| ÉCLIPSE, subst. fém. A.− Lang. techn. et cour. 1. ASTRON. Disparition apparente et temporaire d'un astre, provoquée par l'interposition d'un corps céleste soit entre cet astre et la source lumineuse qui l'éclaire habituellement (éclipse vraie), soit entre cet astre et l'œil de l'observateur (éclipse apparente). Le cycle astronomique des éclipses; annoncer, prédire la date d'une éclipse; une éclipse (in)visible de tel endroit. Il n'y a pas encore bien longtemps, une éclipse ou une comète jetaient l'effroi partout (Alain, Propos,1921, p. 275). − Spéc. Éclipse de soleil. Éclipse se produisant quand la lune s'interpose entre la terre et le soleil. Éclipse de lune. Éclipse se produisant quand la lune passe dans le cône d'ombre projeté par la terre. Éclipse partielle (p. oppos. à totale). Éclipse se produisant selon qu'une partie de l'astre reste visible ou non. Éclipse annulaire. Éclipse partielle du soleil, qui ne laisse voir de cet astre qu'un anneau lumineux. SYNT. Le calcul des éclipses; observer, regarder une éclipse; des verres pour éclipses; les phases d'une éclipse; l'obscurité momentanée d'une éclipse. 2. P. anal. Disparition pour un observateur, d'un foyer lumineux. La Petite, dans l'herbe, tient ses yeux fixés sur la lampe, qu'une brève éclipse vient de voiler : une main a passé devant la flamme, une main qu'un dé brillant coiffait (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 39). − À éclipses. [À propos de dispositifs lumineux] Qui éclaire par intermittence. Phare à éclipses; feux à éclipses des fanaux tournants; feux fixes ou clignotants, à éclats ou à éclipses. ♦ P. ext. Qui apparaît ou disparaît par intermittence. Les exercices de tir sur des buts mobiles à éclipse prompte constituent un excellent moyen pour habituer les soldats à charger et à ajuster très rapidement (Ledieu, Cadiat, Nouv. matér. nav.,t. 1, 1890, p. 358). ♦ Au fig. Folie à éclipses. Troubles mentaux qui disparaissent complètement, puis reviennent pendant des périodes plus ou moins longues (d'apr. Piéron 1963). Publicité à éclipses, à répétition (Duhamel dsPt Rob.). 3. P. ext. a) Fam. Disparition furtive de quelqu'un. Apparitions et éclipses (de qqn) : 1. Il [Vespasiano] disparaissait parfois de la scène du monde durant une quinzaine de jours, puis (...) payait de méchantes défaites ceux qui l'interrogeaient sur les causes de cette éclipse périodique.
O. Feuillet, Onesta,1848, p. 206. b) MÉD. Éclipse cérébrale. Ensemble de manifestations (troubles moteurs, sensitifs) traduisant les complications vasculaires de l'hypertension artérielle associée à l'athérosclérose des artères cérébrales (d'apr. Méd. Biol. t. 2 1971). Éclipse visuelle. ,,Accès de cécité bilatérale de caractère paroxystique et de durée variable`` (Méd. Flamm. 1975). c) PSYCHOL. Éclipse mentale. Perte momentanée du contrôle de la pensée (d'apr. Piéron 1973). d) LING. ,,Dans la grammaire celtique, (...) nasalisation du phonème initial d'un mot après certains mots ou types flexionnels déterminés`` (Mar. Lex. 1933). B.− Au fig. 1. Éclipse de + nom de chose abstr.Élimination, disparition temporaire (de quelque chose). En Europe, l'éclipse des lumières de l'antiquité avait été complète (Stendhal, Hist. peint. Ital.,t. 1, 1817, p. 10).Je ne peux jamais me reposer, quand je sais, quand je sens, derrière un mur, des existences interrompues par ces régulières éclipses de la raison (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Qui sait? 1890, p. 1187): 2. Voltaire ne se trompe point ici comme tout homme est sujet à se tromper. Il se trompe honteusement. C'est une éclipse centrale du sens commun. Tout ce qui naît d'un abus est un abus!
J. de Maistre, Considérations sur la France,1796, p. 282. − Obscurcissement passager (de ce qui a quelque éclat). Décadence et éclipse. Ils coïncident avec une éclipse du goût que je suis fait pour endurer, moi qui me fais du goût l'idée d'une grande tâche (Breton, Manif. Surréal., 1erManifeste, 1924, p. 32): 3. Quand cette grande et trouble image ne sera plus qu'un décor, le xviesiècle en deviendra esclave et affaiblira son art : peut-être la longue éclipse de la poésie française tient-elle à ce que Ronsard préféra le décor de Théocrite au fond féerique sur lequel s'appuyèrent Spencer et Shakespeare.
Malraux, Les Voix du silence,1951, p. 630. 2. [Avoir, connaître, souffrir une éclipse : suj. nom de pers.] Baisse passagère de prestige, de popularité. Elle [Mmede Boufflers] eut une petite éclipse de faveur en 1743 (...) et elle fut assez longtemps sans souper dans les Cabinets (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 4, 1863-69, p. 9).Je subissais une éclipse, due à de bien sots lecteurs, dans mes fonctions de critique dramatique (Léautaud, Théâtre M. Boissard,t. 2, 1943, p. 223). − Emploi abs. Après 1814 la Comédie-Française eut à peine un instant d'éclipse (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 1, 1851-62, p. 41). Prononc. et Orth. : [eklips]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1150 astron. eclypse (Lapid. de Marbode, éd. P. Studer et J. Evans, 604); ca 1223 au fig. (G. de Coincy, Mir. Vierge, éd. V. F. Kœnig, 1 Pr. 2, 4). Empr. au lat. impérialeclipsis « éclipse », lui-même empr. au gr. ε
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κ
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ς « abandon; défection; éclipse ». Fréq. abs. littér. : 322. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 323, b) 627; xxes. : a) 417, b) 510. Bbg. Valter (R.). Einige Bemerkungen zum romanischen Wortschatz gelehrtlateinischer Herkunft. Beitr. rom. Philol. 1972, t. 11, p. 137. |