| ÉCUYER, subst. masc. A.− HISTOIRE 1. a) [Moy. Âge] Jeune noble qui avait pour charge d'accompagner le chevalier à la guerre, de porter son écu, de l'aider à prendre les armes, à se désarmer en attendant que lui-même soit armé chevalier. Le comte se décida à le nommer écuyer. Bérenger n'avait que quinze ans (Jouy, Hermite,t. 4, 1813, p. 53): 1. Au sortir de page, on devenoit écuyer (...). Le service de l'écuyer consistoit, en paix, à trancher à table, à servir lui-même les viandes, comme les guerriers d'Homère, à donner à laver aux convives. Les plus grands seigneurs ne rougissoient point de remplir ces offices (...). L'écuyer suivoit le chevalier à la guerre, portoit sa lance, et son heaume élevé sur le pommeau de la selle, et conduisoit ses chevaux, en les tenant par la droite (...). Son devoir dans les duels et les batailles, étoit de fournir des armes à son chevalier, de le relever quand il étoit abattu, de lui donner un cheval frais, de parer les coups qu'on lui portoit, mais sans pouvoir combattre lui-même.
Chateaubriand, Génie du christianisme,t. 2, 1803, p. 487. b) [Anc. Régime] Personnage remplissant de hautes charges, à qui cette appellation est conférée à titre honorifique : 2. Comme celle des Arnauld encore, la famille Pascal était de condition et d'état recommandable plutôt que de qualité, et faisait partie du haut Tiers-État dans les charges. Étienne Pascal, maître des Requêtes, avait mérité pour ses services d'être anobli par Louis XI, notre Pascal, dans on épitaphe, est dit écuyer.
Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 2, 1842, p. 454. c) [De nos jours, en Angleterre] Tout gentleman dont le nom est suivi de cette appellation. Mon bon ami Sir John Bickerstaff, écuyer (Courier, Pamphlets pol., Pamphlet des pamphlets, 1824, p. 213). 2. P. ext. Officiers du roi, d'un prince, d'un grand, correspondant à différentes fonctions. a) [Fonctions spécifiquement cavalières] − Celui qui avait la charge de l'écurie du roi, d'un prince, d'un grand. ♦ Grand écuyer de France, Grand écuyer ou p. abrév. Monsieur le Grand. Celui qui commandait la grande écurie du roi et tous les officiers qui en dépendaient, ce qui constituait la première charge de la couronne. M. d'Armagnac, grand-écuyer de France (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 5, 1859, p. 189: 3. L'exercice aujourd'hui me sera salutaire;
L'alesan que Richard m'envoya d'Angleterre,
Je me sens ce matin de force à l'essayer.
Cours l'annoncer sur l'heure à mon grand-écuyer.
Delavigne, Louis XI,1832, V, 7, p. 210. ♦ Premier écuyer ou premier écuyer de la grande écurie. Celui qui commandait en l'absence du grand écuyer. ♦ Premier écuyer du roi ou p. abrév. Monsieur le Premier. Celui qui commandait la petite écurie du roi, chevauchait près de ce dernier du côté du montoir, lui donnait la main pour monter en carrosse ou en chaise et lui servait d'aide de camp à la guerre. La tombe de son fils, Pierre Moreau, premier écuyer du roi sous Louis XIV, se voyait dans la chapelle Saint-Nicolas (Flaub., Éduc. sent.,t. 2, 1869, p. 54). − Celui qui appartenait à l'écurie. Écuyer d'écurie (Barante, Hist. ducs Bourg.,t. 4, 1821-24, p. 242). ♦ Celui qui appartenait à l'écurie du roi. Écuyer cavalcadour : 4. ... et puis le parlement Maupeou, les chasses de Fontainebleau, le coup du roi par-dessus sa tête, le manège de Versailles avec la prestance des écuyers cavalcadours, les voltes, les demi-voltes et la bonne selle française...
Vigny, Mémoires inédits,1863, p. 162. ♦ Celui qui appartenait à l'écurie d'un prince, d'un grand. La maison fut vendue à un écuyer de Mmede Montpensier (Jouy, Hermite,t. 3, 1813, p. 275). b) [Fonctions autres que spécifiquement cavalières] ♦ Écuyer tranchant. Celui qui tranchait les viandes. Grand (écuyer) tranchant. Celui de la maison du roi qui avait en outre la garde de l'étendard royal. Premier tranchant. Celui de la maison de la reine. Le Rheinberg, château des comtes du Rhingau, écuyers tranchants héréditaires du Saint-Empire, éteints au dix-septième siècle (Hugo, Rhin,1842, p. 278): 5. Les potages servis, l'écuyer-tranchant découpa sur une crédence les viandes que lui portait de la table un officier de bouche, et que les valets y reportaient disséquées.
Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 440. ♦ Écuyer (de) bouche. Celui qui rangeait les plats à l'office avant de les faire servir. Écuyer de cuisine. Celui qui avait une fonction importante à la cuisine. P. anal. [De nos jours] Écuyer de bouche, de cuisine. Maître d'hôtel dans une grande maison. ♦ Écuyer de main. Celui qui donnait la main au roi par opposition à écuyer cavalcadour. − Celui qui donnait la main à la reine, à une princesse, à une grande dame pour la mener, la conduire. Quatre reines portaient le manteau de l'impératrice, dont un de nous pourtant était le chevalier d'honneur et un autre l'écuyer (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 400): 6. Après quelques instants d'attente, la signora de Campireali parut; elle marchait avec beaucoup de peine, donnant le bras à son écuyer, qui était en grand costume et l'épée au côté...
Stendhal, L'Abbesse de Castro,1839, p. 234. B.− Domaine techn.[P. anal. de fonction] 1. TECHNOL. Perche de bois, grosse corde tenant lieu de rampe ou d'appui le long du mur d'un escalier. Ils grimpèrent un petit escalier de pierre, en vis, à l'aide d'une corde servant d'écuyer et luisante par le frottement (Borel, Champavert,1833, p. 133). 2. VÉN. Jeune cerf qui accompagne un vieux cerf. 3. VITIC. Faux bourgeon croissant au pied d'un cep de vigne. L'écuyer seul a donné cette année (Littré, DG). C.− ÉQUIT. MOD., usuel 1. Celui qui est bon cavalier, qui sait dresser un cheval. Lorsque Thalcave fut en selle, son cheval bondit sous lui. Le Patagon, écuyer consommé, était magnifique à voir (Verne, Enf. cap. Grant,t. 1, 1868, p. 137).Lorsque Bucéphale, cheval illustre, fut présenté au jeune Alexandre, aucun écuyer ne pouvait se maintenir sur cet animal redoutable (Alain, Propos,1922, p. 452): 7. Au retour de la promenade, l'empereur s'est fait amener un cheval qu'on venait d'acheter; il était fort beau et d'une jolie tournure; il l'a fait essayer, l'a trouvé fort bien, et me l'a donné à l'instant même, avec une bonté toute particulière. Je n'ai pu en faire usage, il s'est trouvé vicieux, et a passé alors au général Gourgaud, meilleur écuyer que moi.
Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 367. 2. Celui qui enseigne l'équitation : 8. ... on m'offre d'entrer comme écuyer au manège Pellerin (...). Forestier s'arrêta net :
− Ne fais pas ça, c'est stupide (...). Dans ton bureau, au moins tu es caché, personne ne te connaît, tu peux en sortir si tu es fort, et faire ton chemin. Mais, une fois écuyer, c'est fini (...). Quand tu auras donné des leçons d'équitation aux hommes du monde ou à leurs fils, ils ne pourront plus s'accoutumer à te considérer comme leur égal.
Maupassant, Bel-Ami,1885, p. 9. − Spéc. Instructeur d'équitation du Cadre Noir de Saumur : 9. ... cet écuyer de Saumur, agonisant, qui ramenait vers sa poitrine la main d'un ami debout à son chevet, et murmurait, avant de rendre l'âme : « Jamais ainsi! » suprême recommandation de ne jamais tirer sur les rênes en ramenant les mains...
Vercel,Capitaine Conan,1934,p. 185. 3. Celui qui accomplit des exercices d'équitation difficiles, voire périlleux, dans un cirque. Ce sera quelque écuyer de la troupe de Franconi (Stendhal, L. Leuwen, t. 1, 1835, p. 94). Prononc. et Orth. : [ekɥije]. Mais [ekyje] ds Fér. 1768, Fér. Crit. t. 2 1787 et, à titre de var., ds Passy 1914. L'anc. fr. escu-ier a été influencé pour le sens et pour la prononc. par equus, équestre, equitation (cf. Buben 1935 § 79 et Mart. Comment prononce 1913, p. 190). Le mot est admis ds Ac. 1694 et 1718, s.v. escuyer. Ds Ac. 1740-1932 sous la forme mod. Ac. 1932 insiste sur la prononc. [ɥi] ce qui traduirait encore une certaine hésitation entre [y] et [ɥi]. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 escuier « valet » (Roland, éd. J. Bédier, 2437); 2. 1174-76 « serviteur choisi » (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2019); 3. 1erquart xiiies. « titre d'un jeune noble qui n'a pas encore été armé chevalier » (Lancelot du lac, éd. H. O. Sommer, t. 2, p. 181 : si vous pri pour Dieu que vous me fachiés chevalier, car je ne voldroie en nulle fin morir escuiers). B. 1549 grand escuyer (Est.). C. 1636 ecuier « personne qui sait bien monter à cheval, qui enseigne cet art » (Monet). Du b. lat. scutarius « soldat de la garde impériale qui portait un bouclier » et « écuyer » 1080 ds Nierm., dér. de scutum (écu*); les sens B et C ont peut-être subi l'influence du lat. equus « cheval » (cf. au xives. le lat. equarius glosé « garde de chevaulz » ds le glossaire aalma, B.N. lat. 13032 ds Roques t. 2). Fréq. abs. littér. : 466. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 534, b) 619; xxes. : a) 204, b) 216. |