TRUFFE, subst. fém.
Étymol. et Hist. I. Fig.
1. 1174-87 « bourde, mensonge » (
Chrétien de Troyes,
Perceval, éd. F. Lecoy, 2866);
2. 1866 « ce qui est rare, enviable, recherché » (
Veuillot,
Odeurs de Paris, p. 149: le flair qui mène à cette
truffe);
3. 1901 « benêt, imbécile » (
Bruant, pp. 54-55);
cf. 1918 (
Proust,
loc. cit.).
II. A. 1. 1363 «
tuber cibarium » (ds B.
Prost,
Inv. mobiliers ducs de Bourgogne, t. 1, 1904, p. 20);
2. 1538 « châtaigne d'eau » (
Est.,
s.v. tribulus: un fruict qu'on appelle Chastaignes de riviere ou
truffes);
3. 1600 « pomme de terre » (
Olivier de Serres,
Theatre d'Agriculture, Paris, Jamet Métayer, p. 563: Cet arbuste dit
cartoufle, porte fruict de mesme nom, semblable à
truffes et par d'aucuns ainsi appelé), sens encore en usage dans de nombreux dial.,
FEW t. 13, 2, p. 385b.
B. P. anal.
a) [1843 en parlant du nez d'un ivrogne] (
Balzac,
Illus. perdues, p. 8: Vous eussiez dit d'une
truffe monstrueuse enveloppée par les pampres de l'automne);
id. « gros nez » fam. (
Id.,
ibid., p. 605: la
truffe de son grand-père au milieu du visage); 1904 « nez (en général) » (
Nouv. Lar. ill.);
b) [1899 (
France,
P. Nozière, p. 251: son grouin noir [d'un hérisson] qui a l'air d'être taillé dans une
truffe)] 1905 (
Colette,
Dialog. bêtes, p. 8: [Toby le chien] ma
truffe enfiévrée);
c) 1935 confis.
truffes au chocolat (
Marinette,
Cuis. de notre temps, Lyon, E. Vitte, n
o865). Empr. à l'a. prov.
trufa, sens propre 1446 [1293?] (
Chartes de Gréalou, en Rouergue ds
Rayn.); sens fig. « moquerie »
ca 1225 (
trufas de Roais [n. anc. d'Edesse, v. éd., p. 473, 35]
Peire Cardenal,
Œuvres, éd. R. Lavaud, LXXI, 35;
cf. Levy Prov.; ce sens fig. s'expliquant par la difficulté de la recherche des truffes qui paraissent se jouer de ceux qui les cueillent), issu du lat. vulg.
tufera, ae (
ves.,
Anthimus), de
tufer, eris « truffe », forme osco-ombrienne de
tuber «
id. » (
Pline, 19, 33-34, v.
André Bot., p. 322 et
André Plantes 1985, p. 266). Le sens II A 3 est dep. 1600 également rendu par
cartoufle (
Olivier de Serres,
loc. cit. [Vivarais]; Lyonnais, Franche-Comté, Bourgogne), adapt. du suisse aléman.
cartoffel (1639, Berne d'apr.
FEW,
loc. cit., p. 388a), lui-même prob. adapté de l'ital.
tartuffoli « pomme de terre » (relevé par le botaniste bâlois Gaspard Bohin en 1596,
FEW., ibid.), issu du lat.
terrae tuber [*
terri tufer] « truffe » (Mart., 13, 50; Juv., 14, 7, v.
André Bot., p. 322). De l'ital., véhiculé par la Suisse, l'all.
Tartuffel (1651),
Cartoffel (1758),
Kartoffel,
Kluge20; de même orig., le type dial. gallo-rom.
tartoufle, dont l'aire géogr. recouvre à peu près celle du type
cartoufle (
FEW, op. cit., p. 386 b). Sur les voies de pénétration de la pomme de terre, ainsi que sur d'autres appellations, v.
patate, pomme de terre;
cf. aussi
tartuffe.