TENIR, verbe
Étymol. et Hist. A. « Avoir (à sa disposition, proche de soi...) »
1. a) 2
emoit. X
es. en parlant de personnes « garder chez soi » (
St Léger, éd. J. Linskill, 28: cio fud lonx tiemps ob se lo.s
ting);
b) ca 1050 à propos d'un objet (
Alexis, éd. Chr. Storey, 348: En sum puing
tint le cartre le Deu serf);
c) ca 1100 (
Roland, éd. J. Bédier, 2557: en dous chaienes si
teneit un brohun);
2. a) ca 1100 impér., accompagnant le geste de donner (
ibid., 654);
b) ca 1170 domaine moral (
Chrétien de Troyes,
Erec, éd. M. Roques, 1048:
Tenez ma foi, jel vos fianz que...);
c) 1200
tenés « prenez la main que je vous tends » (
Jean Bodel,
Jeu St Nicolas, éd. A. Henry, 639);
d) 1200
tien interj. (
Id.,
ibid., 831);
3. ca 1125-50 en parlant de biens « posséder » (
Grand mal fit Adam, I, 54 ds T.-L.: Li avoir dunt li vint? Uns altre le
tint Ainz que il fust nez), en a. et m. fr. surtout avec la mention du mode juridique de possession, v. F 1;
4. ca 1185 expr. proverbiale (
Hue de Rotelande,
Ipomedon, éd. A. J. Holden, 1092: Meuz vaut un
tien qe deus avraz);
5. 1624
faire tenir qqc. à qqn « envoyer » (L.
Guez de Balzac,
Lettres, éd. H. Bibas et K. T. Butler, t. 1, p. 14).
B. « Occuper une charge, une fonction; dominer, régner sur... »
1. a) 2
emoit. X
es. (
St Léger, 93: Meu' evesquet neˑ m lez
tener);
b) 1160-74 (
Wace,
Rou, éd. A. J. Holden, III, 1980: maistre Bernard [...] en maint lieu
ont tenu escole);
c) 1174-76 (
Guernes de Pont-
Sainte-
Maxence,
St Thomas, éd. E. Walberg, 4803: se nul
ad tenu seculars poestez);
d) ca 1190
tenir la marreglerie « occuper l'emploi de sacristain » (
Renart, éd. M. Roques, XI, 12619);
e) 1260 (
Étienne Boileau,
Métiers, éd. G. B. Depping, p. 76: Quiconques voudra
tenir ledit mestier comme mestre...);
f) ca 1340 (
Livre des métiers de Bruges, éd. J. Gessler, p. 38: Natalie, la belle dame,
tient boine estuve);
g) 1372
tenir l'office de (D.
Foulechat,
Policraticus, éd. Ch. Brucker, p. 81);
h) 1573
tenir un rang (R.
Garnier,
Hippolyte,
Epître dédicatoire, éd. W. Foerster, t. 2, p. 1);
2. ca 1100 « être à la tête de, régner sur » (
Roland, 470: Carles, ki France
tient).
C. « Avoir et faire en sorte de ne pas perdre, de conserver (dans un certain état), empêcher (quelque chose ou quelqu'un de faire quelque chose); continuer; retenir »
1. a) ca 1050 « garder (tel quel) » (
Alexis, 596: Desur[e] terre nel pourent mais
tenir [le corps de Saint Alexis]);
b) 1155
tenir en servage (
Wace,
Brut, éd. I. Arnold, 156);
c) ca 1185
tenir en pes (un pays) (
Hue de Rotelande,
op. cit., 52);
2. a) ca 1100 « poursuivre, continuer (quelque chose) » (
Roland, 2446:
tenet l'enchalz; 2857: Segnurs, le pas
tenez);
b) ca 1150
tenir son chemin a « se diriger vers... » (
Wace,
St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 123);
c) ca 1220 (
Gautier de Coinci,
Mir., éd. V.-F. Koenig, I Mir 21, 1:
Tenez sillence, bele gens!);
d) xiiies. vénerie
tenir la trace (
Isopet de Lyon, 48, 18, éd. J. Bastin, t. 2, p. 166);
e) fin
xiiies.
tenir sa tençon « ne pas cesser sa querelle » (
Jakemes,
Chastelain de Couci, éd. M. Delbouille, 4811);
3. a) ca 1100 « retenir (quelqu'un, pour l'empêcher de tomber) » (
Roland, 2893: Par les mains le [Charles]
tienent .IIII. de ses barons);
b) ca 1165 « retenir (une partie de vêtement, pour l'empêcher de glisser) » (
Guillaume d'Angleterre, éd. A.-J. Holden, 2520);
4. a) ca 1140 suj. inanimé (
Geffrei Gaimar,
Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 4210: un mal le prist et tant le
tint Qu'il finit et sin fud mort);
b) fin
xiies. (
Béroul,
Tristan, 70b ds T.-L.: la flor [farine] la forme des pas
tient);
c) fin
xiies. (
Brut de Munich, 2476,
ibid.: Trois ans et sis mois
est tenüe Pluie qui n'est de ciel chaüe);
d) ca 1200 (
Continuation de Perceval, I, 1996, éd. Roach et Ivy, t. 2, p. 61: le soëf tans [...] Qui si nez et si cler
se tint);
e) ca 1200 (
Moralités sur Job, 336, 26 ds T.-L.: paürs moi
tinuet [pavor tenuit me]);
f) 1563 (en parlant de vêtements)
tenir la chaleur (B.
Palissy,
Recepte, éd. K. Cameron, p. 179);
g) 1580 (
Id.,
Discours admirable, éd. A. France, p. 256: la peinture n'
eust pas
tenu sur le verre);
5. a) ca 1170 (
Chrétien de Troyes,
Erec, 1440: de plorer ne se sont
tenu);
b) 1176-81 (
Id.,
Chevalier Lion, 2704: À grant poinne
tenoit ses lermes);
6. 1
remoit.
xives. (
Recettes méd., 7 ds T.-L.:
tenir sa vïende; 28: ne pueent
tenir leur orine);
7. a) ca 1393 (
Ménagier de Paris, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, p. 192:
tenir au salouer; p. 224: mettez en un mot au feu pour
tenir chault);
b) ca 1393 (
ibid., p. 100: aucune autre femme qui [...] pense [...] de leur
tenir nectement [les enfants]; p. 148: en leur tresgrant jennesse l'en les doit
tenir tresnectement [les éperviers]);
c) 1746
jardin bien tenu (
La Morlière,
Angola, p. 164);
8. fin
xives. mus.
tenir « chanter (la partie du dessus) » (E.
Deschamps,
Art de dictier, éd. G. Raynaud, t. 7, p. 270);
9. 1667
se tenir bien à propos de l'attitude, du maintien (
Molière,
Le Sicilien, XII);
10. 1867
tenir l'affiche (
Hugo,
Corresp., p. 22).
D. « Avoir en esprit, penser, considérer, croire; considérer comme, reconnaître pour; estimer que »
1. a) ca 1050 avec prép. + adj. attribut (
Alexis, 266:
tenir pur briçun);
b) ca 1050 + subst. « reconnaître pour » (
ibid., 66:
tenir ad espus);
2. a) ca 1135
tenir chier (qqn) « aimer et respecter » (
Couronnement Louis, 1944 ds T.-L.);
b) ca 1170
soi tenir chier (
Marie de France,
Lais, éd. J. Rychner,
Laustic, 15);
3. a) 1155 loc.
tenir en enur (qqn) « respecter » (
Wace,
Brut, éd. I. Arnold, 645);
b) 1155
tenir (qqn) a petit « faire peu de cas » (
Id.,
ibid., 8617);
4. a) 1349 (
Guillaume de Machaut,
Roy Navarre, éd. E. Hoepffner, 664:
tenez ce point pour seür que...);
b) 1349 (
Id.,
Remede Fortune, 2450: lequel tu
tiens Estre milleur de ces deus biens);
c) 1349 (
Id.,
Dit Alerion, 1647: aucun
tiennent le contraire);
d) 1361
tenir si grand compte de (
Id.,
Fontaine amoureuse, 2101);
5. a) 1421-30 suj. inanimé
tenir lieu « être considéré comme » (
Clement de Fauquembergue,
Journal, éd. Tuetey, t. 2, p. 195: ladicte somme du dit remboursement
tenra lieu audit maistre Laurens en deduction d'icelle amende);
b) 1583 (R.
Garnier,
Les Juives, Epître dédicatoire, éd. R. Lebègue, p. 10: asseuré que l'affection de l'Autheur
tiendra lieu de recommandation de son oeuvre);
6. a) 1489-91
tenir (qqc.) de qqn « savoir quelque chose par quelqu'un, avoir appris quelque chose par quelqu'un » (
Philippe de Commynes,
Mém., éd. J. Calmette, t. 1, p. 251);
b) 1872
tenir le mot de l'énigme (
Littré).
E. « Rester fermement attaché à (domaine moral: idée, sentiment, décision...), respecter, observer »
1. a) ca 1100 (
Roland, 222: la lei que nus
tenum);
b) ca 1100 (
ibid., 229: Laissun les fols. As sages nus
tenuns; 569: Lessez la folie,
tenez vos al saveir);
c) 1130-40 (
Wace,
Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, 169: Bien li
tenrai ceste promesse);
2. 1130-40
sei tenir (à qqn) « être du parti de quelqu'un » (
Id.,
ibid., 168);
3. a) ca 1165 « se contenter de, se limiter à » (
Guillaume d'Angleterre, 2195);
b) 1290
se tenir a pol « se contenter de peu » (
Jean Priorat,
Ordre de chevalerie, éd. U. Robert, 9060);
4. 1174-77
savoir a coi soi tenir (
Renart, IIIa, 4471);
5. a) 1216 (
Guillaume Le Clerc,
Fergus, éd. W. Frescoln, 748: Dans Kes, qui ne se pot
tenir, li dist...);
b) 1435 « persister à faire quelque chose + notion de durée » (
Mir. ds
Mir. N. D., éd. U. Robert et G. Paris, t. 1, p. 331);
6. 1
remoit.
xvies. (
Mellin de Sainct Gellais,
Œuvres, éd. P. Blanchemain, t. 1, p. 65: je
tiens et parie que...);
7. 1580 (
Montaigne,
Essais, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, t. 1, p. 90: je ne
tiens plus si fort aux commoditez de la vie);
8. 1670
tenir à + inf. (
Racine,
Britannicus, I, 2).
F. « Avoir un lien, être en relation (dépendance, obligation, proximité, ressemblance, analogie) »
1. cont. de la féodalité, rapport de vassal à seigneur
a) ca 1100 (
Roland, 190: de mei
tendrat ses marches; 697: De vos
tendrat Espaigne le regnet);
b) ca 1130 (
Gormont et Isembart, éd. A. Bayot, 375: Jeo
tenc de vus quite mun fiev);
c) ca 1200 (
1ère Continuation de Perceval, 3662, éd. Roach, t. 1, p. 99: Li rois avoit a Carlion sa cort et semonse et banie [...] Si qu'a Pentecoste venissent Tot cil et celes qui
tenissent De lui et li doivent homage);
2. a) ca 1140
en un tenant « à la suite » (
Geffrei Gaimar,
op. cit., 74);
b) ca 1160
d'un tenant « id. » (
Eneas, 6579);
3. a) ca 1160 impers. « il importe à quelqu'un, il est important pour quelqu'un de... » (
ibid., 8913: Onkes ne li
tint de mangier);
b) ca 1280 (
Adenet Le Roi,
Cleomades, éd. A. Henry, 11978: ne
tient fors k'a vous de l'aler);
4. a) ca 1170 d'une pers. « dépendre (de quelqu'un) » (
Marie de France,
Lais,
Fresne, 362);
b) ca 1280
être tenu a « être obligé (de faire quelque chose) » (
Adenet Le Roi,
op. cit., 14448);
c) 1392 (
Jean d'Arras,
Melusine, éd. L. Stouff, p. 348: je suis
tenus de faire à mon cousin honneur; p. 136: se la besoigne ne
tenoit que a eux);
5. a) fin
xiies. impers. « avoir en commun » (
Sermons St Bernard, éd. K. Vollmöller, 111, 15: femme dist-il ke
tient il a ti de mi?);
b) ca 1280
tenu de char (à qqn) « apparenté à » (
Gérard d'Amiens,
Escanor, 10685 ds T.-L.);
c) 1306 (
Joinville,
St Louis, éd. N. L. Corbett, 326: il me demanda si je
tenroie riens de lignage a l'empereur Ferri d'Alemaingne);
d) 1489-91
tenir (qqc.) de qqn « ressembler à quelqu'un (par un trait de caractère) » (
Philippe de Commynes,
Mém., éd. J. Calmette, t. 1, p. 5);
6. a) 1379 suj. inanimé (J.
Labarte,
Invent. du mobilier de Charles V, p. 79: un gros ruby [...] qui
tient de couleur violette);
b) 1400-03 (
Christine de Pisan, Mutacion de Fortune, éd. A. Solente, 7246: choses[...] lesquelles sont appartenans A Philosophie et
tenans);
c) 1511 d'une pers.
tenir de la lune « être bizarre (lunatique) » (
Gringore,
Jeu du Prince des Sotz, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 1, p. 212);
d) 1561
tenir (qqc.) de race (J.
Grévin,
Esbahis ds
Théâtre, éd. L. Pinvert, p. 132);
e) 1623 d'un ouvrage d'esprit
tenant du grave et du relevé (J.
Chapelain,
Lettre ou Discours (...) portant sur le poëme d'Adonis, p. IV, 2);
7. a) 1508
tenants et aboutissants « confins, limites (de propriétés) », v.
aboutissant;
b) 1625 p. ext.
sçavoir touts les tenants et aboutissants (
Peiresc,
Lettres, éd. Ph. Tamizey de Larroque, t. 6, p. 149);
8. 1684 (F.
Bernier,
Abr. de la philos. de Gassendi, p. 73: Car l'on peut concevoir un composé être immobile [...] en ce que ces principes [dont il est formé]
se tenant joints, accrochez et embarassez entre eux, le tout se trouve dans une consistance...).
G. « Être, se comporter (d'une certaine manière), avoir telle attitude, tel comportement »
1. a) ca 1100 (
Roland, 2391: Desur sun braz
teneit le chef enclin);
b) ca 1100 (
ibid., 647: Marsilies
tint Guenelun par l'espalle);
c) ca 1140
se tenir « rester dans une position stable » (
Pélérinage de Charlemagne, éd. G. Favati, 388);
d) 1160-74
sei tenir « se placer » (
Wace,
Rou, III, 4280: Lez un tertre se sunt
tenu);
e) 1176-81
tenir compagnie (
Chrétien de Troyes,
Chevalier Lion, 5728);
2. a) ca 1160 (
Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 8468: Plaint et sospir [...] pres del cuer
tienent);
b) 1268 (
Claris et Laris, 19230 ds T.-L.: El chief li est un max
tenuz, si n'a cure de compaignie);
c) ca 1276 (
Adam de La Halle,
Jeu d'Adam, 375,
ibid.: malade dou mal qui li
tient au chervel);
d) 1377 (
Guillaume de Machaut,
Loange des dames, éd. Chichmaref, XXXIV, 7: li souvenirs qui en mon cuer se
tient);
3. ca 1170
mal tenir « nuire (à quelqu'un) »
bien tenir « être secourable (à quelqu'un) » (
Marie de France,
Lais, Fresne, 367,
Lanval, 20);
4. ca 1170 (
Id.,
ibid.,
Fresne, 373: Les noces
tindrent richement);
5. a) 1160-74 avec adj. (
Wace,
Rou, III, 5437: Mult
se tint orgueillos e fier);
b) 1176-81
tenir bien son leu « tenir bien sa place (dans un combat) » (
Chrétien de Troyes,
Chevalier Lion, 3718);
c) ca 1220 (
Gautier de Coinci,
Mir., éd. V. F. Koenig, I Mir 36, 298:
Tenons nous net,
tenons nous sobre);
d) ca 1250 (
Joufroi de Poitiers, éd. P. B. Fay et J. L. Grisby, 477: se
tindrent quoi et mu);
6. ca 1165 (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, éd. L. Constans, 10382: Solonc l'usage qu'il
teneit);
7. 1361
se tenir (à un endroit) « vivre » (
Froissart,
Paradis d'Amour, éd. F. Dembowski, p. 59: se
tient, demeure, sejourne);
8. a) 1456
se tenir sur sa garde (A.
de La Sale,
Jehan de Saintré, éd. J. Misrahi et C. A. Knudson, p. 184);
b) mil.
xvies.
se tenir sur ses gardes (
Marguerite de Navarre,
Lett., CIX ds
Littré).
H. « Faire que quelque chose ait lieu (à un endroit déterminé, à une date précise...) »
1. a) ca 1100 (
Roland, 3761: Ore en
tendrum conseil);
b) ca 1100 (
ibid., 53: Carles [...] À Saint Michel
tendra mult halte feste);
c) 1216
tenir cel siege (
Guillaume Le Clerc,
Fergus, éd. W. Frescoln, 4912);
d) ca 1400 (
Froissart,
Chron., éd. G. T. Diller, p. 746: place ordonnee pour
tenir marquiet le merquedi et le samedi); d'où p. ext. pronom. passif
ca 1400 (
Id.,
ibid., p. 464: li jours asignés que la feste
se tenroit);
2. a) ca 1100 « avoir un entretien avec quelqu'un » (
Roland, 2836: Ne pois a vos
tenir long parlement);
b) 1
erquart
xiies.
tenir nule parole de « ne pas faire mention de » (
Lancelot, éd. A. Micha, t. 8, p. 114);
3. fin
xives. (
Froissart,
Chron., p. 666: le siège
tenant [en incise]),
cf. séance* tenante.
I. « Résister (à quelqu'un), défendre (quelque chose contre quelqu'un), soutenir (un assaut contre quelqu'un), soutenir la comparaison avec (quelqu'un, quelque chose) »
1. a) ca 1100
tenir contre (qqn) « résister à » (
Roland, 3183);
b) ca 1100 (
ibid., 3355: N'escut ne bronie ne pout sun colp
tenir);
c) ca 1100 (
ibid., 1238: ceste bataille ben la puum
tenir);
2. a) ca 1155
tenir place « résister » (
Wace,
Brut, 11918);
b) 1160-74
sei tenir « id. » (
Id.,
Rou, III, 858:
Tenir ne s'osent ne defendre);
c) 1174-76 « interdire (un accès à quelqu'un) » (
Guernes de Pont-
Sainte-
Maxence,
St Thomas, 5752: Ne li furent les portes ne nuls des uis
tenuz);
d) ca 1460
tenir bon (
Myst. du siege d'Orléans, p. 721 ds
Littré);
e) 1548
tenir coup « résister » (
Noël Du Fail,
Propos rustiques, éd. Assézat, t. 1, p. 93);
3. a) ca 1165
sei tenir a au subj. « pouvoir soutenir la comparaison avec » (
Benoît de Ste-
Maure,
op. cit., 2468: Un sors baucenz ert de Castele, Ne s'i
tenist pas arondele);
b) xiies. (
Fragment d'un petit poème dévot ds
Jahrbuch für romanische und Englische Literatur, t. 6, p. 366: Vers lui ne pued
tenir nulle clartez, Tant par est belsz), seulement en a. et m. fr., v.
soutenir;
4. a) 1174-76 « être du parti de quelqu'un » (
Guernes de Pont-
Sainte-
Maxence,
St Thomas, 848: tienge sei fermement, Od lui
tendront par tut, si l'en funt serement);
b) ca 1208 (
Villehardouin,
Constantinople, p. 172: et Henris ses freres, et li cuens [...] et cil qui a els se
tenoient alerent a l'asaut);
c) 1369
tenir l'opinion (de qqn) « soutenir le point de vue de » (
Guillaume de Machaut,
Prise d'Alexandrie, 2701);
5. a) 1200
tenir court « serrer de près, limiter la liberté de quelqu'un » (J.
Bodel,
Jeu St Nicolas, 1117);
b) 1176-81 (
Chrétien de Troyes,
Chevalier Lion, 2606: prison ne
tient [...] nuz amanz verais et leax):
6. a) 1610
tenant subst. « celui qui, dans un tournoi, entreprenait de tenir contre tout assaillant » (
Deimier,
Acad. de l'art poetique, p. 584: les
tenans de ce combat);
b) 1615
tenant ici empl. p. métaph. pour désigner l'amoureux dans le vocab. précieux (V.
d'Audiguier,
Hist. tragi-com. de nostre temps, Lysandre et Caliste, p. 16).
J. « Occuper un certain espace, nécessiter un certain espace »
1. ca 1160 « contenir + mesure de capacité » (
Enéas, 6741: un sestier
tint [le vase]);
2. a) ca 1215 « trouver place (dans) » (
Eles, 305 ds T.-L.: La tierce fenne qui
tenir Doit en l'ele, c'est que...);
b) 1306
tenir grant espace (
Joinville,
Vie de Saint Louis, 95);
c) ca 1395 (
Le Saint voyage de Jherusalem du Seigneur d'Anglure, éd. Bonnardot et Longnon, p. 22: une petite tournelette ou il ne peut
tenir que deux personnes a une fois);
3. 1369 (
Guillaume de Machaut,
Prise d'Alexandrie, 2006: Alexandrie est une ville qui
tient de tour plus de...).
K. « Être (d'inanimés), se trouver, fixé, placé, à un endroit, pour soutenir...»
1. a) ca 1200 (
Dialogue Gregoire, 73, 19 ds T.-L.: alsi com ele par racines
tenist en terre);
b) ca 1210 (
Robert de Clary,
Constantinople, 82,
ibid.: chinq cens mansïons, qui toutes
tenoient l'une a l'autre);
2. a) 1306 (
Joinville,
Vie St Louis, 304: Le roy commanda (...) que il copassent les cordes qui
tenoient les ponts entre nous et les Sarrazins);
b) 1460-83 (
Jean de Roye,
Chron. scandaleuse, éd. B. de Mandrot, p. 357: elle [le cordon de l'Ordre du Roi]
tenoit par derriere [sur un col] a une espingle);
c) 1636
tenant subst. hérald. (
Monet). Du lat. pop.
tenire (att. en 514, v.
Hollyman, p. 56), class.
tenere « avoir (avec soi), tenir dans une certaine position, se trouver (dans telle attitude); contenir, inclure; occuper (un espace, une position); avoir le contrôle sur; posséder; occuper (une charge, une fonction); continuer à, persister, observer (des règles, le silence...); retenir, empêcher; garder en mémoire, avoir dans l'esprit d'où comprendre, estimer que..., savoir » et au passif « être lié à, obligé de, dépendant de ». En a. fr.
tenir a été empl. dans de nombreuses loc., avec une valeur de quasi-auxiliaire (v. J.
Bédier, Lexique de
Roland,
Keller, T.-L.); le développement sém. de
tenir est lié à celui des comp.
abstenir,
contenir,
détenir,
entretenir,
maintenir,
retenir,
soutenir. Sur le sens de
tenere et de
tenir à l'époque féodale, impliquant une concession moyennant services, v.
Hollyman, pp. 55-60.