SUSPENDRE, verbe
Étymol. et Hist. I. A. 1. a) 1
remoit.
xiies. « accrocher par le haut, maintenir au-dessus du sol en fixant par le haut » (
Psautier Oxford, 132, 2, éd. Fr. Michel, 213);
ca 1280
souzpenduz (G.
Diamiens,
Escanor, 12533 ds T.-L.); 1805
ponts suspendus (
Cottin,
Mathilde, t. 4, p. 207);
b) 1711 « maintenir au-dessus de quelqu'un, menaçant (comme l'épée de Damoclès) » (
Crebillon,
Rhadamisthe et Zénobie, p. 269);
2. a) 1584
suspendu « qui se maintient en l'air, qui plane » (
Ronsard,
Hymnes ds
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 8, p. 279, vers 452 var.); 1769 « faire tenir en l'air, disposer dans le ciel » (
Saint-
Lambert,
Les Saisons, p. 160);
b) 1653
suspendu « qui ne retombe pas, retenu » (en parlant des eaux de la Mer Rouge (P.
Lemoyne,
Saint-Louis ou le héros chrétien, p. 75);
c) 1656 pronom.
se suspendre « tenir sans tomber ou sans sombrer » (J.
Chapelain,
La Pucelle ou la France délivrée, p. 433);
3. 1630
suspendu « fixé de manière à amortir les cahots » (D'
Aubigné,
Avantures du Baron de Faeneste, III, r ds
Œuvres, éd. Réaume et De Caussade, t. 2, p. 484); 1761
suspendre plus doucement les carrosses (
Rousseau,
La Nouvelle Héloïse, t. 4, p. 12);
4. 1654 « faire tenir accroché, être le support de » (
Scudery,
Alaric ou Rome vaincue, p. 60);
5. a) 1658 « dans une position surélevée »
jardins suspendus (G.
Colletet,
L'Art poétique, 1 ds
Traitté de l'épigramme et traitté du sonnet, p. 62);
b) 1763 « perché très haut ou en surplomb »
rocher suspendu (
Marmontel,
Poét. fr., p. 156); 1770
forts suspendus (
Delille,
Géorgiques, p. 93); 1820 « situer, construire au bord du précipice » (
Lamart.,
Médit., p. 26).
B. 1. 1559 fig. « maintenir dans un certain état et sans réaction, figé » (
Amyot,
Pompée, 25 ds
Littré);
2. 1625
suspendu « en balance, hésitant » (J. P.
Camus,
Palombe ou la femme honnorable, p. 246).
C. 1752 mus. (D'
Alembert,
Élém. de musique, 135, note ggg ds
IGLF).
D. 1. 1818-27
se suspendre à p. métaph. « s'accrocher moralement à, être tributaire de » (
Chateaubr.,
Polém., p. 289);
2. 1835 « faire dépendre de, rendre tributaire de » (
Vigny,
Serv. et grand. milit., p. 67).
II. A. Ca 1175 « interrompre les fonctions de (quelqu'un) » (
Chron. Ducs Normandie, 37332 ds T.-L.).
B. 1. xiiies.
soupendre « empêcher d'agir, interrompre l'activité de » (
Cinq joies N.-D., ms. Reims 774/778, f
o135c ds
Gdf.);
2. a) 1312 « empêcher, interdire à » (
Ordonnance Philippe le Bel ds
Ordonnances des rois de France, t. 1, p. 507);
b) 1763 spéc. « interrompre (une activité ou une publication) par une mesure d'interdiction » (
Louis de Bachaumont,
Mém. secrets, 10 mars, p. 187);
3. a) 1314 « interrompre (quelque chose, un processus, ici un traitement médical) » (
Chirurgie Henri de Mondeville, éd. A. Bos,1853);
b) 1759
suspendre un payement (
Barbier,
Chron. de la Régence et du règne de Louis XV, p. 194);
4. ca 1590 (le sujet désigne qqc.) « être la cause de l'interruption ou la fin de » (
Montaigne,
Essais, I, 18, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 76);
5. a) 1629
se suspendre de (qqc.) « interrompre, arrêter » (
Boisrobert,
Hist. indienne d'Anaxandre et d'Orazie, p. 349);
b) 1648
se suspendre « s'interrompre, s'arrêter » (
Voiture,
Lettres, 51, p. 184);
c) 1793
suspendre de « arrêter de, empêcher de » (
Staël,
Lettres L. de Narbonne, p. 182).
C. 1. 1478 « surseoir, différer l'application ou la validité de » (
Ordonnance Louis XI ds
Ordonnances des rois de France, t. 18, p. 427);
2. 1624 « reporter à plus tard, retarder » (
Vital D'
Audiguier,
Hist. tragi-comique de nostre temps, p. 233);
3. 1560 « différer, laisser dans le doute, ne pas juger » (
Calvin,
Institution chrétienne, éd. J.-D. Benoît, t. 1, p. 82).
D. 1674 « marquer une pause ou une rupture (dans une phrase, un vers...) » (
Boileau,
Art poétique, éd. Ch. H. Boudhors, t. 2, p. 84). Empr. au lat.
suspendere « tenir en l'air, accrocher par le haut, retenir, faire dépendre de, etc. », en lat. chrét. « tenir à l'écart, priver, interdire (en parlant de l'excommunication) » (
Blaise Lat. chrét.) d'où « priver d'une charge ou d'un bénéfice » (
Souter,
À Glossary of Later Latin;
Latham; v. aussi
Du Cange). Les formes de type
souspendre, soupendre (v. p. ex. I A 1 a et II B 1) ont disparu sous l'infl. du latin.