VIVRE1, verbe
Étymol. et Hist. I. Intrans.
1. a) 2
emoit.
xes. « être en vie » (
St Léger, éd. J. Linskill, 196);
b) fin
xes. (
Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 235: Si tu laises
vivre Jes m, Non es amics l'emperador);
c) ca 1050 (
Alexis, éd. Chr. Storey, 207: Si fait ma medra plus que femme qui
vivet); 1690
ame qui vive (
Fur.,
s.v. ame);
d) fin
xives. (E.
Deschamps,
Œuvres, éd. G. Raynaud, t. 8, p. 291: ceaulx qui [...] veulent
vivre pour mangier Non manger pour vie allongier);
2. a) ca 1050 (
Alexis, 207: Ore
vivrai an guise de turtrele);
b) ca 1485
vivre sainctement (
Mystère Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 35231, t. 4, p. 354); mil.
xves. (J.
Regnier,
Fortunes et adversités, éd. E. Droz, 2344, p. 84: Comment vis-tu? Je
vis joyeusement);
c) 1548
vivre au jour la journée (N.
Du Fail,
Propos rustiques,
Epistre, éd. J. Assézat, t. 1, p. 2);
3. a) 1200
soi vivre de « assurer son existence en... »,
prendre son vivre « gagner de quoi se nourrir », inf. subst. « fait de vivre » (
Jean Bodel,
Saint Nicolas, éd. A. Henry, 603, 634, 1410);
b) ca 1200 (
Continuation de Perceval, 1703, éd. W. Roach, t. 1, p. 210: Si se
vit [Carados] d'erbe et de rachine);
c) 1
ertiers
xives. [éd. 1528]
vivre d'amours (
Perceforest, t. II, f
o97 ds
Littré);
d) 1383 (
Arch. Nord, B 1567
r, fol. 10: il estoit notoirement
vivans de foles femmes);
e) fin
xives.
n'avoir de quoi vivre (
Froissart,
Chroniques, éd. S. Luce, t. 4, p. 3);
f) ca 1500
vivre sur le peuple (
Commynes,
Mém., éd. J. Calmette, t. 1, p. 18);
g) ca 1510 (P.
Gringore,
L'Obstination des Suysses ds
Œuvres, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 2, p. 355: De rappine
vivent et de larecin);
4. a) 1275-80 (
Jean de Meun,
Rose, éd. F. Lecoy, 8113: se vos vivez et je moroie, Tourjorz en vostre queur
vivroie);
b) 1568 (R.
Garnier,
Tragédies,
Porcie, éd. W. Foerster, t. 1, p. 43, 867: sa florissante gloire,
Vit eternellement d'une heureuse memoire);
5. a) 1466
savoir vivre « se conformer aux usages de la société » (P.
Michault,
Doctrinal, LXIII, éd. Th. Walton, p. 160);
b) 1498-1515 (P.
Gringore,
Vie Ms. S. Loys ds
Œuvres, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 2, p. 291: Car qui bien
vit en fin a bon regnon);
6. 1552 (
Ronsard,
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. IV, p. 70: L'onde & le feu [...] Touts deux en moy
vivent esgallement);
7. 1578 (
Id.,
ibid., t. XVII, p. 266:
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain: Cueillez dés aujourdhuy les roses de la vie);
8. 1640
avoir vécu « être mort », latinisme (
Corneille,
Horace, II, 6);
9. 1691 (M
mede Sévigné,
Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 136: mon oncle l'Abbé en eut une telle frayeur qu'il ne
vivait plus);
10. 1759
avoir vécu « avoir de l'expérience, connaître la vie » (
Voltaire,
Candide, p. 181).
II. Trans.
1. ca 1165 (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, éd. L. Constans, 30253: Maint jor et maint an ot
vescu); mil.
xvies. (R.
Belleau,
Œuvres, éd. Marty-Laveaux, t. 1, p. 87:
vivez vostre bel age);
2. 1936 (
Thibaudet,
Réflex. litt., p. 274: Il [Michelet] l'
a vécue [la France] comme une personne).
III. Part. prés.
1. a) ca 1050 subst.
a sun vivant « durant sa vie » (
Alexis, 39);
b) ca 1200
jor de mon vivant (
Naissance du chevalier au cygne, éd. A. Todd, 3474);
c) 1489
de son vivant (
Commynes,
op. cit., p. 74);
2. a) ca 1100 (
Roland, éd. J. Bédier, 1074: Que ço seist dit de nul hume
vivant);
b) déb.
xiiies.
nule ame vivant (
Fille du Comte de Ponthieu, éd. C. Brunel, II, 249);
c) 1422 subst. « personne vivante » (A.
Chartier,
Quadrilogue invectif, éd. E. Droz, 1950, p. 11);
3. ca 1485 (
Mystère Viel Testament, 398, t. 1, p. 15: Et moy seoir sans dilacion, A la dextre du Dieu
vivant);
4. 1536 subst.
le bien vivant, le mal vivant (R.
de Collerye,
Œuvres, éd. Ch. d'Héricault, p. 166);
5. a) 1558 (
Du Bellay,
Regrets ds
Œuvres, éd. H. Chamard, t. 2, p. 179: les marbres animez, la
vivante peinture, Qui la font estimer des maisons la plus belle);
b) 1606
vivant portrait de la divinité (J.
Bertaut,
Recueil de quelques vers amoureux, p. 235);
c) 1611
le vivant souvenir (
Id.,
Œuvres poét., p. 116);
d) 1627 (A.
Mareschal,
La Chrysolite, p. 196: vous semblez la peinture
vivante de mon fils);
6. 1647
langues vivantes (
Vaug., préf., p. XCII);
7. 1684 philos.
le vivant (
Bernier,
Abrégé Philosophie de Gassendi, livre 3, p. 101).
IV. Part. passé subst.
1. 1890 (
Bourget,
Physiol. amour mod., p. 230: les écrivains qui veulent « faire
vécu » comme on dit à l'heure actuelle);
2. 1919 (G.
Marcel,
Journal, p. 164: opposer le donné au
vécu).
V. Pronom.
1. 1878 (
Goncourt,
Journal, p. 771: la vie
se vit, ces jours, dans un état extraordinaire d'absence d'esprit et de fatigue de corps);
2. 1893 (
Barrès,
Sang, p. 193: les anecdotes humaines qui
se vivent chaque jour sur ses rives);
3. 1943 (
Sartre,
Être et Néant, p. 327: Par le regard d'autrui je
me vis comme figé au milieu du monde, comme en danger, homme irrémédiable). Du lat.
vivere « être en vie; être animé, doué de vie », « jouir de la vie », « durer, subsister », « vivre de, se nourrir de », « occuper, passer sa vie de telle ou telle manière ».