| ÉCRABOUILLER, verbe trans. A.− Fam. Écraser, broyer, mettre en bouillie. J'avais envie de sauter, mais ça aurait écrabouillé les hortensias (Gyp, Gde vie,1891, p. 232).Il y avait de l'herbe dans la rue et, à travers les décombres des maisons franchement écrabouillées, on voyait en bas une belle petite vallée avec un ruisseau, des aulnes (Giono, Rois sans divertiss.,1947, p. 157).En faisant des tranchées et des coupes, qui écrabouillent quelques insectes pour le plus grand bien de la science et de l'humanité (H. Bazin, Vipère,1948, p. 113). − P. métaph. Les vallons obscurs de Bouvante et de Cordéac furent serrés comme dans un pressoir à vis par des gels qui y écrabouillaient tout ce qu'il y avait de vivant (Giono, Rois sans divertiss.,1947p. 107). ♦ Emploi pronom. Tandis que sa robe de chambre (...) flottait autour de ses assez maigres jambes (...) et qu'un trousseau de clefs vigoureusement lancé allait frapper le mur (...) tôt suivi d'un dictionnaire de Noël et Quicherat (...) qui vint s'écrabouiller à droite de ma tête sur le mur en question (Verlaine,
Œuvres compl.,t. 4, Mes prisons, 1893, p. 362).L'éclair s'est écrabouillé sur le trottoir, presque au pied de la fenêtre (Gyp, Souv. pte fille,1928, p. 190). − Spécialement ♦ [Le compl. désigne une part. du corps] Écrabouiller la tête, la cervelle. Que les arbres tombent sur vous et écrabouillent vos abominables gueules! (Claudel, Endormie,1883, p. 9).Tailhade, sa figure, sa pommette écrabouillée par la bouche. Des yeux qui s'occupent chacun de leur affaire dans une figure trop viandée (Renard, Journal,1902, p. 755): 1. Le papa Coupeau, qui était zingueur comme lui, s'était écrabouillé la tête sur le pavé de la rue Coquenard, en tombant, un jour de ribotte, de la gouttière du no25...
Zola, L'Assommoir,1877, p. 410. ♦ [Dans un cont. de violence, de guerre, d'accident] Un obus tomba, tonna, flamba, éclata... écrabouilla le petit cuistot (Benjamin, Gaspard,1915, p. 59).Il y a un an, elle demandait qu'on lui donnât un « Boche » entre les mains pour lui écrabouiller la tête contre le mur (Léautaud, Journal littér.,3, 1910-21, p. 257).Il paraît qu'au contraire, au début, les premières lignes ont été écrabouillées (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 148).Un chat a été écrabouillé sur la route par une voiture (Dub. etLexis1975). Rem. Pour la forme écarbouiller, non attestée ds la docum., cf. infra prononc. B.− Au fig. [Dans un cont. de haine soc.] Les dreyfusards seront écrabouillés sur le pavé des rues (France, Bergeret,1901, p. 178): 2. Le baron qui approuvait fort que l'on écrabouillât les anticapitalistes redoutait chez son invité les renvois de racisme.
Queneau, Les Enfants du limon,1938, p. 197. C.− Arg. En écrabouiller. Dormir (cf. Esn. Poilu 1919, p. 322). Prononc. et Orth. : [ekʀabuje], [ekaʀ-], (j')écrabouille, écarbouille [ekʀabuj], [ekaʀ-]. Ac. 1798-1878 enregistre uniquement écarbouiller (cf. aussi Besch. 1845, Lar. 19eet Littré). Ac. 1932 consacre à la forme par métathèse écrabouiller une vedette de renvoi à écarbouiller. Lar. 20e-Lar. encyclop., Dub. donnent uniquement écrabouiller. DG, Guérin 1892, Rob., Quillet 1965 et Lar. Lang. fr. admettent les 2 formes. Mais déjà Nouv. Lar. ill. et DG considèrent écarbouiller comme vieilli, Lar. Lang. fr. comme class. et littér., et Rob. souligne que écrabouiller est la forme consacrée par l'usage. Étymol. et Hist. 1535 escarbouiller (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder et M.-A. Screech, chap. 25, 96); 1578 escrabouiller (Ronsard, La bienvenue de Mgr le Connétable ds
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 9, p. 118, 14, var.). Prob. comp., d'abord avec métathèse, de écraser* et de l'a. fr. esboillier « éventrer, étriper » (xiies. ds T.-L.), dér. de boiel (boyau*). Fréq. abs. littér. : 37. DÉR. 1. Écrabouillage, subst. masc.Action d'écrabouiller; son résultat. Le bureau a eu peur que mon écrabouillage ne fît une tache sale dans l'apothéose du concurrent (Vallès, J. Vingtras,Insurgé, 1885, p. 116).− [ekʀabuja:ʒ]. − 1reattest. 1885 id.; du rad. de écrabouiller, suff. -age*. − Fréq. abs. littér. : 2. 2. Écrabouillement, subst. masc.Action d'écrabouiller. Ce qui ne laissait d'autre perspective que l'écrabouillement passif des unités de première ligne (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 16).Rem. On rencontre ds la docum. le synon. écrabouillade, subst. fém., avec une connotation fam. et iron. La houle en transe déferle, vers les porches... C'est l'écrabouillade... le torrent, l'avalanche jusqu'aux ponts-levis (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 176). Cette forme n'est pas attestée ds les dict. consultés.− [ekʀabujmɑ
̃]. − 1resattest. 1871 (Goncourt, Journal ds Fuchs, Lex. Journal Goncourt, 1912; mais n'est pas attesté ds l'éd. Ricatte); ca 1890 « état de personnes pressées dans une foule » (Goncourt, Journal [éd. fragmentaire], t. 4, 9 avr. 1871, ibid.); 1935 « action d'écrabouiller [d'un automobiliste] » (L. Daudet, Médée, p. 222); du rad. de écrabouiller, suff. -(e)ment1*. 3. Écrabouilleur, subst. masc., fam. Personne qui a l'habitude d'écrabouiller, d'écraser. Synon. écraseur. Slahaha l'écrabouilleur, instigateur des dérapages, qui paralyse les réflexes des chauffeurs (Arnoux, Paris, 1939, p. 132). − 1reattest. 1939 id.; du rad. de écrabouiller, suff. -eur2*. BBG. − Bruneau (C.). N. créés au moyen du suff. -ment. In : [Mél. Orr. (J.)]. Manchester, 1953, p. 27 (s.v. écrabouillement). − Dub. Dér. 1962, p. 30 (s.v. écrabouillage). Quem. 2es. t. 2 1971 (s. v. écrabouillage). − Sain. Lang. par. 1920, p. 330. − Sain. Sources t. 1 1972 [1925], p. 119; t. 3 1972 [1930], p. 403. |