupation de cette académie ne soit de célébrer le martyr et la gloire des victimes de 1769. En érigeant un arc triomphal à ces braves qui voulaient rester français, elle ne pourra s'empêcher d'élever un monument de honte à ce féroce Orelly, qui ne les a sacrifiés que par le vil motif de sa cupidité.
Baudry des Loz., Voy. Louisiane,1802, p. 341. B.− [Le compl. désigne une institution] Établir, instituer. Ériger un tribunal, un évêché (Ac.). II.− [Avec un compl. second. prép. en] Faire passer d'une condition à une autre considérée comme plus élevée ou plus importante. A.− [Le compl. désigne une institution, une chose instituée] Ériger une seigneurie en marquisat. Ériger une église en cathédrale; ériger un évêché en archevêché (Ac.). La Guyenne fut érigée en principauté en faveur du Prince Noir (Stendhal, Mém. touriste,t. 3, 1838, p. 111).Sur sa demande, l'empereur Henri VI venait d'ériger cette seigneurie en royaume (Grousset, Croisades,1939, p. 289).L'Anglais et l'Américain parlèrent d'ériger la Libye en un état indépendant (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 217). B.− [Le compl. désigne une pers.] Élever à la dignité de; donner le rôle ou le caractère de. La crédulité populaire érige quelquefois les scélérats en héros (Ac.1878-1932).L'amour est noble, non pas quand il érige deux êtres en couple modèle, mais quand il les broie et n'en fait qu'une poudre (Giraudoux, Sodome,1943, p. 74). − Emploi pronom. réfl. S'ériger en moraliste, en critique (Ac.1932).(Quasi-)synon. se poser en, se présenter comme.De quel œil j'aurais regardé ces parjures s'érigeant en juges d'un parjure (Chateaubr., Mém.,t. 4, 1848, p. 13).− Comment osez-vous vous ériger en juges? (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 108).Les économies nationales disloquées par la guerre sont hors d'état de s'ériger en comptables exactes des coûts de l'homme (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 346). C.− [Le compl. désigne un inanimé abstr.] Donner le caractère de. Ériger qqc. en principe. Ériger une exception en règle (Ac.1932).Mais il faut prendre garde à ne pas ériger en thèse philosophique ce qui n'est, pour la science, qu'une façon de sérier les questions (Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 57).Jean de Meung érige la misogynie en doctrine (Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 252). − Emploi pronom. passif. Le vol et le pillage s'érigeaient en protestation contre la propriété et le travail (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 206). − Fréq. au part. passé. Un système érigé en institution. Je ne crois pas que le journal, érigé en système, et pratiqué avec endurcissement, puisse aller sans au moins une petite trace de lâcheté (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 6).Mais pris hors de sa fonction de moyen, érigé en fin, il [l'argent] est encore plus loin d'être un bien (Weil, Pesanteur,1943, p. 59). Prononc. et Orth. : [eʀiʒe], (j')érige [eʀi:ʒ]. Enq. : /eʀiʒ/ (il)érige. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1466 « élever, construire » (Ordonnance, XXI, 513 ds Gdf. Compl.); 2. 1555 « élever à une condition supérieure » (Ronsard, Hymnes, éd. P. Laumonier, VIII, 76, 78). Empr. au lat. class. erigere « dresser; construire ». Fréq. abs. littér. : 499. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 561, b) 538; xxes. : a) 1 038, b) 717. |