TÉNÈBRES, subst. fém. plur.
Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 plur. « privation totale de lumière, obscurité » (
Roland, éd. J. Bédier, 1431);
2. fig.
a) cont. biblique
α) 1
remoit.
xiies. désigne le néant, la mort, l'état de l'âme privée de Dieu, de la grâce [antithèse 'tenèbres'/'lumière'] (
Psautier de Cambridge, éd. Fr. Michel, XVII, 28: tu enlumineras les meies
teniebres);
ca 1200 (
Job, éd. W. Foerster, p. 314, 16: A ceaz qui en
tenebres et en umbre de mort seoient, est lumiere neie [
Is. IX, 1;
cf. Job III, 5]);
id. désigne l'ignorance (
ibid., p. 324, 6: De
tenebres est li hom avironeiz car il est apresseiz de le oscuriteit de son non savoir);
β) av. 1250 désigne l'enfer
aler en tenebres (
Guillaume Le Clerc,
Tobie, 567 ds T.-L.);
b) cont. non relig.
α) 1225-30 désigne une atmosphère de tristesse, de langueur (
Guillaume de Lorris,
Rose, éd. F. Lecoy, 2729: Douz Regarz achace Les
teniebres ou li cuers gist);
β) 1580 désigne l'ignorance (
Montaigne,
Essais, II, 12, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 489: ce sont elles [les lettres] qui ont arraché nostre ame des
tenebres pour luy faire voir toutes choses);
3. 1270 liturg.
aler as tenebres (
Philippe de Beaumanoir,
Manekine, 7721 ds T.-L.). Empr. au lat.
tenebrae, subst. fém. plur. « obscurité, nuit; ténèbres de la mort, de la cécité; enfers (Virgile; Horace); (fig.) obscurité de l'esprit; ténèbres de l'oubli; d'une situation embrouillée, difficile; du malheur ». Enrichissement sém. dans la lang. chrét.: le mot désigne l'enfer chrét.; les démons (fin
ives. Prudence); le néant de l'ignorance, de l'incroyance, du péché:
tenebrae mentis (Vulgate),
iniquitatis (fin
ives. Maximus Taurinensis),
ignorantiae (
ves. St Léon le Grand ds
Blaise Lat. chrét.). Terme de liturg. (
xiies. ds
Blaise Latin. Med. Aev. et
Nierm.) en raison des ténèbres qui accompagnèrent la mort du Christ (
cf. Marc XV, 33) et que rappelait lors de la célébration de cet office l'extinction progressive des cierges allumés dans le chœur; ceux-ci figuraient la gloire de Dieu semblant disparaître peu à peu jusqu'à la mort du Christ.