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ÉPAULER, verbe trans.
I.− Vx. Rompre, démettre l'épaule d'un quadrupède et surtout d'un cheval, ou le blesser à l'épaule. Je lui avais prêté mon cheval, il l'a épaulé (Ac.).
Emploi pronom. réfl. Ce cheval s'est épaulé (Ac.).
II.− [Le procès met en jeu le concept d'épaule dans une de ses acceptions]
A.− ARM. Appliquer le talon de la crosse d'un fusil, d'une carabine au creux de l'épaule pour tirer. Le prince fit le geste d'épauler son fusil (Bourget, Tapin,Deux épis., 1928, p. 256).
Absol. Il [le soldat] épaula, fit feu, jeta son fusil à terre avec désespoir et se mit à pleurer (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 368).
Fam., rare. Mettre en joue. Comme ils s'estimaient sauvés, (...) ils allèrent cogner contre un garde-chasse qui commençait sa tournée, et qui les épaula aussitôt (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 245).
Épauler (un objet). Appliquer au creux de l'épaule à la manière d'un fusil. Tombant en arrêt d'un double coup de talon qui fit fumer les planches, Tartarin, épaulant son piolet en arbalète, se campa (A. Daudet, Tartarin Alpes,1885, p. 78).
B.− CHORÉGR., emploi intrans. Effacer une épaule vers l'arrière en avançant l'autre vers le public. Épauler à droite. Effacer l'épaule droite. Cet exercice [contretemps sauté, en raccourci] peut se terminer soit de face, épaulé à droite ou épaulé à gauche (Meunier, Danse class.,1931, p. 178).
C.− HALTÉROPHILIE. Épauler une barre. L'amener d'un seul temps à hauteur des épaules. Le développé consiste à épauler une barre et à la porter à bras tendus au-dessus de sa tête, sans aucun temps de jambes ou de reins ( Œuvre,27 févr. 1941).
D.− MAR. [Le suj. désigne un bateau] Épauler la lame ou la mer. ,,Prendre la mer un peu par le travers, par l'épaule et non nettement par l'avant`` (Le Clère 1960). Cf. Vercel, Remorques, p. 87 ds Rob. Suppl. 1970.
III.− [Avec l'idée de soutenir, à la manière de l'épaule]
A.− [Le suj. et le compl. désignent gén. des choses] Soutenir pour empêcher de tomber ou de s'écrouler. L'armoire, plaquée contre la porte (...) je la leste de tout ce qui me tombe sous la main. La table, le lit, les chaises viennent l'épauler (H. Bazin, Vipère,1948, p. 194).Une digue en terre sera (...) constituée d'un noyau en limon argileux épaulé par deux remblais de sable (Thaller, Houille blanche,1952, p. 46).
Emploi pronom. réciproque et réfl. [Des maisons] (...) qui ont l'air de s'épauler les unes les autres pour se tenir debout (Gautier, Tra los montes,1843, p. 3).Une vraie colline prisonnière qui s'épaulait à l'est sur un pesant débris de l'enceinte construite par Philippe-Auguste (Duhamel, Jard. bêtes sauv.,1934, p. 8).
Spécialement
ARCHIT. ,,Amortir une poussée dans la construction par une maçonnerie massive`` (Vogüé-Neufville 1971) :
1. ... la fenêtre du rez-de-chaussée, (...) doit être solidement close (...). Les piédroits sont en pierre formant deux saillies (...) extérieures qui épaulent les gaines en tôle... Viollet-Le-Duc, Archit.,1872, p. 316.
Emploi pronom. réciproque :
2. ... grâce à la manière dont les constructions du bâtiment principal se contrebutent et s'épaulent, ... Viollet-Le-Duc, Archit.,1872p. 289.
ART MILIT. Épauler des troupes. ,,Les mettre à couvert du canon par un épaulement`` (Ac.). Emploi pronom. Les troupes s'épaulèrent à l'aide de sacs de terre (DG).
CHARPENT. ,,Diminuer la largeur d'un tenon, pour qu'elle soit égale à celle de la mortaise`` (Chesn. 1857).
B.− [Le compl. désigne une pers.]
1. Soutenir quelqu'un physiquement pour l'empêcher de tomber. Pour la première fois, Kate reposait contre un corps robuste qui l'épaulait, la gardait du vide, veillait sur elle (Peyré, Matterhorn,1939, p. 165).
Emploi pronom. réfl. Elle [Désirée] s'épaula contre Auguste (Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 142).Il aperçut s'épaulant contre un réverbère un homme qu'il crut reconnaître (Queneau, Pierrot,1942, p. 212).
2. Soutenir, aider quelqu'un moralement et matériellement dans une tâche à accomplir. C'est vers vous tous que je me tourne, camarades : (...) vers ceux qui m'épaulèrent dans ma tâche et ma vocation (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 10).Les forces américaines, celles de la Grande-Bretagne et du Canada épauleraient l'armée européenne dans le cadre de la sécurité commune (Monde,19 janv. 1952, p. 3, col. 1).
Emploi pronom. réciproque. Ils s'aimeront de s'épauler l'un l'autre et de bâtir ensemble (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 563).
C.− Au fig. Soutenir, renforcer une théorie, un fait. Un élément capital venait épauler les traditions populaires et leur donnait une cohésion, une solidité, qui manquaient tout à fait pour l'âge patriarcal (Renan, Hist. peuple Isr.,t. 2, 1889, p. 223).Haudouin, conscient d'épauler les bonnes mœurs, dénonçait le péché avec une certaine verve, en appelant les choses par leurs noms (Aymé, Jument,1933, p. 26).
Emploi pronom. réfl. et réciproque. L'école de Mithridate (...) s'épaulait sur cette unique idée que la bataille est une confusion, où il s'agit, au point essentiel et au moment convenable, de disposer de la supériorité brute et quantitative (L. Daudet, Sylla,1922, p. 26).Tout s'épaule, s'équilibre dans leurs œuvres [de Villon, de Baudelaire, de Verlaine] (Carco, Nost. Paris,1941, p. 144).
Rem. On rencontre ds la docum. le subst. masc. épauleur. Homme qui épaule un fusil. P. métaph. Il arrive ce phénomène que l'art fourmille d'épauleurs excentriques. (...) Il leur arrive de tirer juste, mais avant tout, ils épaulent. C'est alors, puisque nous visitions un labyrinthe, une sorte de romantisme classique (Cocteau, Poés. crit. I, 1959, p. 20).
Prononc. et Orth. : [epole], (j')épaule [epo:l]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1200 « briser, démettre l'épaule (surtout d'un animal) » (Chevalier cygne, 166 ds T.-L.); 2. 1404 techn. « soutenir, appuyer » (A. S.-et-M., H 98 ds Gdf. Compl.). Dénominatif de épaule*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 86. Bbg. Archit. 1972, p. 86. − Rog. 1965, p. 25.