VIDE, adj. et subst. masc.
Étymol. et Hist. I. Adj.
1. a) ca 1100
voide « qui ne contient aucun objet perceptible à la vue, aucun corps solide ou liquide » (
Roland, éd. J. Bédier, 1507);
b) ca 1200
avoir le ventre vide (
Renart, éd. M. Roques, X, 11418: Que tu n'as pas le vantre
vit);
c) ca 1261
a vuide main « sans rien apporter » (
Rutebeuf,
Le Mariage Rutebeuf, 112 ds
Œuvres compl., éd. E. Faral et J. Bastin, t. 1, p. 551); 1559
les mains vuides (
Amyot,
Cam., 19 ds
Littré);
2. a) 1160-74
vide de + compl. concr. ou abstr. « qui ne renferme pas de, qui est dépourvu de » (
Wace,
Rou, éd. A. J. Holden, append., 318, t. 2, p. 319);
b) 1670
vide de sens (
Bossuet,
Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre, p. 666);
3. ca 1170 « (lieu) sans occupants, (place) où il n'y a personne » (
Rois, éd. E. R. Curtius, p. 41);
4. a) ca 1200
avoir la tête, le cerveau vide « être étourdi, se sentir faible, du fait de la fatigue, du surmenage, du manque de nourriture » (
Renart, éd. E. Martin, IX, 582: Le chief ai
vuit et estoné);
b) 1690
avoir des chambres vuides dans sa tête « être un peu fou » (
Fur.);
c) 1718
cerveau vuide, teste vuide « qui ne dispose plus de tous ses moyens intellectuels, qui a de la difficulté à réfléchir, à lier ses idées » (
Ac.);
d) av. 1776
tête vide, esprit vide « sans idées, sans pensées » (M
llede Lespinasse,
Lett., t. 1, p. 216 ds
Littré: ma tête est
vide comme une lanterne);
e) 1871
regard vide « regard sans expression » (
Zola,
Fortune Rougon, p. 231);
5. ca 1210 au fig. « (personne) qui manque de fond, de ressources intellectuelles ou affectives » (
Guiot de Provins,
Bible, 1873 ds
Œuvres, éd. J. Orr, p. 68);
6. ca 1265 au fig. « qui manque de contenu, de densité, qui est dénué de sérieux, d'intérêt véritable » (
Brunet Latin,
Trésor, éd. F. J. Carmody, II, CXXVI, p. 310: cele foi est
wide ki est sans oevre);
7. a) av. 1593 « (espace de temps) qui n'est pas rempli par une occupation, ou qui est consacré à des activités futiles, sans intérêt » (
Amyot,
Epît. ds
Littré);
b) 1681 p. ext. « qui n'est marqué par aucun fait saillant ou événement important » (
Bossuet,
Discours sur l'hist. univ., I, 12, p. 154);
8. 1647 philos., sc. « (espace) qui ne renferme aucune réalité matérielle, aucun corps de quelque nature qu'il soit » (
Descartes,
Lettre à Chanut, 6 juin ds
Œuvres philos., éd. F. Alquié, t. 3, p. 737);
9. 1848 « (surface, étendue) qui est nue, qui n'est occupée par aucun élément susceptible de rompre son uniformité » (
Chateaubr.,
Mém., t. 4, p. 181);
10. 1960 math.
ensemble vide (
Bourbaki,
Hist. math., p. 18).
II. Subst.
1. ca 1280 « partie d'une armure qui laisse le corps découvert » (
Girart d'Amiens,
Escanor, éd. H. Michelant, 19221);
2. ca 1377 philos. « absence de toute réalité matérielle dans un espace donné; espace pur, supposé inoccupé par la matière » (
Oresme,
Livre du Ciel et du Monde, éd. A. J. Denomy et A. D. Menut, p. 160);
3. a) 1611 « espace plus ou moins important qui n'est pas ou n'est plus occupé par un élément matériel » (
Cotgr.);
b) 1636 archit. « partie d'un bâtiment qui n'est pas occupée par de la construction, de la maçonnerie, etc. » (
Monet);
c) 1846 peint. « partie d'un tableau qui n'est pas suffisamment remplie » (
Baudel.,
Salon, p. 126);
d) 1964
vide sanitaire (
Lar. encyclop.);
4. a) 1647 phys. « absence de corps matériel, de quelque nature qu'il soit, dans un espace déterminé » (
Pascal,
Expériences nouvelles touchant le vuide [titre], Paris);
b) 1855
vide barométrique (
Littré-
Robin);
5. av. 1662 « sentiment d'insatisfaction, de lassitude, sans cause immédiate, dû à l'absence d'occupation, au manque d'intérêt intellectuel ou affectif » (
Pascal,
Pensées, 622 ds
Œuvres compl., éd. L. Lafuma, 1963, p. 587);
6. a) 1675 « espace, lieu où il n'y a rien de perceptible, où l'œil ne rencontre aucun objet, aucun être vivant » (
Bossuet,
La Vallière ds
Littré);
b) 1694
tirer, pousser au vide « (en parlant d'un mur) perdre son aplomb » (
Corneille (Th.));
c) 1868 « espace qui s'étend en profondeur et où le regard ne découvre aucun objet matériel propre à servir d'appui » (
Annuaire du Club alpin suisse, p. 90 ds
Quem. DDL t. 27);
d) 1872
faire le vide autour de qqn « le fuir, contribuer à son isolement » (
Littré);
e) 1879
parler dans le vide « parler sans être écouté ou sans susciter le moindre intérêt » (
Loti,
Aziyadé, p. 96);
f) 1882
regarder dans le vide « diriger son regard dans l'espace sans fixer précisément aucun objet » (
Zola,
Pot-Bouille, p. 66);
7. 1680 « perte, disparition de quelqu'un ou de quelque chose, ressentie comme une privation, un manque » (M
mede Sévigné,
Corresp., éd. R. Duchêne, t. 2, p. 892);
8. a) 1685 « chose vaine, sans valeur; néant » (
Bossuet,
Oraison funèbre d'Anne de Gonzague, p. 301);
b) 1690 « caractère de ce qui manque d'un contenu substantiel, de ce qui est dépourvu d'intérêt, de sérieux, de valeur réelle » (
Fur.);
9. 1704 « interruption, lacune dans une continuité temporelle, dans les occupations » (
Vauban,
Projet d'une dixme royale, p. 99 ds
Littré).
III. A vide 1. a) 1283
courre a vuit « (en parlant d'un moulin) tourner sans qu'il n'y ait de grain » (
Philippe de Beaumanoir,
Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon,1141, t. 1, p. 93);
b) 1538 « sans le contenu possible ou prévu » (
Est. ds
FEW t. 14, p. 589b);
2. a) av. 1660 au fig. « sans effet utile » (
Scarron,
Œuvres, t. 7, p. 259 ds
Littré);
b) 1876 « sans produire le résultat normal » (
Lar. 19e);
3. 1701 mus.
toucher à vide « jouer d'un instrument en laissant une corde vide sur toute sa longueur » (
Fur.); 1832
jouer à vide (
Raymond).
Vuide, forme fém. de
vuit (
voit, voide dans les dial.), att. jusqu'au
xves., qui est issu du b. lat. *
vocitus, de la famille de
vocuus « vide », lat. class.
vacuus « vide, inoccupé, libre (au propre et au fig.); sans réalité, sans valeur », forme que l'on restitue d'apr.
vocivus « vide », att. chez
Plaute à côté de
vacivus «
id. », v.
vacive.