TEL, TELLE, adj. et pron. indéf.
Étymol. et Hist. I. Adj. notion de similitude
A. Terme d'appel
1. a) de
que conj. à valeur conséc.
α) 938-950 en fonction d'épith. (
Jonas, éd. G. de Poerck, 217: poscite li qe cest fructum qe mostret nos habet qel nos conservet et ad maturitatem [...] − ure lo posciome e
tels eleemosynas ent possumus facere qe lui ent possumus placere);
ca 1100 conséc. en parataxe (
Roland, éd. J. Bédier, 3904);
β) en fonction d'attribut 1174-87 (
Chrétien de Troyes,
Perceval, éd F. Lecoy, 7461:
Tex fu li liz, qui voir an conte, C'onques ne por roi ne por conte Ne fu tex fez ne n'iert ja mes); fin
xiies. (
Conte de Flore et Blancheflor, éd. J. L. Leclanche, 733: Car la matere
teus seroit Que nus hom a cief nel trairoit);
ca 1200 (
Guiot de Provins,
Bible, 95 ds
Œuvres, éd. J. Orr, p. 13);
b) du rel.
qui à valeur conséc.
ca 1100 (
Roland, 19: Jo nen ai ost qui bataille li dunne, Ne n'ai
tel gent ki la sue derumpet); 1176 (
Chrétien de Troyes,
Cligès, éd. A. Micha, 3986), autres ex. ds A.
Henry ds
R. Ling. rom. t. 51, pp. 453-454;
2. a) de
com
α) fin
xes. suivi d'un subst. (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 395:
Tal a regard [l'angele Deu] cum focs ardenz);
β) ca 1050 introd. une compar. (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 5: Ja mais n'iert [li secles]
tel cum fut as anceisurs);
ca 1165 (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, éd. L. Constans, 7120: Chascuns s'arma [...] De
teles armes come il ot), autres ex. ds A.
Henry,
ibid., p. 457;
b) de
que
α) 1269-78 introd. une compar. (
Jean de Meun,
Rose, éd. F. Lecoy, 4698: Se cil est
tels que je te conte?);
β) suivi d'un pron. ou d'un subst. « semblable à, du caractère de » 1580
un tel desseing que le mien (
Montaigne,
Essais, I, 28, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 184); 1591, 29 juin
de tels gens que vous (
Lettres de Henri IV, éd. Bergey de Xivrey, t. 3, p. 410); 1762 (
Rousseau, Émile, III ds
Œuvres, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, t. 4, 1969, p. 473: les professions [...]
telles, par exemple, que celle de perruquier);
3. de
quel introd. une compar. 1
erquart
xiiies.
tel quel « tel que, ainsi que, dans l'état où » (
Renclus de Molliens,
Miserere, éd. A. G. van Hamel, LXXXV, 10: Quant de ten bel cors orguel kieus, Mieus te venist estre
tieus quieus Est li plus bochus ke je vois); 1269 (Arch. nat. J 1124, pièce 4 ds
Gdf.), de là, en phrase ell.,
ca 1350
tel quel v. A.
Henry,
ibid., p. 447, note 6 (
Gilles li Muisis,
Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 1, p. 196: Prouvendes
teles queles); vers le mil. du
xxes. 1955 (A.
Billy ds
Figaro, 22-23 mars in
Grev., 460, rem. 4, note 1), on relève la forme incorrecte
tel que;
4. de
que introd. une complét.
ca 1208 (
Geoffroi de Villehardouin,
Constantinople, éd. E. Faral, I, 1,11: Meis la fin fu
telx qu'il envoieroient messages les meillors); av. 1220 (
Henri de Valenciennes,
Constantinople, 667 ds T.-L.: Et si taillierent entre els une pais
tel, ke les doi partïes s'en iroient a Ravenyke).
B. En fonction d'art. dém. indéf. [
Moignet, p. 115], empl. seul ou redoublé
1. épith.
a) 2
emoit.
xes. (
St Léger, éd. J. Linskill, 138: Ciel Qui
tal exercite vidist; 208); fin
xes. (
Passion, 302; 431);
ca 1160 annonce ce qui suit (
Roland, 3826: dei je
tel plait tenir), v. A.
Henry,
ibid., pp. 446 et 452;
b) 2
emoit.
xes. empl. avec le dém.
cil (
St Léger, 207: Ciest omne
tiel);
c) ca 1100 détermine des numéraux cardinaux (
Roland, 2092:
Telz .iiii. cenz i trovet entur lui; 2120);
d) ca 1150
tel... tel avec ell. (
Jeu d'Adam, éd. W. Noomen, 738: À
tel mesfait,
tel gueredon!);
2. attribut
a) 2
emoit.
xes. (
St Léger, 79: Quant ciel'irae
tels esdevent);
ca 1100 (
Roland, 529; 1044);
ca 1200 en tête de prop. avec invers. du suj. (
Guiot de Provins,
op. cit., 73, p. 12: Molt furent nei li philosophes −
teius estoit lor generals nons − ), v. A.
Henry,
ibid., p. 448;
b) ca 1180
tel... tel en phrase ell. (
Marie de France,
Fables, 81, 14 ds T.-L.:
tel en pensé,
tel en la buche); 1269-78 (
Jean de Meun,
op. cit., 9306:
tele la mere,
tel la fille), v. aussi
Proverbes, éd. J. Morawski, 155
sqq. [ms. fin
xiiies.];
3. empl. comme pron.
a) fin
xes.
tel, tele fém. empl. comme neutre « une telle chose » (
Passion, 110: À cel sopar un sermon fiz; Chi cel non sab
tal non audit);
ca 1165 (
Benoît de Ste-
Maure,
op. cit., 16891: Onc, par Deu,
tel ne vi), v. A.
Henry,
ibid., p. 463, note 3;
b) ca 1100 évoque un subst. précédemment énoncé (
Roland, 1044: Bataille avrez, unches mais
tel ne fut; 2311).
II. Adj. notion de degré, d'intensité
A. empl. seul
1. 938-950 (
Jonas, 163: per cel edre dunt cil
tel dolor aveiet si debetis intelligere); 2
emoit.
xes. (
St Léger, 65: Por ciel
tiel duol rova.s clergier; 144);
2. ca 1050 empl. exclam. (
St Alexis, 416: À
tel dolur ed a si grant poverte, Filz, t'ies deduit par alïenes terres!).
B. 1. Ca 1050 annonce une conséc. en parataxe (
St Alexis, 139: À
tel tristur aturnat sun talent, Unc puis cel di nes contint ledement);
2. ca 1100 terme d'appel de
que introd. une conséc.; épith. (
Roland, 722: Par
tel aïr l'at trussée et brandie [sa hanste] Qu'envers le cel en volent les escicles); 1130-40 (
Wace,
Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 1186);
ca 1150 précédé de l'art. indéf.
un (
Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 140); 1306 attribut (
Joinville,
St Louis, éd. N. L. Corbett,6: ses granz chevaleries et ses granz hardemens, lesquiez sont
tiex que je li vis [...] mettre son corps en avanture de mort).
III. Indéf.; désigne une pers., une chose déterminées, mais sans pouvoir fournir grande précision
A. adj.
1. 2
emoit.
xes. (
St Léger, 73: Ja fud
tels om, Deu inimix, Qui l'encusat ab Chielpering); 1283
venir en tel lieu; estre a tel jor a Clermont (
Beaumanoir,
Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon,58; 92);
2. le subst. déterminé par
tel est antécédent d'un rel.
a) α) ca 1165 antécédent temp. (
Benoît de Ste-
Maure,
op. cit., 25098: ja vi jo ja
tel jor
Tel tens,
tel semaine e
teus ans Que la joie par ert si granz!);
β) ca 1280 antécédent local [
tel est précédé de
un]
en un tel pays ou (
Adenet le Roi,
Cleomades, éd. A. Henry, 6305);
b) ca 1165
tel... dont (
Benoît de Ste-
Maure,
op. cit., 9272);
xiiies.
tel précédé de
un (
Auberee, 2 ds
Nouv. Rec. des fabliaux, éd. W. Noomen, t. 1, p. 172: Un
tel conte m'orra retrere, Dont je me sui mout entremis);
3. xiiies.
tel introd. une concess. au mode subj.
tex peust il estre (
Lancelot en prose, éd. A. Micha, t. 8, LXIIIa, 10) 1551
telle qu'elle soit (
Pontus, trad.
Hébrieux,
Dial., III, p. 117 ds
Hug.), usage proscrit ds
Rem. sur la lang. fr. de M. de Vaugelas, notes de Th. Corneille, Paris, Th. Girard, 1687, p. 701), v. aussi A.
Henry,
ibid., p. 459.
B. Pron. désignant une pers.
1. pron. d'appel suivi d'une rel.
a) régime
ca 1100
tel... dunt (
Roland, 1566:
Tel as ocis dunt al coer me regrette);
id. tel... que (
ibid., 1590);
b) suj.
ca 1165 (
Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 2936: Mes
tex fait mal, qui ne le set), v. aussi
Proverbes, 2326
sqq. [mss
xiiie-
xves.];
2. tel i a loc. fonctionnant comme pron. indéf. « il y a des gens qui; certains » 1130-40 (
Wace,
Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, ms. A, 197:
Tels i avoit qui l'esgardoient);
3. 1174-76 redoublé
tel... tel acc. masc. sing. « l'un... l'autre » (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence,
St Thomas, éd. E. Walberg, 2673; 2675);
ca 1200
telui... telui datif masc. sing. (
Poème moral, éd. A. Bayot, 275);
4. a) 1456-67
ung tel de ses gens; ung tel des siens (
Cent nouvelles nouvelles, éd. F. P. Sweetser, V, p. 55, 52);
b) 1609
monsieur un tel (
La Petite bourgeoise, in
Sigogne,
Œuvres satyriques, 257-258 ds
Quem. DDL t. 18); 1558
messieurs tel et tel (B.
Des Périers,
Nouvelles Récréations, éd. Kr. Kasprzyk, III, p. 25).
Tel (sing. masc. cas suj.
tieus, teus [
tels anal.]; cas régime
tel; fém. et neutre cas suj., cas régime
tel. Plur. masc. cas suj.
tel; cas régime
teus, tels; fém. cas suj., cas régime
teus, tels [les formes fém.
tele, masc. cas régime
telui, rare, sont anal.]) est issu du lat.
talis « tel, de cette qualité, de cette nature, de ce genre », spéc. empl. pour annoncer ce qui suit (
coepit cum talia vates,
Virgile,
Énéide, VI, 372); fréq. utilisé en corrél., notamment avec
qualis « tel que » et avec le rel.
qui introd. une conséc. et suivi du subj. À basse époque, on relève la répétition
talis et talis (déb.
iiies.,
Tertullien,
Herm., 31:
scena erat talis et talis);
talis synon. de
is, hic, ille (
ve-
vies.) et
talis qui (+ subj.) « plus d'un, maint qui » (déb.
vies. ds
Blaise Lat. chrét.).