| ÉCLABOUSSER, verbe trans. I.− A. Domaine physique concr. 1. [Le compl. prép. désigne un liquide, une matière plus ou moins fluide] Faire rejaillir sur (quelqu'un, quelque chose) en (le) couvrant de taches. (Quasi-)synon. maculer.Un pré marécageux où les bottes des gendarmes enfonçaient, l'éclaboussant de boue (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 751).J'éclabousse le lavabo de gouttes savonneuses (Abellio, Pacifiques,1946, p. 232). − [Avec ell. du compl. prép.] [Il] lavait ses truelles à la fontaine, riant aux enfants qui l'éclaboussaient (Peyré, Matterhorn,1939, p. 41): 1. Et comme je me frottais les mains lorsque l'une de mes automobiles venait d'éclabousser quelque passant à l'aspect pitoyable...
Larbaud, A. O. Barnabooth,1913, p. 119. − Rare. [Sans idée de salissure] C'est ce tour de main [des artistes chinois], inconnu de l'Europe, qui éclabousse la surface d'un bronze de petites scories d'or amalgamées dans la fonte (E. de Goncourt, Mais. artiste,1881, p. 263). − Spéc., dans l'arg. de la guerre. Atteindre par ricochet. Les artilleurs boches estimaient sans doute avoir assez bien réglé leur tir pour nous arroser sans éclabousser leurs hommes (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 204). Rem. On rencontre ds la docum. une attest. de éclabousser employé absol. Il urine! il éclabousse dans la soupe! (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 321). 2. [Le suj. désigne un liquide, une matière plus ou moins fluide] Rejaillir (sur quelqu'un, quelque chose) en (le) couvrant de taches. Il prit à plein poing la chandelle et la posa sur la cheminée avec un frappement si violent que la mèche faillit s'éteindre et que le suif éclaboussa le mur (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 941).Les piétons étaient éclaboussés par la boue sur le passage des voitures (Lowie, Anthropol. cult.,1936, p. 124). 3. P. anal., dans le domaine visuel.Couvrir de taches (de lumière, de couleur). Le soleil venait de gagner les deux lucarnes, deux rayons jaunes éclaboussaient l'ombre d'une poussière éclatante (Zola, E. Rougon,1876, p. 119). − Au passif. Le crépuscule fut secoué et éclaboussé d'une ardente lumière et d'une énorme détonation (Giono, Bonheur fou,1957, p. 448): 2. Il était cinq heures du soir. Les façades des maisons étaient du haut en bas éclaboussées de lumière, je veux dire qu'on eût cru que le soleil avait jeté un grand seau de lumière sur ces vieilles demeures et qu'elles en ruisselaient...
Green, Journal,Le Bel aujourd'hui, 1955-58, p. 268. B.− Au fig., dans le domaine moral 1. Salir moralement. Un scandale éclabousse qqn. Les railleries et les injures s'entrecroisaient sur notre passage et m'éclaboussaient (Lacretelle, Silbermann,1922, p. 136): 3. ... le père Viorne tuerait Olivier, et il ne l'aurait certes pas volé... Le pire, c'est que nous serions tous plus ou moins éclaboussés, vous, moi, notre milieu.
L. Daudet, L'Entremetteuse,1921, p. 204. − P. ext. [Le suj. désigne une pers.] Compromettre en mettant en cause la réputation de (quelqu'un). − Vous avez été boulangiste, monsieur Sturel... Ne voyez-vous pas que c'est éclabousser le Général de me dire espion de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Angleterre? (Barrès, Leurs fig.,1901, p. 214).Au cours de l'hiver, une vilaine histoire, destinée à m'éclabousser, fut montée par certaines instances britanniques (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 216). Rem. On rencontre, dans des contextes littér., des emplois métaph., ayant la même valeur. Le vieux ne mâchait pas les mots, crachant son mépris, éclaboussant cette passion d'une volée de boue (Moselly, Terres lorr., 1907, p. 264). 2. [Le suj. et le compl. désignent une pers.] En imposer à (quelqu'un) par un étalage outré de son luxe ou de ses avantages. Synon. fam. écraser, enfoncer, en mettre plein la vue à qqn.L'Administration à Paris n'a point de subordination réelle (...) Un riche surnuméraire éclabousse son chef en allant à Longchamp dans un tilbury qui porte une jolie femme (Balzac, Employés,1837, p. 22).Parce que leur fille s'habille à la Samaritaine de luxe et monte en taxi place du Tertre, ils voudraient nous éclabousser (Arnoux, Paris,1939, p. 335).Aujourd'hui, les abus sont intimement liés, et comme tissés à notre vie économique. Trop souvent, le luxe éclabousse la misère (Doc. d'hist. contemp., 1953, p. 192). II.− Emplois pronom. A.− [Le suj. désigne un liquide, une matière plus ou moins fluide] Rejaillir sur (quelqu'un, quelque chose) en (le) couvrant de taches. Sous la piqûre de la lancette, le sang jaillit et alla s'éclabousser contre la glace (Flaub., MmeBovary,t. 1, 1857, p. 146). − P. anal. Les rayons du soleil couchant traversaient en oblique les persiennes closes et s'éclaboussaient sur les assiettes et les plats (La Varende, Dern. fête,1953, p. 45). B.− [Le suj. désigne une pers.] 1. Emploi réfl. Il s'éclaboussa de neige en tapant ses semelles contre la terre (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 92). 2. Emploi réciproque. Une troupe d'écoliers que l'on mène nager dans un fleuve, s'éclaboussant, se plongeant la tête dans l'eau, se jetant l'eau à la figure (Lamart., Voy. Orient,t. 1, 1835, p. 198). Rem. On rencontre ds la docum. a) Le subst. fém. éclaboussade. Les éclaboussades des succès qui leur passaient dessus sans les voir (Goncourt, Ch. Demailly, 1860, p. 24). b) L'adj. éclabousseur. De lourds projectiles éclabousseurs qui se ruaient, bousculés par la foudre à ras de terre (Barbusse, Feu, 1916, p. 347). Prononc. et Orth. : [eklabuse], (j')éclabousse [eklabus]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1528 d'apr. le dér. esclabousseure, v. éclaboussure; 1564 pic. esclabocher (Thierry); 1660 esclabousser (Oudin Fr.-Esp.). Var. expressive de l'a. fr. esclabo(u)ter (1225-30 esclabouter, Bueve de Hantone, III, 4626 ds T.-L. − 1660 esclabotter, Oudin Fr.-Esp., s.v. esclabocher) prob. formé à partir du rad. onomatopéique klapp- klabb- (FEW t. 2, pp. 773 b-734 a) et de bouter*. Fréq. abs. littér. : 148. Bbg. Sain. Sources t. 2 1972 [1925], p. 132. |