TACHE, subst. fém.
Étymol. et Hist. A. 1. Fin du
xies.
taje « marque laissée par une substance salissante » (
Raschi,
Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1, 976);
ca 1175
tache « id. » (
Benoît de Ste-
Maure,
Ducs Normandie, 3560 ds T.-L.);
2. a) 1
remoit. du
xiies. « manquement à l'honneur, atteinte à la réputation » (
Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, p. 14);
b) fin du
xiies.
taiches de pechiet (
Sermons S. Bernard, 59, 38 ds T.-L.).
B. 1. a) xiies. « naevus » (
Gloss. Tours, 329,
ibid.);
b) 1832 jard. (
Raymond);
2. a) ca 1393 « marque colorée naturelle sur le poil, les plumes, le tégument des êtres vivants » (
Ménagier, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, p. 174, 6);
b) 1671 astron. (
Rohaut,
Traité de phys., t. 2, p. 62);
c) 1830 anat.
tache jaune (
Encyclop. méthod. Méd.);
d) 1904
taches auditives (
Nouv. Lar. ill.);
3. a) α) 1755 « masse de couleur sans transparence et sans harmonie avec le reste du tableau » (
Diderot,
L'hist. et le secret de la peint. en cire, Œuvres, t. XV, p. 387 ds
Littré,
s.v. jour);
β) 1865 « petit élément d'un tableau dont la couleur tranche sur le reste » (
Taine,
Philos. art, t. 2, p. 75);
γ) 1954 « chacune des taches de couleur uniforme, juxtaposées dans un tableau » (P.
Guéguen ds
Art d'aujourd'hui, série 5, n
os2 et 3, p. 52);
b) 1857 « élément coloré qui apparaît dans le champ visuel sur un fond de couleur plus ou moins uniforme » (
Flaub.,
MmeBovary, t. 2, p. 143). Étymol. incertaine. À côté de
tache, on note la forme
teche dans l'anc. lang. (
ca 1100 « qualité (bonne ou mauvaise), marque distinctive »
Roland, éd. J. Bédier, 1472) de même que
techier est att. à côté de
tachier (v.
tacher), ce qui a amené Wartburg à formuler l'hyp. d'un empr. au got.
taikns « signe » (
cf. l'all.
Zeichen « id. »), avec évol. phonét. distincte de la diphtongue
-ai-. Pour les formes en
-a- (
cf. aussi l'ital.
tacca « tache »; l'a prov.
taca « id. »; le cat., aragonais, asturien
taca « id. ») il conviendrait, selon lui, de remonter à un lat. tardif *
takka, issu de
taikns, par gémination de
-k- sous l'infl. du
-n et pour les formes en
-e- (
cf. aussi l'ital.
tecca « petite tache ») à un type *
tekka, issu peut-être de
taikns par la réduction en got. de la diphtongue
-ai- à
ê, v.
FEW t. 17, p. 296a-b. Cette hyp. d'un empr. au got., que la complexité phonét. rend difficile à admettre, se heurte essentiellement à des difficultés sém.: on ne voit pas très bien comment cet étymon ayant le seul sens de « signe » a pu donner, dans les différentes lang. rom., des sens aussi variés que ceux de « souillure », « marque sur la peau », « qualité (bonne ou mauvaise) ». D'apr. U.
Joppich-
Hagemann Untersuchungen zu Wortfamilien der Romania germanica, Bonn, 1973, pp. 127-145; v. aussi le cr. qui en a été fait par M.
Pfister ds
Arch. St. n. Spr. t. 218, n
o1, p. 199)
tachier, mot de base de la famille, serait à rattacher à un lat. vulg. *
tagicare, issu de
tangere « toucher » qui a pris, dès le lat. class., sous l'infl. de
tingere (v.
infra), le sens de « toucher en mouillant, éclabousser, barbouiller, colorer », tandis que la var.
techier remonterait à un lat. vulg. *
tigicare, issu de
tingere « teindre ».
Tache serait donc un déverbal de
tacher.
Fréq. abs. littér.: 2 845.