TALENT, subst. masc.
Étymol. et Hist. I. A. 1. Fin
xes. « sentiment, pensée, disposition d'esprit » [G.
Mombello,
Les Avatars de « talentum », Turin, 1976, p. 154, note 2 précise pour ce texte « courroux »] (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 73: Los sos
talant ta fort monstred [Le Christ chassant les marchands du Temple] Que grant pavors pres als Judeus);
2. id. « désir, souhait, volonté » (
ibid., 84: Vostres
talenz ademplirai);
ca 1050 (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 25: Amfant nus done ki seit a tun
talent),
cf. l'analyse sém. de G. S.
Burgess ds
Romania t. 95, 1974, pp. 443-466 et G.
Mombello,
op. cit., pp. 153-161;
3. id. « esprit » (
ibid., 139: À tel tristur aturnat sun
talent [la mère d'Alexis]. Unc puis cel di nes contint ledement).
B. « Dons, capacités, aptitudes accordés par Dieu »
1. xives. [ms.] « faculté, aptitude (domaine des sens) » (ds
Rec. gén. des jeux-partis, éd. A. Långfors et L. Brandin, XV, 20, t. 1, p. 59: S'il ne parole [le muet], s'a par veoir
talent, Par quoi il doit les biens d'amours sentir); déb.
xves. « capacités physiques » (
Christine de Pisan,
Epistre Othea, LXXII, ms. Harley 4431, fol. 128 r
ods G.
Mombello,
op. cit., p. 178);
2. mil.
xvies. « dons du Saint-Esprit » (
Calvin,
Serm. Pentecoste, 4 [XLVIII, 648] ds
Hug.: chacun n'en pourra pas avoir en egal mesure [de la grâce du St Esprit], mais cela n'empesche pas que nous ne facions profiter nostre petit
talent);
3. 1560 « capacités intellectuelles » (
Ronsard,
Élégie, 37 ds
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 10, p. 364: Si Ronsard ne cachoit son
talent dedans terre, Or parlant de l'amour, or parlant de la guerre [...] Il seroit tout parfaict), v. G.
Mombello,
op. cit., pp. 192 et 201-202;
4. p. ext. av. 1734 « personne qui a une aptitude spéciale » (
Fontenelle,
Éloge de Lagny ds
Littré).
II. 1. Ca 1170 « unité de poids (dans le monde antique) » (
Rois, III, V, 12, éd. E. R. Curtius, p. 121);
2. 1530 « monnaie de compte équivalant au poids d'un talent » (
Palsgr., p. 279a); 1551 spéc. Récit de la Parabole des talents
enfouyr [
le talent] (
Bible, trad. Calvin, s.l., Jehan Crespin,
Matth. XXV,
N.T., fol. 10b);
3. « richesses » [XIII
es.
talente fém. (
Vies des Pères, St Paulin, 67, cité par G.
Mombello,
op. cit., p. 349)] 1575 (
Brantôme,
Discours sur les couronnels [VI, 101],
ibid., p. 192). Empr. au lat.
talentum, sens II 1, 2; empl. fig. à basse époque « richesse, richesse morale » (fin
ive-
ves. ds G.
Mombello,
op. cit., p. 193) [3]. L'explication de I se trouve dans l'interprétation de la parabole évangélique par l'exégèse médiév.; celle-ci s'exprime par différents aut.: dès le
ives., les
talenta sont considérés par St Jérôme comme « don de Dieu, grâce » (
Comment. in Évang. Matth., ibid., p. 45:
In quinque, et duobus, et uno talento, vel diversas gratias intelligamus, quae unicuique traditae sunt; cf. xes.,
Flodoard,
Hist. Rem., lib. 2 c, 19 ds
Nierm.). D'apr. le même aut.,
ibid., les 5 talents distribués par le maître au 1
erserviteur représentent
omnes sensus « les 5 sens corporels »; les 2 talents signifient l'
intelligentia « les capacités intellectuelles, les facultés de l'esprit » et l'
opera [
operatio] (mot pour lequel G.
Mombello relève la var.
voluntas, op. cit., pp. 110-111); le talent unique signifie la
ratio « faculté intellectuelle ». De
talenta « les 5 sens corporels », est dér. le sens « capacités physiques ». Du sens « faculté de l'esprit » (relevé dès les
vii-
viiies. sous la forme
tallan dans des gl. a. irl., G.
Ascoli ds
Romania t. 27, 1898, p. 525), est issu, par synecdoque, celui de « esprit », att. dès le
xies. (a. cat.
venir en talent 1067 ds
Alc.-
Moll;
ca 1063 lat. médiév.
venire in talentum + inf. ds
Du Cange,
s.v. talentum, v. aussi, G.
Mombello,
op. cit., pp. 222-223).