VEINE, subst. fém.
Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1160
orinal (var.
orguenal)
voine « artère du cou; trachée artère » (
Enéas, éd. J. J. Salverda de Grave, 3653;
cf. aussi
Romania t. 21, p. 293) sens att. sous les formes
veine orgenal (
xiie-
xiiies.) et
veine original (
xive-
xves.);
ca 1174
veine « vaisseau sanguin, artère » (
Chroniques des Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 17126);
ca 1200
maistre voine « aorte » (
Chevalerie Vivien, éd. A. Terracher, 1526); 1256
vainne du chief, du cuer, du foie, etc. « veine céphalique du bras, médiane du pli du coude, basilique du coude, etc. » (
Aldebrandin de Sienne,
Régime du corps, éd. L. Landouzy et R. Pépin, gloss.);
cf. aussi 1314 (
Chirurgie d'Henri de Mondeville, éd. A. Bos, gloss.);
b) xiiies.
estre seigniez de vaine « avoir été saigné à une veine » (
Renart, éd. Fukumoto, Harano et Suzuki, 5366); dernier quart du
xives.
se faire saignier... la voine (
Romania t. 15, p. 184, 34); 1552
ouvrir la veine « pratiquer une saignée » (
Estienne ds
FEW t. 14, p. 226b);
2. bouch. 1863 « chez le bœuf, protubérance graisseuse à proximité de la poitrine » (
Littré,
s.v. avant-cœur);
cf. ca 1268 hapax
vainne « panse du cheval » (
Claris et Laris, éd. J. Alton, 10121);
3. 1212
de noble veine « de noble origine » (
Angier ds
Anglo-Norman Dictionary, éd. W. Rothwell, London, 1992);
ca 1461
tirer qqc. des veines de son pere « hériter quelque chose par naissance » (
Chastellain,
Chroniques, 4, 313, 2 ds
Heilemann Chastellain);
4. 1574
le sang me gele dans mes veines « je suis frappé d'effroi » (
Garnier,
Cornélie, II, vers 403-4 ds
Quem. DDL t. 28,
s.v. sang); 1636
le sang se glace dans mes veines «
id. » (
Tristan,
Mariane, I, 3, vers 108,
ibid.); 1624
ce peu de sang qui me boût dans les veines « le peu de force qui me reste » (
Hardy,
Didon, II, 3, vers 501-2,
ibid., t. 25,
s.v. sang); 1676
son vieux sang bouillonne encor dans ses veines « il est plein de vigueur créatrice en dépit de son grand âge » (
Corneille,
Au roi ds
Littré); 1694
quand le sang bout (est glacé) dans les veines « dans la jeunesse (la vieillesse) » (
Ac.); 1694
le sang lui bout dans les veines « il a des mouvements d'impatience et de colère » (
ibid.);
5. 1155
veine « jet (d'eau); conduit d'une source » (
Wace,
Brut, éd. I. Arnold, 13779);
xiiies.
la mestre veine « le courant principal (d'un fleuve) » (
Pescheor de Pont seur Saine ds
Nouv. Rec. Complet des Fabliaux, éd. W. Noomen, 28, 78);
6. ca 1265
vaine « filon de métal dans le sol » (
Brunet Latin,
Tresor, éd. Fr. J. Carmody, I, 105, 3);
7. a) 1
remoit.
xiies.
veine « raie dans une pierre précieuse » (
Lapidaires anglo-norm., éd. P. Studer et J. Evans, FF 887); 1690 « endroit où une pierre, un bois est faible et peut se briser plus facilement » (
Fur.);
b) ca 1393 « côte du chou » (
Menagier, éd. G. E. Brereton et J.-M. Ferrier, 203, 22); 1636 « nervure d'une feuille » (
Monet);
8. ca 1165
estre tochié de la veine de « être mû par telle ou telle inspiration » (
Troie, éd. L. Constans, 15180); 1540
veine « inspiration poétique » (
Salel,
Œuvres, éd. H. H. Kalwies, 328;
cf. aussi
Marot ds
Littré); 1636
veine poétique (
Monet); 1798
être en veine « être inspiré » (
Ac.);
9. ca 1230
estre pris en bone vaine « se trouver dans une disposition d'esprit bienveillante » (
Guillaume de Lorris,
Rose, éd. F. Lecoy, 3195); 2
emoit.
xives.
n'avoir vaine qui ne tende a « aspirer fortement à (l'honneur) » (
Brun de la Montaigne, éd. P. Meyer, 3126); 1508
n'avoir vaine qui y tire « n'avoir aucune envie de faire quelque chose » (
Eloy D'
Amerval,
Deablerie, éd. Deschaux et Charrier, 13406); 1640
trouver la veine « découvrir le secret d'une affaire » (
Oudin Curiositez); 1672
trouver une bonne veine « découvrir le secret d'une affaire, ce qui l'explique » (M
mede Sévigné,
Corresp., éd. R. Duchêne, t. 1, p. 500); 1689 «
être dans une mauvaise veine de santé » « être indisposé » (
Id.,
ibid., t. 3, p. 497); 1740
être tombé sur une bonne veine « avoir été favorisé par la chance » (
Ac.); 1798
être en veine de bonheur « réussir dans tout ce qu'on entreprend » (
Ac.); 1801
être en veine « gagner continuellement au jeu » (A.
Gouffé,
La Bouillotte, in
Les Dîners du Vaudeville, n
o43, germinal an 9, p. 16 ds
Quem. DDL t. 19); 1832
avoir la veine « gagner continuellement au jeu » (
Raymond). Du lat.
vena « veine; filon de métal; canal d'eau naturel; veine du bois, de la pierre; veine poétique, inspiration » qui désigne aussi au plur. « le siège de la vie; le cœur, le fond d'une chose; l'essentiel ».