VOULOIR1, verbe trans.
Étymol. et Hist. I. « Avoir la volonté, l'intention, le désir »
A. 1. suivi d'un inf.
a) 881 parfait 3
epers. plur. (
Ste Eulalie, 3-4 ds
Henry Chrestomathie, p. 3:
Voldrent la veintre li Deo inimi,
Voldrent la faire diaule servir); 881 p.-q.-parf. 3
epers. sing. [marque l'antériorité] (
ibid., 21,
ibid.: A czo noˑs
voldrent concreidre li rex pagiens); 881 parfait 3
epers. sing. (
ibid., 24,
ibid.:
Volt lo seule lazsier); 2
emoit.
xes. ind. prés. 1
re, 2
e, 3
epers. sing., 3
epers. plur.
vol, vols, volt, volunt (
St Léger, éd. J. Linskill, 96, 94, 136, 60);
ca 1050 imp. subj. 1
repers. sing.
volisse (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 202);
ca 1100
vuleir meilz « préférer » (
Roland, éd. J. Bédier, 536; 2738); 1370-72 part. prés. adj. (
Nicole Oresme,
Ethiques, V, 16, éd. A. D. Menut, p. 306: quant il fait telle chose non
voulant);
b) 1176-81 empl. pronom. réfl. (
Chrétien de Troyes,
Chevalier de la charrette, éd. M. Roques, 2101: Car qui
se vialt antrer i puet);
id. (
Id.,
Chevalier au lion, éd. M. Roques, 1451: qui
se vialt, si l'oie), v. éd. W. Foerster, 1447, p. 294, note;
cf. lat.
sibi velle « se proposer, avoir dessein de »;
c) ca 1180 subj. prés. 2
epers. sing., visée jussive (
Marie de France,
Fables, éd. K. Warnke, LIII, 44,
De Eremita: Ne
vueilles mes Adam blasmer Se le fruit de l'arbre manja), v.
Moignet, p. 210;
d) 1690 le suj. désigne une chose [à laquelle on prête une volonté] (
Fur.: ce bois ne
veut pas brûler);
2. suivi d'une complét. introd. par
que suivi du subj.
ca 1050 (
St Alexis, 39: Or
volt que prenget moyler; 249);
ca 1200 subj. prés. 3
epers. sing., visée optative (
Guiot de Provins,
Armeüre du chevalier, 434 ds
Œuvres, éd. J. Orr, p. 107: Li sire
veuelle que...).
B. Avec un nom, un pronom compl.
1. voleir aucune rien à aucun 2
emoit.
xes.
voleir mal a « avoir de la haine pour » (
St Léger, 101); 1174-87
voleir bien a (
Chrétien de Troyes,
Perceval, éd. F. Lecoy, 8514); av. 1630 pronom. réfl.
se vouloir mal « se reprocher » (D'
Aubigné,
Sonnets, XII ds
Œuvres, éd. E. Réaume et Fr. de Caussade, t. 3, p. 252: Je
me veus mal à moy qui te suis trop fidelle); 1713 empl. pronom. réciproque (
Hamilton,
Gram., 8 ds
Littré: Deux personnes qui
se voulaient tant de bien);
2. avec compl. indir.
voleir d'aucune rien « accepter, s'intéresser à, se satisfaire de »
ca 1050 (
St Alexis, 49: Mais ç'ost tel plait dunt ne
volsist nïent);
ca 1200 (
Guiot de Provins,
Bible, 535, p. 26: Lou chateil lait et prent la monte Li sires, s'en
vuet);
3. voleir aucune rien ca 1100 (
Roland, 2523: Ki herbe
voelt, il la prent en gisant); 1835 spéc. part. passé adj. « conforme à une volonté, requis »
formalités voulues (
Ac.);
4. le compl. désigne un animé, une pers.
a) ca 1100 (
Roland, 40; 87: S'il
voelt ostages);
b) α) 1
remoit.
xiies. « aimer quelqu'un, l'avoir en faveur » (
Psautier de Cambridge, éd. Fr. Michel, XXI, 8: Il fuit al Seignur, salvet lui, delivret lui, kar il
vuelt lui);
β) 1549 « désirer (une femme) » (
Est.); 1920
en vouloir « vouloir de l'amour, aimer le plaisir ou l'amour » (
Bauche, p. 230b);
c) 1377
vouloir un oiseau « (en parlant d'un faucon) avoir envie de le poursuivre » (
Gace de La Buigne,
Deduis, éd. A. Blomqvist, 9684); 1845
vouloir [
l'étalon] (en parlant d'une jument) (
Besch.);
5. en vouloir à qqn a) 1549 « chercher à l'atteindre, le viser, le menacer » (
Est.); 1646
en vouloir aux jours de qqn (
Corneille,
Héraclius, I, 4);
b) ca 1590
en vouloir à qqn « éprouver de l'hostilité envers lui » (
Montaigne,
Essais, III, 12, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 1044);
c) 1799 pronom. réfl.
s'en vouloir de + inf. « se reprocher de » (L. B.
Picard,
Collatéral, V, 2 ds
Littré);
6. 1643
vouloir qqc. à qqn « en attendre quelque chose » (
Corneille,
Polyeucte, IV, 1: Gardes, que me
veut-on?).
C. Avec un pron. neutre compl. (représentant un inf. ou une complét.)
a) ca 1050 empl. pronom. réfl. (
St Alexis, 614: Ço ad ques
volt);
ca 1100 (
Roland, 3674: Ço
voelt li reis par amur cunvertisset);
id. (
ibid., 3625: Paien s'en fuient, cum Damnesdeus le
volt);
b) ca 1050 avec ell. du compl. (
St Alexis, 597:
Voilent o non, sil laissent enfodir);
ca 1100 (
Roland, 258: Se li reis
voelt; 2801: Se vos
volez).
D. 1553 empl. abs. « avoir une volonté agissante » (
Bible, Sap., 2, 18, impr. J. Gerard d'apr.
FEW t. 14, p. 216b).
II. « Consentir, acquiescer »
1. a) 1
remoit.
xiies. avec un subst. compl. « approuver, acquiescer à » (
Psautier de Cambridge, XXXVI, 23: Del Seignur li alemant de hume serunt confermet, e la veie de lui
voldrat);
b) ca 1208 un inf. compl. (
Geoffroi de Villehardouin,
Conquête de Constantinople, éd. E. Faral,182: Alexis [...] prist de son tresor ce qu'il en pot porter, et mena de ses genz avec lui qui aler s'en
voldrent; si s'enfui);
c) ca 1274 avec une complét. (
Adenet le Roi,
Berte, éd. A. Henry, 827:
Vueilliez que cors et ame et quanque j'ai soit vo);
d) 1579 spéc. exprime une concession de l'esprit
je veux que + subj. « j'admets, je concède que » (
Fauchet,
Antiq., II, 10 ds
Hug.);
2. voloir bien a) 1174-87 pron. neutre compl. (
Chrétien de Troyes,
Perceval, 3613: Mes se vos voleiez venir Avoec moi jel
voldroie bien);
b) 1635 inf. compl. (
Corneille,
Médée, III, 2:
Veut-elle bien céder à la nécessité?).
III. Le suj. désigne une chose (à laquelle on attribue une volonté)
1. suivi d'une complét. introd. par
que + subj. « avoir pour conséquence, pour effet, entraîner que »
ca 1200 (
Guiot de Provins,
Chans., IV, 5, p. 7: Et mainte fois
veult amors ke je soie Mes et pensis, dolens et corresus); 1573
id. + ind.
le malheur veut que... (
Baïf,
Poèmes, l. V [II, 252] ds
Hug.);
2. suivi d'un inf. 1534 (
Rabelais,
Gargantua, XXIV, éd. R. Calder et M. A. Screech, p. 186, 57: Sont ce [...] influences des astres qui
voulent mettre fin à tes ayzes et repous?);
3. avec un pron. neutre compl.
id. (
Id.,
ibid., XXVI, p. 178, 66: La raison le
veult ainsi);
4. avec compl. désignant une chose « exiger, réclamer » 1640 (
Corneille,
Horace, V, 2: Un si rare service [...]
Veut l'honneur le plus rare et le plus éclatant).
IV. Auxil. d'aspect; exprime le fut. proche, probable
ca 1100 (
Roland, 3404: Bataille veit cil ki entr'els
volt estre); fin
xiies. (
Raoul de Cambrai, éd. P. Meyer et A. Longnon, 3527: Chaoir
voloit del destrier arabi Quant .i. borgois en ses bras le saisi);
ca 1433 impers.
il veult pleuvoir (
Passion de Semur, 1014 ds E.
Roy,
Mystère de la Passion en France, 1905, p. 21a).
V. « Affirmer » 1616-20
vouloir que + ind. « affirmer que » (
Aubigné,
Hist. universelle, VIII, 21 ds
Hug.: Quelques-uns
veulent que ces paroles intimidèrent les chefs chrestiens). Du lat. vulg. *
volēre (relevé sous la forme du gérondif
volendi: fin
ive-déb.
ves.,
Aug.,
Serm., 186, 1 ds
Blaise Lat. chrét.; de l'ind. prés. 2
epers.:
si vis, si voles viiies.,
Gloss. Reich., 551 d'apr.
Vään., § 315), réfection du class.
vĕlle d'apr. les formes à rad.
vol- (
volo, volui) sur le modèle de
habui-habēre, potui-*
potere.
Vĕlle exprime le désir, la volonté (
velis, nolis « bon gré, mal gré »); constr. avec un subst. à l'acc. (
aquam velim,
Plaute;
pacem volo,
Cicéron; spéc.
bene velle aliquem «
diligere »,
Catulle, v.
FEW t. 14, p. 219a, note 4, ainsi que
Ps. XXI, 9:
salvum faciat eum, quoniam vult eum); avec un inf., une prop. inf. (spéc. avec un attribut et ell. de
esse:
te salvum volunt,
Cicéron), avec un subj. précédé ou non de
ut ou de
ne;
vĕlle exprime aussi l'affirmation, l'opinion (
cf. Cicéron,
De Or., I, 235); avec pour suj. un nom de chose, il signifie « exiger, demander » (
si volet usus,
Horace); à basse époque, il forme une sorte de fut. périphrastique « aller, être sur le point »:
ives.,
Actes, XX, 13 [codex e]:
volentes suscipere;
vies.,
Corripus:
jam properare volent ds
Blaise Lat. chrét.