TRADUIRE, verbe trans.
Étymol. et Hist. A. 1. 1480 dr. « citer, déférer » (
Confirmation du privilège accordé aux habitants de Besançon ds
Ordonn. des Rois de France, t. 18, p. 614: [ils ne puissent être] tenuz ou
traduits en cause et procez); 1668 (
La Fontaine,
Fables, I, 21: Devant certaine Guêpe on
traduisit la cause); 1734
traduire en justice (J. B.
Dubos,
Hist. crit. de l'établissement de la monarchie fr. dans les Gaules, éd. 1742, p. 381);
2. 1622 « transférer (quelqu'un) » (
Peiresc,
Lettres, éd. Ph. Tamizey de Larroque, t. 6, p. 32:
traduire en lieu de seure garde).
B. 1. 1520 « faire passer d'une langue dans une autre » (
Dialogue tres elegant intitule le Peregrin [...]
traduict de vulgaire italien en langue françoyse par maistre Françoys Dassy ds
Z. rom. Philol. t. 87, p. 101); 1559 p. méton.
traduire un auteur (
Ronsard,
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 10, p. 107, 130: Si tous les bons auteurs [...] Estoient ainsi
traduits); 1955
machine à traduire (A.
Sauvageot,
La Machine à traduire ds
Vie Lang., avr. 1955, p. 170); 1959 (E.
Delavenay,
La Machine à traduire, Paris, P.U.F.) .
2. 1654 p. ext. « expliquer, interpréter, exprimer » (
Guez de Balzac,
Dissertations chrestiennes et morales, éd. 1665, p. 369:
traduire la pensée d'un veritable Romain); 1680 (M
mede Sévigné,
Corresp., éd. R. Duchêne, t. 2, p. 793: à bien
traduire tout ce que j'ai dit); rare av. la fin du
xviiies. 1788 (
Fér. Crit.);
3. 1807 « manifester, rendre sensible » (
Staël,
Corinne, t. 2, p. 35:
traduire aux regards tous les sentimens de son ame); 1810 pronom. (
Id.,
Allemagne, t. 1, p. 174: cette terreur du ridicule [...] s'est
traduite en férocité). À empr., puis adapté (d'apr.
conduire, déduire, etc.) du lat. class. et b. lat.
traducere « conduire au delà, faire passer, traverser; faire passer d'un point à un autre; gramm.: introduire (un mot dans une autre langue), dériver », formé de
tra- (pour
trans-) « au delà-de, par delà » et
ducere « conduire, mener ». B empr., puis adapté du lat. des humanistes
traducere « faire passer d'une langue dans une autre », néol. sém. créé vers 1400 par l'aut. ital. L. A. Bruni (soit consciemment, soit par fausse interprétation du passage de Aulu-Gelle I, 18, 1:
vocabulum Graecum vetus traductum in linguam Romanam, où
traducere signifie en fait « introduire, transporter »,
cf. Migl. Ling. ital., p. 303, L.
Wolf ds
Z. rom. Philol. t. 87 1971, pp. 99-105), et répandu à partir de la 2
emoit. du
XVes.:
ca 1469 à Strasbourg, 1478 à Saragosse, 1490 à Paris (ds
Wolf,
loc. cit.).
Cf. l'ital.
tradurre (av. 1420,
Domenico Da Prato,
ibid.).
Traduire s'est substitué à l'a. fr. et m. fr.
translater.