TAIRE, verbe
Étymol. et Hist. 1. Fin
xes. réfl. « ne pas parler, garder le silence » (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 215: Judeu l'acusent [Jesu], el se
tais); déb.
xiies. intrans. (
Benedeit,
St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 700);
ca 1165
id. taire [:
afaire] (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, 21322 ds T.-L.);
xiies.
id. teisir [:
suffrir] (
Everart de Kirkham,
Distiques de Caton, strophe 134 d, éd. E. Stengel, p. 135);
2. a) ca 1100 « cesser de parler » intrans.; réfl. (
Roland, éd. J. Bédier, 1026:
Tais, Oliver; 259: Ambdui vos en
taisez!);
ca 1225 trans.
taire sa boche (
Hist. Guillaume Le Maréchal, 13 ds T.-L.); 1744
taire sa gueule (
Vadé,
Œuvres, Sur la prise de Menin, IV ds
Quem DDL t. 19);
b) 1225-30 réfl. « (en parlant d'oiseaux) cesser de pépier » (
Guillaume de Lorris,
Rose, éd. F. Lecoy, 67); 1387-89 intrans.
fere crier et tayre [le limier] (
Gaston Phébus,
Chasse, éd. G. Tilander, 44, 32, p. 191);
3. 1
remoit.
xiies. trans. « ne pas dire, ne pas exprimer; passer sous silence; cacher » (
Psautier d'Oxford, 108, 1 ds T.-L.: la meie löenge ne
tasiras [
ne silueris]);
ca 1165 (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, 19,
ibid.: scïence que est
teüe Est tost oblïee e perdüe);
ca 1175
taire [:
faire] (
Id.,
Chron. ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 10402); 1240-80 spéc. « cacher, ne pas laisser paraître (un sentiment, un état d'âme) » (
Baudouin de Condé,
Dits et contes, 316, 1385 ds T.-L.: Mais encore vous ai
tëu Celui [torment de l'amour]);
cf. 1683, 1
ersept. (
Bossuet,
Oraison funèbre M.-Th. d'Autriche ds
Œuvres, éd. B. Velat et Y. Champailler, p. 123: [les âmes vertueuses] non seulement elles savent
taire, mais encore sacrifier leurs peines secrètes);
4. fig. le suj. désigne un inanimé; réfl.
a) 1174-87 « cesser de s'exprimer » (
Chrétien de Troyes,
Perceval, éd. F. Lecoy, 6006: De mon seignor Gauvain se
test Li contes ici a estal);
b) ca 1230 « cesser de se manifester, s'effacer » (
Chevalier aux deux épées, 5426 ds T.-L.: toutes les biautés ki soient Envers la siue se
taisoient);
c) fin
xiiies. « (en parlant des éléments déchaînés) cesser de se manifester, se calmer » (
Psautier [Bibl. Mazarine 258], fol. 133 ds
Littré: si se
turent li flot); 1667 « (en parlant d'un sentiment) ne pas se manifester » (
Racine,
Andromaque, III, 3: la douleur qui se
tait). L'a. fr.
taisir, régulièrement issu du lat.
tacere (intrans. « garder le silence, se taire »; trans. « ne pas dire, ne pas parler de »), a, dep. le
xiies. (
supra), été concurrencé par la forme
taire (d'apr. les inf. du type
fais: faire [<
facere] qui peu à peu l'évinça,
Fouché Morphol., § 119, 3
o;
Pope, § 884 et 886). La forme a. fr.
taisier réfl. « garder le silence » (
ca 1210
Herbert de Dammartin,
Fouque de Candie, 2921 ds T.-L.), p. chang. de conjug., prob. sous l'infl. des représentants du lat. vulg. *
quietare « calmer, apaiser » (d'où l'a. fr.
coisier au sens de « se taire » fin
xiies. réfl.
Sermons de St Bernard, 6, 19,
ibid.).