| ÉGAILLER, verbe trans. I.− Emploi trans. A.− [Le compl. d'obj. désigne un groupe de pers. ou d'animaux] Disperser : 1. Pareils à des flèches, presque invisibles, les animaux jaillissent, se coagulent en un fuseau tendu, lancé à une allure de train express à la poursuite du lièvre; le premier tournant les couche sur le côté, les égaille; ...
Morand, Londres,1933, p. 144. B.− [Le compl. d'obj. désigne un ensemble de choses] Arg. Égailler les cartes. Les disperser (Delvau, Suppl. 1972). II.− Emploi pronom. réfl. (emploi le plus fréquent). [Le suj. désigne un groupe de pers. ou d'animaux] Se disperser, s'éloigner chacun de son côté (souvent dans une acceptation militaire : pour se soustraire aux attaques ennemies). Les bêtes s'égaillèrent un peu, puis leur colonne s'enfonça à travers les tiges bruissantes (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 153): 2. Pour faire une trouée, je ne connais pas d'autre moyen que de se mettre en colonne serrée, car de s'éparpiller devant une armée en bataille dans une plaine, de s'égailler, comme ils disaient, on serait bientôt ramassé par la cavalerie.
Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan,t. 2, 1870, p. 216. − P. métaph. Près du village qui s'égaille là sous les chênes avec sa tour, ses fagotiers, il est un champ dont certaine place demeure toujours nue (Pourrat, Gaspard,1925, p. 38). Prononc. et Orth. : [egaje], (j')égaille [egaj]. Admis ds Ac. 1932. Étymol. et Hist. 1155 trans. unt ... eguaillied « niveler » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 6290 : Emprés unt tut aplanied E fossé e mur eguaillied); 1474, 7 mars id. « éparpiller » esgailler la terre (Compt. du R. René, p. 21, Lecoy ds Gdf.); 1829 pronom. « se déployer, se disperser » (Balzac, Chouans, p. 793). Mot des dial. de l'Ouest en partic. usité en Vendée où il servit à caractériser la manœuvre des insurgés qui fuyaient la bataille rangée (Brunot t. 9, p. 866, note 8; cf. Deniau, Hist. de la Vendée, I, 269 ds Verr.-On.), prob. du lat. pop. *aegualiare (< aequalis, v. égal) « rendre égal » d'où « répandre de façon égale ». Fréq. abs. littér. : 42. DÉR. Égaillement, subst. masc.Dispersion, éparpillement de la troupe. Leur colonne massive en fut arrêtée une seconde; l'étonnement de l'horreur avait saisi ces pauvres diables, qui ne connaissaient encore que l'égaillement; ils virent que la marche en colonne était autre chose, et cela les troubla (Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 2, 1870, p. 218).Dans les marches militaires, (...) on doit assurer l'égaillement des hommes (amenant une ventilation meilleure). (Langlois, Binet dsNouv. Traité Méd.,fasc. 7, 1924, p. 190).Notons dans l'ex. suiv. la confusion : égaillement pour égayement. Une satisfaction à laquelle son impertinence de grand seigneur et son égaillement d'hystérique donnèrent immédiatement une forme d'ironie excessive : « C'est gentil, reprit-il, mais c'est surtout bien drôle » (Proust, Sodome, 1922, p. 658).− 1reattest. 1870 (Erckm.-Chatr., loc. cit.); du rad. de égailler, suff. -(e)ment1*. − Fréq. abs. littér. : 2. BBG. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 44; Notes étymol. et lexicol. Fr. mod. 1938, t. 6, pp. 118-121. − Sain. Sources t. 2 1972 [1925], p. 277, 446. |