VIRER, verbe
Étymol. et Hist. A. Trans. 1155 « tourner » (
Wace,
Brut, éd. I. Arnold, 11796); en partic.
1. a) ca 1225 « faire tourner quelqu'un en tous sens » (
Vie de St Jean l'Evangéliste, éd. E. Westberg, 618); d'où 1690
tourner et virer qqn « essayer de faire parler quelqu'un » (
Fur.); 1935 fam.
virer qqn « jeter quelqu'un en bas de son lit » (
Fombeure,
Soldat, p. 38);
b) 1549 mar.
tourne & vire Le gouvernail (
Du Bellay,
Vers lyriques, Contre les Avaritieux, 73-74 ds
Œuvres poét., éd. H. Chamard, t. 3, p. 119); 1690
virer le cap (
Fur.); 1797
virer l'ancre (
Chateaubr.,
Essai Révol., t. 2, p. 388);
c) 1844 « chasser » (
Sand,
Jeanne, p. 145:
virer les mauvaises bêtes autour de ce corps); 1931 « (en parlant d'une personne) renvoyer » (d'apr.
Chautard, p. 675);
2. a) 1636
virer partie « payer par virement » (
Monet,
s.v. bilan); 1845
virer les parties (
Besch.);
b) 1904
virer un compte (
Nouv. Lar. ill.);
3. a) 1857 phot.
les épreuves ainsi virées (L.
Figuier,
L'Année scientifique, I, p. 224 ds
Quem. DDL t. 12);
b) 1969 fam.
virer sa cuti, ici au fig. (Y.
Courrière,
La Guerre d'Algérie, Le Temps des Léopards, Paris, Fayard, p. 385).
B. Intrans.
1. a) 1223 « changer » (
Gautier de Coinci,
Mir. Vierge, II Chart. 10, 1038, éd. V. Fr. Koenig, t. 3, p. 500);
b) ca 1433-69 « tourner sur son axe, sur soi-même » ici en parlant d'une roue (
Jean Regnier,
Les Fortunes et adversitez, éd. E. Droz, 796-797);
c) ca 1480 « décrire une trajectoire incurvée ou circulaire (en parlant d'un être animé) » (
Guillaume Coquillart,
Monologue, 330 ds
Œuvres, éd. M. J. Freeman, p. 290);
d) 1694 mar.
virer de bord (
Corneille); au fig. 1884 (
Verlaine,
Œuvres compl., t. 4, Poètes maud., p. 33); 1773
virer au cabestan (
Bourdé,
Man., II, 268 ds
Fr. mod. t. 26, p. 59);
e) 1858 « changer progressivement de direction (d'un véhicule ou de la personne qui le pilote) » ici d'un navire
virer première (
Le Sport, 18 août ds
Petiot 1982); 1892 d'un cycliste (
Le Cycle, 13 oct.,
ibid.);
2. a) 1818
virer à « changer de caractère, de couleur »
virer ... au violet (M.
Thénard,
Mémoire sur la combinaison de l'oxygène avec l'eau ds
Mém. de l'Ac. des sc., t. 3, p. 443 [1763 (
Macquer,
Art de la teinture en soie, p. 86:
virer c'est faire tourner une teinture d'un jaune-rouge, à un rouge plus décidé)]); fig. 1936
virer du négatif au positif (
Thibaudet,
Réflex. litt., p. 226);
b) 1935
virer + attribut « évoluer, devenir »
Les premières pentes des montagnes virent rose (
Morand,
Bucarest, p. 123). D'un b. lat. *
vīrare, de
vĭbrare « faire tournoyer » (
cf. a. fr. le sens de « lancer en faisant tournoyer une arme »
espiel li vire,
Jean Bodel,
Saxons, éd. A. Brasseur, 264) par dissim. des deux labiales. Le
-ĭ- de
vĭbrare est devenu
-ī- sous l'infl. du lat. d'époque impériale
lībrare « balancer, lancer en balançant ».