VERS1, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1140 « assemblage de mots mesurés et cadencés selon des règles déterminées et formant l'unité rythmique de base d'un poème » (
Geoffroy Gaimar,
L'Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 6486);
b) ca 1180 plur. (
Thomas,
Tristan, éd. J. Bédier, 2108, 3130);
c) 1549 sing. coll. (
Du Bellay,
Deffence et illustration, éd. H. Chamard, p. 143: Ne doute point que le moderé usaige de tels vocables ne donne grande majesté tant au
vers comme à la prose);
2. a) 1549
vers libres « vers non rimés, vers blancs » (
Id.,
ibid., p. 147);
b) 1673 « vers qui, au sein d'un même poème, sont dépourvus d'uniformité dans le nombre des syllabes et la succession des rimes » (
Molière,
Malade imaginaire, II, 5);
c) 1888 (G.
Kahn,
Chronique de la litt. et de l'art ds
La R. Indépendante, t. 6, n
o15, janv., p. 137: Un Pierrot vient; il est le Pierrot de Banville; (...) il dédaigne le
vers libre et la pantomime pour se conformer à un strict alexandrin);
3. 1735
vers blancs « vers non rimés dans les langues où la rime est d'usage » (
Voltaire,
Jules César, Avert. du trad. ds
Littré). Du lat.
versus (part. passé de
vertere « tourner »), propr. « fait de tourner la charrue au bout du sillon » d'où « tour, ligne, sillon » et, p. anal. « ligne d'écriture », puis par spécialisation « série de mots liés par la prosodie et formant l'unité de base d'un poème ». L'a. fr. connaissait également
vers aux sens de « couplet, laisse, strophe » (
ca 1170,
Chrétien de Troyes,
Erec, éd. M. Roques, 1796), « chanson lyrique (de type courtois) » (1176,
Id.,
Cligès, éd. A. Micha, 2084; ce sens étant empr. au prov.
vers « pièce lyrique chantée en langue vulgaire » sens att. dep.
ca 1100,
Les Chansons de Guillaume IX, éd. A. Jeanroy, I, 1) de « chanson (sens large) » (
ca 1180,
Jeu d'Adam, éd. W. Noomen, 939), ainsi que au sens liturg. « verset chanté » (
ca 1190,
Renart, éd. M. Roques, XI, 12315, v. aussi
verset): la coexistence de ces différents sens aux
xiie-
xiiies. s'explique par le fait que le mot, par son orig., était « chargé d'un sémantisme complexe dont le noyau est une notion d'élément métrique, mesure, unité rythmique » (
Zumthor,
Notes sur les champs sémantiques dans le vocabulaire des idées ds
Neophilologus t. 39, pp. 245-249); la spécialisation sém. de
vers éliminant ces sens au cours des
xiveet
xves., « les vides seront comblés par d'autres mots » comme
poésie, strophe, chanson (v. aussi
FEW t. 14, p. 315).