| ÉBRÉCHER, verbe trans. Faire une brèche dans quelque chose (cf. brèche1).A.− [Correspond à brèche1A] 1. [Le compl. d'obj. désigne une construction] Créer une ouverture, une trouée; causer une détérioration. Deux mauvais pilastres en moellons, que le passage des voitures avait ébréchés, malgré deux morceaux de bois placés en forme de bornes (Balzac, Chabert,1832, p. 64): 1. ... j'avais devant moi une haute croupe noire et pelée, (...) surmontée à son sommet d'une grosse tour en ruine (...). Quatre grands créneaux, usés, ébréchés et changés en triangle par le temps complétaient la sombre silhouette de la tour...
Hugo, Le Rhin,1842, p. 318. − Emploi pronom. passif : 2. À quelques pas de nous, comme une fente au mur, s'ouvrait dans ses parois [d'un précipice] un interstice obscur, (...) devant cette ouverture, un grand banc de rocher, promontoire du mont plus lent à s'ébrécher, étendait de niveau quelques pieds de surface...
Lamartine, La Chute d'un ange,1838, p. 814. 2. P. anal. [Correspond à brèche1A 2 b] a) [Le compl. d'obj. désigne une dent ou la denture] Casser un morceau de dent ou une/des dent(s). Elle se retourna et montra (...) une large bouche où manquait une palette. Il avait fallu la corne d'un taureau pour ébrécher cette puissante denture (France, Dieux ont soif,1912, p. 132). − Emploi pronom. passif. Et ma bouche s'ébrèche et mon rire s'édente (Régnier, Jeux rust.,1897, p. 149): 3. Pour dévorer son cœur jusqu'aux côtes il fouille;
Sa dent, qui sur ses os heurte sans s'ébrécher,
Emporte à chaque coup des lanières de chair...
Lamartine, La Chute d'un ange,1838, p. 1060. − Emploi pronom. réfl. indir. S'ébrécher une dent (Ac.). b) [Le compl. d'obj. désigne un objet lisse ou tranchant] Causer une brisure, une entaille (cf. bosseler ex. 1).Ébrécher une assiette. Une porcelaine délicate, qui par elle-même est saine, mais que le moindre heurt peut ébrécher, fracasser, ou du moins écailler sans remède (Amiel, Journal,1866, p. 527).Le domestique, (...) ébrèche sa faux sur les cailloux (R. Bazin, Blé,1907, p. 240): 4. Du reste, ces sabres [des samourais] seraient les armes blanches les mieux trempées de toute la terre... Ils coupent de gros clous sans que le tranchant soit ébréché.
E. de Goncourt, La Maison d'un artiste,1881, p. 280. − Emploi pronom. passif. La glace du petit salon rouge était fêlée, partout les pots à eau et les cuvettes s'ébréchaient (Zola, Terre,1887, p. 279).Joues creuses et ombrées d'un poil épais et noir où le rasoir s'ébrèche (Arnoux, Solde,1958, p. 132). − P. métaph. ♦ [Le compl. d'obj. désigne la voix] Une voix moins coupante, ébréchée par la crainte d'une humiliation inutile (H. Bazin, Mort pt cheval,1950, p. 303). ♦ [Le compl. d'obj. désigne une pers.] :
5. On est trop aiguisé, trop affiné! Le moindre heurt nous ébrèche. Quand je médite sur mon honorable personne, je m'étonne qu'elle soit encore vivante! tant elle a vibré et souffert.
Flaubert, Correspondance,1877, p. 23. Emploi pronom. réfl. J'ai une santé de fer, parce que je ne me suis jamais ébréché qu'au travail des muses (Balzac, Corresp.,1838, p. 423).B.− [Correspond à brèche1B; le compl. d'obj. désigne les biens d'une pers.] Porter atteinte à l'intégrité par prélèvement. La dot d'Agnès, les 200 000 francs donnés cinq ans plus tôt, les secours versés depuis deux ans au ménage avaient ébréché sa fortune (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1939, p. 216). Rem. Fam. pour Ac. − P. métaph. [Le compl. d'obj. désigne une faculté, un attribut d'une pers.] Causer un tort, un dommage. Cette expérience, cette épreuve de ce matin d'hiver a ébréché la solidité de ma foi (Arnoux, Roy. ombres,1954, p. 55): 6. Je veux des travaux qui me laissent du temps pour les vers, du temps pour la politique, du temps pour la philosophie, (...) et cependant de l'argent pour vivre. (...) J'ai des offres magnifiques, mais la liberté d'action et d'opinion serait ébréchée.
Lamartine, Corresp.,1835, p. 162. ♦ Emploi pronom. passif. Ma perfection s'était ébréchée; j'étais incertaine de moi-même, et vulnérable (Beauvoir, Mém., j. fille,1958, p. 113). Prononc. et Orth. : [ebʀeʃe], (j')ébrèche [ebʀ
ε
ʃ]. Voyelle de syllabe finale du rad. nu demi-longue ds Passy 1914. Se conjugue comme céder. Enq. : /ebʀeʃ/ (il)ébrèche. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1260
œuvre esbrechiee (E. Boileau, Métiers, 185 ds T.-L.). Dér. de brèche*; préf. é-*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 30. DÉR. 1. Ébrèchement, subst. masc.[Le compl. du nom désigne une construction] État de ce qui est ébréché (cf. brèche1A).L'ébrèchement des murs. Les propriétés mitoyennes ne montrent que leur fond; trois grands murs aveugles, avec des ébrèchements de poutres et de meulières (Frapié, Maternelle,1904, p. 11).− [ebʀ
ε
ʃmɑ
̃]. − 1reattest. av. 1623 esbrechement (de la réputation) (N. Pasquier, Le Gentilh., p. 145 ds Gdf. Compl.); du rad. de ébrécher, suff. -(e)ment1*. − Fréq. abs. littér. : 1. 2. Ébréchure, subst. fém.[Le compl. du nom désigne un objet lisse] Endroit où il est ébréché (cf. brèche1A 2 b).Les ébréchures des porcelaines précieuses (Druon, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 231).− [ebʀeʃy:ʀ]. Ds Ac. 1932. − 1reattest. 1873 les ébréchures du marbre (Zola, Ventre Paris, p. 656); du rad. de ébrécher, suff. -ure*. − Fréq. abs. littér. : 2. |