| ÉPLUCHER, verbe trans. A.− Nettoyer en enlevant les déchets. 1. [L'objet désigne des denrées alimentaires] a) [Volaille, poisson] Ôter les parties non comestibles ou inutilisables de. Synon. partiels habiller, parer, trier.L'homme épluchait le gibier; je rôtissais la viande (Taine, Notes Paris,1867, p. 234).Les filles épluchent des carrelets ou des limandes (Bloy, Journal,1899, p. 341). b) [Fruits, légumes] Ôter la peau, l'écorce de. Synon. peler.Le premier qu'ils virent épluchait des pommes de terre (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Boule de suif, 1880, p. 135).Une grosse bouffie, qui épluchait une orange (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 291).La fille épluchait des herbes, un plat-écuelle sur les genoux (Pourrat, Gaspard,1925, p. 127). 2. P. ext. [L'obj. désigne des graines, des grains] a) Ôter la balle, l'enveloppe qui recouvre (des grains, des graines). Éplucher des grains de corail (Lamart., Graziella,1849, p. 231). b) Trier (un à un) : 1. ... c'était un meunier qui s'écriait : − Est-ce que nous sommes responsables de ce qu'il y a dans les sacs? Nous y trouvons un tas de petites graines que nous ne pouvons pas nous amuser à éplucher, et qu'il faut bien laisser passer sous les meules (...) sans compter les cailloux qui abondent dans de certains blés, surtout dans les blés bretons.
Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 455. 3. P. anal., domaines techn. a) [L'obj. désigne des fibres textiles] Ôter la bourre, la paille de. Elle épluchait et préparait la laine (Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. 207).Ces chemises et ces écharpes de coton brodé de soie sont, jusqu'au dernier fil, l'ouvrage de leurs mains. Elles ont épluché le coton, elles l'ont filé au fuseau (About, Grèce,1854, p. 441). − P. ext. Elle (...) épluche sa toison des brins d'algues que cette douche y a emmêlées (Laforgue, Moral. légend.,1887, p. 233).Elle baissa la tête, puis éplucha le mérinos de sa robe ternie (Adam, Enfant Aust.,1902, p. 330). b) Éplucher la pâte à papier. En ôter les corps étrangers. Rem. Attesté ds Ac. 1932, DG, Guérin 1892, Lar. 19e-Nouv. Lar. ill. − [P. méton. de l'obj.] Éplucher du papier nouvellement préparé (Ac.1932). 4. Emploi pronom réfl. [Le suj. désigne un animal] Se débarrasser de la vermine. Les canards qui voguaient entre les îles ou s'épluchaient sur le jard, nom du gros sable que charrie la Loire (Balzac, Lys,1836, p. 31). Rem. La docum. atteste épluché, part. passé en emploi adj. Qui est épluché. Deux petites voitures, pleines de salades épluchées (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 663). Ma mère avait laissé sur la table une lettre au crayon et des légumes épluchés. Mlle Bailleul (...) alluma le feu et mit les légumes au pot (Duhamel, Notaire Havre, 1933, p. 41). B.− Au fig. Examiner de très près (quelque chose ou quelqu'un) généralement avec une intention critique. 1. [L'obj. désigne un écrit] Lire attentivement, généralement en recherchant les défauts, les erreurs : 2. ... dans la chaleur d'une discussion savamment dirigée, il [le censeur] tamponnait l'article dangereux sans le lire, cependant que nous le laissions éplucher à loisir la chronique du bridge et l'entrefilet sur les sports. Ainsi s'éditait le journal qui, de tous les journaux autorisés d'Europe, fut sans doute le journal le plus ouvertement anti-hitlérien.
Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 116. − Expr. fact. On a donné ma dernière brochure à éplucher à un substitut, pour voir s'il n'y aurait pas moyen de me faire un second procès (Courier, Lettres Fr. et It.,1821, p. 910). − Emploi pronom. réfl. Pioche bien la « Paysanne » (...) revois tout, épluche-toi; apprends à te critiquer toi-même (Flaub., Corresp.,1852, p. 69). − En partic. Lire mot à mot, lettre par lettre. (Quasi-)synon. épeler.Irai-je m'amuser à défendre mes phrases, à éplucher des mots comme dans une classe? (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 6, 1863-69, p. 454). 2. [L'obj. désigne (les faits et gestes d') une pers.] a) Examiner le comportement (d'une personne) généralement pour le prendre en défaut. On éplucha sa vie [de M. Ferrand], on discuta ses actes, on le blâma, on le loua, et finalement, les dévotes conclurent en sa faveur, on le proclama un grand saint (Fabre, Courbezon,1862, p. 85): 3. ... il ne faut rien attendre de beau des dépositaires de l'autorité, il faut les clouer à leurs devoirs; il ne faut pas exiger qu'ils soient bons, il faut les empêcher d'être méchants : il faut donc les surveiller sans cesse, éplucher leur conduite, éclairer leurs opérations, dévoiler leurs desseins ambitieux, leurs funestes projets, leurs machinations, leurs complots, et les dénoncer ouvertement, ce qui suppose la censure publique.
Marat, Pamphlets,Appel à la Nation, 1790, p. 154. − Emploi pronom. réfl. Il passa tout un jour à « s'examiner sur le mensonge », à « s'éplucher » (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 323). b) Détailler l'apparence physique (d'une personne) généralement pour la prendre en défaut. La loupe servit dès lors à éplucher les figures des femmes. Renée fit des découvertes étonnantes; elle trouva des rides inconnues, des peaux rudes, des trous mal bouchés par la poudre de riz (Zola, Curée,1872, p. 428). Rem. La docum. atteste épluché, part. passé, en emploi adj., fig. Qui a été soigneusement étudié, vu mot à mot. Il me semble que je suis très près de tout à fait comprendre votre art, et je crois bien que je pourrais en écrire une page amusante et épluchée (Renard, Journal, 1894, p. 233). Il paraît que mes souhaits et mes bons vœux font date et que l'on me cite encore comme modèle de rédaction à ne pas suivre dans le monde de la transmission électrique qui truste les mots épluchés (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 367). Prononc. et Orth. : [eplyʃe], (j')épluche [eplyʃ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) 1194-97, espeluchier « nettoyer (en enlevant les parties inutiles) » ici fig. (Hélinant, Vers de la Mort, éd. F. Wulff et E. Walberg, XVI, 6); b) 1508 esplucher « débarrasser une étoffe des corps étrangers » (A. Deville, Comptes ... du château de Gaillon, Paris, 1850, p. 330); 2. fin du xiiies. esplukier « examiner attentivement » (Perrin la Tour, Du Mesdisant, 98 ds Romania, t. 40, p. 563). Dér. à l'aide du préf. é(s)-* de l'a. fr. peluchier « nettoyer » (ca 1180 Marie de France, Fables, 3, 8 ds T.-L.), issu d'un b. lat. *piluccare, dér. du lat. tardif pilare « épiler » (peler*) (FEW, t. 8, pp. 505-508). Fréq. abs. littér. : 262. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 167, b) 459; xxes. : a) 698, b) 300. |