| ÉCART1, subst. masc. Action d'écarter, de s'écarter; résultat de cette action. A.− [P. réf. à une direction assignée, à un lieu donné] 1. [P. réf. à un certain espace matériel] Action de s'éloigner volontairement ou non à quelque distance; résultat de cette action. Il redressait un écart de ses chiens ou les ralliait (Fromentin, Dominique,1863, p. 5).La ligne de son itinéraire suivait à peu près le cent trente et unième méridien, et, par conséquent, faisait un écart de sept degrés à l'ouest de celui de Burke (Verne, Enf. cap. Grant,t. 2, 1868, p. 118). a) Loc. À l'écart (de + subst.). Ils travaillaient ensemble, tout en haut d'une tourelle, à l'écart du bruit (Flaub., Trois contes,St Julien l'Hospitalier, 1877, p. 83).Au fig. Impossibilité de se poser solidement à l'écart, à distance, de se tenir « sur son quant à soi », dans un état d'opposition ou même de simple indifférence (Sarraute, Ère soupçon,1956, p. 34).Être, rester, (se) tenir à l'écart. La maison est à l'écart, personne au monde n'y viendra (Zola, Débâcle,1892, p. 610).Me tenant à l'écart de mes camarades et ne fréquentant guère qu'Abel, je vivais avec la pensée d'Alissa (Gide, Porte étr.,1909, p. 530).Au fig. Rester à l'écart, c'est agir comme un individualiste (Martin du G., J. Barois,1913, p. 245).Emmener, mettre, prendre, tirer à l'écart. Il croit Bouvard coupable, le prend à l'écart, et l'engage à céder (Flaub., Bouvard,t. 2, 1880, p. 192). b) En partic. [Gén. en parlant d'un cheval] Faire un écart. S'écarter brusquement. Mon cheval, qui est un animal difficile, a fait un écart et m'a envoyé à dix pas (Dumas père, Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 529).P. anal. Il n'y a pas que les chevaux et les mulets à qui il faille des œillères pour marcher sans écart (France, Jard. Épicure,1895, p. 121). c) Spécialement − BALIST. Déviation par rapport à une trajectoire moyenne idéale. Rendant son pistolet au garçon, et bouchant avec les doigts deux trous dans le carton, un peu éloignés des autres : − Vois-tu, sans ces deux écarts-là, ce serait un carton à encadrer (Goncourt, R. Mauperin,1864, p. 267).La table de tir proprement dite [indique] (...) en regard des portées prises comme argument (...) les (...) écarts moyens en portée, en dérivation, en hauteur, angles de chutes (Ledieu, Cadiat, Nouv. matér. nav.,1890, p. 15). − COURSES (de taureaux, en partic. course landaise). L'homme attendait, jusqu'au moment où, prêt à être transpercé, d'un bond à droite ou à gauche il évitait la bête qui, emportée dans son élan, le dépassait. Ce fut l'origine de nos « courses landaises ». De ce bond est venu ce que nous appelons « l'écart », partie fondamentale de ce spectacle (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 14). − HABITAT. Localité, habitation écartée (cf. écarté1II B), isolée. La ville compte cent quarante feux, trois écarts et la maison du garde (Audiberti, Ampélour,1937, p. 93).Chacune d'elles [les maisons], à elle seule, constitue un « écart », un monde clos (Genevoix, Assassin,1948, p. 38). − MÉD. VÉTÉR. [Gén. à propos d'un cheval et sans doute p. réf. à A 1 en partic.] Entorse de l'épaule. 2. [P. réf. à une norme, une échelle de valeurs] (Quasi-)synon. déviation, variation; erreur, faute. a) Domaine physique.Mon estomac éprouvé par quelques légers écarts de régime est faible (Maine de Biran, Journal,1817, p. 23).Élèves (...) incommodés par les écarts excessifs de température ou par l'humidité des lieux (Bourgat, Tech. danse,1959, p. 23).P. métaph. La machine 608, trop neuve, dont les caprices, les écarts de jeunesse le surprenaient (Zola, Bête hum.,1890, p. 283). − En partic., STAT. Variation d'une donnée par référence à un comportement idéal. Écart absolu, moyen, probable. La caractéristique la plus systématique qu'on puisse donner de la variation étudiée, c'est l'écart-étalon (Plantefol, Bot. et biol. végét.,t. 2, 1931, p. 485).Les écarts observés ne sont jamais significatifs par rapport aux écarts probables (Amadou, Parapsychol.,1954, p. 277): 1. Le rapport entre l'écart observé et l'écart prévu − ou écart type − donne une valeur que l'on désigne en statistique sous le nom de valeur T...
Amadou, Parapsychol.,1954p. 161. b) Domaine intellectuel, moral.Écart de langage. Un écart de mon imagination qui se trompe (Balzac, Corresp.,1822, p. 168).Elle déplore (...) les écarts de conduite du prochain, tout en se réjouissant secrètement d'avoir un concurrent de moins sur le sentier des vertus domestiques (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 159): 2. ... les grammairiens du temps s'amusaient à montrer l'inconséquence, les fautes du langage, tel que le peuple l'a fait, et à corriger les écarts de l'usage par la raison logique, sans s'apercevoir que les tours qu'ils voulaient supprimer étaient plus logiques, plus clairs, plus faciles que ceux qu'ils voulaient y substituer.
Renan, L'Avenir de la sc.,1890, p. 27. B.− P. ext. [À propos de choses formant un ensemble] Action de repousser volontairement ou non plusieurs personnes ou plusieurs choses à une certaine distance l'une de l'autre; résultat de cette action. 1. Domaine physique.Son rire riait si franchement, dans un écart des lèvres, montrant toutes les dents (Estaunié, Simple,1891, p. 53).Écart entre les températures mortelles aux semences et celles qui tuent les organismes développés (J. Rostand, Genèse vie,1943, p. 67).P. ext. Dans l'écart des deux collines, un brouillard de toits gris, de flèches, de coupoles qu'on lui dit être Paris (A. Daudet, Fromont jeune,1874, p. 213). − Spécialement a) BLAS. Synon. écartelure*. b) DANSE. Faire un écart. Porter le pied de côté. Faire le grand écart. Écarter les jambes jusqu'à ce que les cuisses touchent le sol : 3. Les deux femmes (...) faisaient avec leurs jambes des mouvements surprenants (...) les écartant comme si elles se fussent ouvertes jusqu'à mi-ventre, glissant l'une en avant, l'autre en arrière, elles touchaient le sol de leur centre par un grand écart rapide, répugnant et drôle.
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Le Masque, 1889, p. 1160. c) MUS. Espace, distance entre deux notes. Dans l'enseignement de l'harmonie, les É[carts] au-delà de l'octave ne sont pas admis entre les parties supérieures, et ils sont tolérés jusqu'à la quinzième, entre la basse et le ténor (Brenet, Dict. prat. et hist. mus.,1926, p. 126). 2. Domaine intellectuel.Écart extraordinaire entre une minorité de privilégiés et une immense majorité de serviteurs et d'opprimés (Gaultier, Bovarysme,1902, p. 117): 4. Nous vivons dans un temps où les philosophes s'abstiennent. Ils vivent dans un état de scandaleuse absence. Il existe un scandaleux écart, une scandaleuse distance entre ce qu'énonce la philosophie et ce qui arrive aux hommes en dépit de sa promesse...
Nizan, Les Chiens de garde,1932, p. 53. Rem. Écartement* est plus empl. dans l'accept. gén. de B. Prononc. et Orth. : [eka:ʀ]. Littré : ,,le t ne se lie jamais``. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. [Ca 1175 escard « expédient, faux-fuyant »? (ou faute de copiste pour esgard « résolution, détermination »?) (B. de Ste-Maure, Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 11452)]. A. 1. Ca 1200 « entaille, incision » (Renaut de Montauban, 142, 31 ds T.-L.); 2. 1274 « distance séparant deux choses » (C'est Jehan Moriel, Chirog., A. Tournai ds Gdf. Compl.); 3. 1680 « terme de danse » (Rich.); 1739-47 grand écart (Caylus,
Œuvres badines, Paris, Visse, X, 180); 4. 1864 fig. « différence entre deux grandeurs ou valeurs » (Littré). B. 1247 « endroit écarté » (Est. de Goz, Vil. de Verson, fo68 vods Gdf. Compl.); ca 1450 à l'escart (Mistere du viel Testament, éd. J. de Rothschild, 4476). C. 1. 1655 « action de s'écarter des règles de la morale, de la bienséance » (Molière, L'Etourdi, I, 4); 2. 1688 « faire des digressions, s'écarter du sujet » (Mmede Sévigné, Lettres, éd. M. Monmerqué, t. VIII, p. 241); 3. 1793-94 ici en parlant du style (C. Desmoulins, Le Vieux cordelier, p. 47). Déverbal de écarter1*. Bbg. Archit. 1972, p. 132. − Dubuc (R.). La Planification à long terme ds l'entr. Meta. 1974, t. 19, p. 211. − Gottsch. Redens. 1930, p. 310. − Pauli 1921, p. 6. − Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 407. |