OEIL, YEUX, subst. masc.
Étymol. et Hist. A. 1. Fin
xes. «organe de la vue», plur.
olz (
Passion, éd. D' Arco Silvio Avalle, 52: sos
olz torned);
ca 1050
id. oil (
Alexis, éd. Chr. Storey, 222); 1170
uel (
Chrétien de Troyes,
Erec et Enide, éd. M. Roques, 4418); plur.
ialz (
Id.,
ibid., 436); 1342
oeil (
J. Bruyant,
Le Chemin de povreté et de richesse ds
Ménagier, éd. Sté Bibliophiles, t.II, p.15); plur.
yeulx (
Id.,
ibid., p.14);
a) ca 1265
oil pour oil (
Brunet Latin,
Trésor, éd. Fr. J. Carmody, I, XVIII, p.31);
b) xves.
avoir bon pié et bon oeil (
J. de Bueil,
Jouvencel, éd. L. Lecestre, I, 198);
c) 1580
avoir les yeux plus grands que le ventre (
Montaigne,
Essais, éd. Villey-Saulnier, I, XXXI, p.203);
d) 1666
s'en battre l'oeil ([
Brécourt],
La Nopce de village, 15 [Ribou] ds
Quem. DDL t.19);
e) 1690
entre quatre yeux (
Fur.,
s.v. entre); 1740
entre quatre-z-yeux (
Piron,
OEuvres posthumes, 77 [Dentu] ds
Quem. DDL t.19);
f) 1690
oeil de verre (
Fur.);
g) 1793
ne laisser que les yeux pour pleurer ([
Lemaire],
La Trompette du père Duchêne, n
o142, 326 ds
Quem. DDL t.19);
2. ca 1100 «oeil comme partie du visage, et élément de physionomie» (
Roland, éd. J. Bédier, 283: Vairs out les
oilz);
a) 1640
pour les beaux yeulx de qqn «par amour pour quelqu'un» d'où «gratuitement» (
Oudin Curiositez);
b) 1640
bel oeil «jolie femme» (
Corneille,
Polyeucte, I, 1);
3. ca 1100 «l'oeil dans sa fonction de vision» (
Roland, 316: ja nel verrai des
oilz);
a) fin
xiies.
en croire ses yeux (
Chrétien de Troyes,
Chansons, éd. W. Foerster, II, 34: fors de tant que
mes iauz an crui);
b) 1203
(voir, regarder) de ses ieuz (
Chastelain de Couci,
Chansons, éd. A. Lerond, V, 17);
c) ca 1208
veoir a oil «voir à l'oeil nu» (
Villehardouin,
Conquête Constantinople, éd. E. Faral, § 120); 1690
regarder à l'oeil nu (
Fur.,
s.v. nud);
d) 1450-65
un trait d'ueil «regard prompt et de courte durée» (
Ch. d'Orléans,
Rondeaux, XXII, 4 ds
Poésies, éd. P. Champion, II, 303); 1668
coup d'oeil (
Molière,
Amphitryon, I, 1); 1699
jeter un coup d'oeil sur qqc. (
Mass[
illon],
Avent, Épiphan. ds
Littré); [4
equart
xives.
jetter ses ieux et voir (
Froissart,
Chron., éd. G. Raynaud, XI, 28)];
e) 1640
du coin de l'oeil (
Oudin Curiositez,
s.v. coin);
f) 1562
a veuë d'oeil (
Paré,
Anat., II, 9, éd. J.-Fr. Malgaigne, I, 185);
4. ca 1100 «l'oeil dans les mouvements qui lui sont propres» (
Roland, 2285: uvrit les
oilz);
a) 1550
fermer les yeus à qqn (
Ronsard,
Boccage, VIII, 48 ds
OEuvres, éd. P. Laumonier, II, 183); 1721
fermer les yeus «mourir» (
Montesquieu,
Lettres persanes, éd. A. Adam, CXLII, p.367);
b) 1686
ne pas fermer l'oeil (
Dancourt,
Les Fonds perdus, I, 4 ds
Littré);
5. ca 1100 «la vue, le regard» (
Roland, 1131: a vos
oilz veez les Sarrazins); 1538
devant les yeux (
Est.);
ca 1470
avoir la preuve aux yeux (
G. Chastellain,
Chron. Ducs de Bourgogne, éd. Kervin de Lettenhove, III, 331); 1671
sous les yeux de qqn «en sa présence directe» (
Pomey); 1701
mettre qqc. sous les yeux de qqn (
Mass[
illon],
Carême, Parole ds
Littré); 1649
couver des yeux (
Descartes, v.
couver).
B. OEil en tant qu'il manifeste les traits permanents du caractère, les émotions, les sentiments
1. a) 1155
de bon oeil veeir «d'un oeil bienveillant» (
Wace,
Brut, éd. I. Arnold, 1923);
ca 1200
ex vairs et rians (
Aucassin et Nicolette, éd. Mario Roques, II, 13);
b) 1558
regarder ... de fort mauvais oeuil (
Des Périers,
Nouv. récréat. et joyeux devis, éd. K.Kasprzyk, 78, p.277);
c) 1611
servi au doigt, &
à l'oeil «ponctuellement, au premier signe» (
Cotgr.); 1812
obéir au doigt et à l'oeil «
id.» (
Boiste);
d) 1611
faire les doux yeux à [
qqn] (
Cotgr.);
e) 1665
faire de l'oeil «avec un air d'intelligence» (
La Fontaine,
Cas de conscience, 137 ds
OEuvres, éd. H. Régnier, V, 352);
f) 1667
se parler des yeux (
Molière,
Le Sicilien, II);
g) 1698
ouvrir de fort grands yeux (
Racine,
Corresp., à Jean-Baptiste Racine, 24 juill. ds
OEuvres compl., éd. R. Picard, t.2, p.624);
2. ca 1203 «oeil, symbole de la faculté d'observation, de la perspicacité, de l'attention» (
Chastelain de Couci,
op. cit., II, 18);
a) 1505
bender les yeulx à (
Gringore,
Les Folles entreprises ds
OEuvres compl., éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, I, 41); 1690
avoir un bandeau sur l'oeil (
Fur.);
b) fin
xvies.
fermer les yeulx à qqn «faire comme si on ne voyait pas ses agissements» (
D'Aubigné,
Lettres diverses ds
OEuvres, éd. Réaume et de Caussade, I, 480); 1644
fermer les yeux sur qqc. (
Corneille,
Rodogune, III, 3);
c) 1631
n'avoir d'yeux que pour qqn (
Id.,
Don Sanche, I, 3);
d) 1640
crever les yeux «être évident» (
Oudin Curiositez);
3. a) ca 1188 «oeil, symbole de méfiance ou de vigilance»
avoir les iex ... a (
Partonopeus de Blois, éd. J. Gildea, 3448);
ca 1470
avoir l'oeil à tout (
G. Chastel.,
Chr. des d. de Bourg., II, 1 ds
Littré);
b) fin
xives.
avoir bonne oreille ... bon oeul (
E. Deschamps,
Ballades de moralitez, XCII, 4 ds
OEuvres, éd. G. Raynaud, I, 198);
c) fin
xvies.
l'oeil du maître (
Pasq[
uier],
Rech., VI, p.453 ds
La Curne);
d) 1669
dormir de plus que de deux yeux (
La Fontaine,
La Coupe enchantée, 463 ds
OEuvres, éd. citée, V, 143); 1704
ne dormir que d'un oeil (
Regnard,
Fol. amour., I, 1 ds
Littré);
e) 1798
tenir qqn à l'oeil (
Ac.);
4. fin
xives. «personne qui observe, surveille» (
E. Deschamps,
Le Miroir de mariage, 1631 ds
OEuvres, éd. citée, IX, 56).
C. P. anal.
1. P. réf. à l'éclat
a) 1
remoitié
xiiies. [ms.] «ce qui éclaire, permet de voir» ici poét.
al oel del jor «à l'aube» (
Partonopeus de Blois, éd. citée, 1955); 1550
le clair oeil de la nuit «la lune» (
Ronsard,
Odes, A Joachim du Bellay, ode XXIV, 51 ds
OEuvres, éd. citée, II, 70);
b) 1572 «ce qui éclaire, sert de guide» (
R.Belleau,
Bergeries, t.I, p.2 ds
Littré);
2. p. réf. à la forme
a) ca 1393 bot. «sans doute noeud qui est à l'extrémité du fruit, opposé à la queue» (
Ménagier, éd. citée, II, p.247); 1653
oeil dormant (
Le Gendre,
Arbres fruitiers, p.57);
oeil poussant (
Id.,
op. cit., éd. 1676, p.60);
b) 1547 archit.
oeuil de la Volute «milieu de la voûte du chapiteau ionique» (
J.Martin,
Architecture, troysieme livre, p.38); 1694
id. «ouverture en haut d'une coupole» (
Corneille); 1694
id. oeuil de pont (
ibid.);
c) 1660 «trou dans le pain et dans le fromage» (
Oudin Fr.-Esp.);
d) 1676 «ouverture pratiquée dans certains outils, p. ex. pour le manche» (
Félibien); 1721
oeil d'une roue (
Trév.); 1751
oeil d'une aiguille (
Encyclop. t.1,
s.v. aiguille);
e) 1690 mar. «trou par où les câbles entrent et sortent» (
Fur.);
f) 1690 impr. «grosseur des caractères d'imprimerie» (
ibid.);
3. p. réf. à l'aspect
a) 1611 «aspect d'une chose, du lustre d'une étoffe, de l'éclat d'une pierrerie» (
Cotgr.); 1779 «nuance, teinte légère» (
Buffon,
Oiseaux, t.6, p.52);
b) 1798
oeil de poudre (
Ac.). Du lat. class.
oculus «oeil», en partic. terme de bot., également terme d'archit.
oculus volutae «oeil de la volute» chez Vitruve. Le plur.
yeux représente régulièrement l'acc. plur.
oculos.