SURPRENDRE, verbe trans.
Étymol. et Hist. I. Le compl. désigne une pers.
1. 1130-40 « troubler l'esprit, tromper insidieusement » (
Wace,
Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 1679: deables nos a
sorpris E noz cuers en tenebres mis); 1549 (
Est.,
s.v.: chose par laquelle on
surprend ou deçoit on aucun);
2. ca 1160 « prendre, saisir, s'emparer de » en parlant d'une passion, d'un mal (
Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 1258); 1176-81 (
Chrétien de Troyes,
Chevalier au lion, éd. M. Roques, 2700; Ne fu tant de panser
sorpris con de celui); 1176 (
Id.,
Cligès, éd. A. Micha, 3001: vostre malage Me dites [...] Einçois que il plus vos
sorpraingne);
ca 1180 part. passé adj. (
Prov. au vilain, 86 b ds T.-L.: ome [...]
Sourpris de povreté);
3. « arriver, survenir inopinément [auprès de quelqu'un] »
a) ca 1160 par une attaque armée imprévue (
Eneas, 5048);
ca 1208 (
Geoffroi de Villehardouin,
Constantinople, éd. E. Faral,405);
b) 1176-81 « se présenter auprès de quelqu'un à l'improviste, le prendre au dépourvu » (
Chrétien de Troyes,
Chevalier au lion, 2319);
c) ca 1240 en parlant d'un phénomène naturel [la nuit] (
Estoire Seint Aedward le Rei, éd. K. Y. Wallace, 3496);
4. a) « prendre sur le fait celui qui commet une action que l'on souhaite ne pas lui voir faire, que l'on réprouve » (
Chrétien de Troyes,
Erec, éd. M. Roques, 4644: se fust ocise [Enide] se cil ne l'eüssent
sorprise Qui li ont l'espee tolue); 1225-30 (
Guillaume de Lorris,
Rose, éd. F. Lecoy, 2815: fu li cuvers [Dangiers] D'erbe et de fueilles tot covers, Por ceus espier et
sorprendre Q'il voit ou roses la main tendre); 1549
surprins en adultere (
Est.); 1580
surpris en larecin (
Montaigne,
Essais, II, 32, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, p. 723);
b) 1688 réfl. « se prendre soi-même sur le fait, prendre conscience que l'on fait ce que l'on souhaiterait ne pas faire » (
La Bruyère,
Caractères, De la Cour, VIII, 66 ds
Œuvres, éd. J. Benda, 1951, p. 237: les petitesses où je me
surprends);
5. « frapper l'esprit, étonner » [1558
surprinse d'estonnement (
Marguerite de Navarre,
Heptameron, 56, éd. M. François, p. 350)] 1561 trans. (
Corneille,
Nicomède, II, 3); 1652-53 (?) empl. abs. ([
Pascal?]
Passions de l'amour ds
Œuvres, éd. L. Lafuma, Paris, Seuil, 1963, p. 289);
a) 1660 part. prés. adj.
incidents surprenants (
Corneille,
Rodogune, Examen); 1690 avec valeur laudative (
Fur.: ce bâtiment est
surprenant par sa magnificence);
b) part. passé adj. 1680 (
Rich.).
II. Le compl. désigne une chose.
A. 1. 1538 « prendre à l'improviste et indû-ment » (
Est.,
s.v. intercipio :
intercipere litteras. Prendre sur le chemin ...
Surprendre);
2. 1663 « être involontairement le témoin de quelque chose; découvrir par hasard un geste qui échappe » (
Corneille,
Sophonisbe, II, 1: à cette infidèle imputant sa misère, J'ai cru
surprendre un mot de haine ou de colère);
3. 1669 « obtenir par des moyens détournés la révélation de ce qui était tenu caché » (
Racine,
Britannicus, I, 1:
Surprenons, s'il se peut, les secrets de son âme);
4. 1669 « obtenir artificieusement, par tromperie » (
Id.,
op. cit., III, 4: Un autre de César
a surpris la tendresse).
B. 1798 cuis. « (en parlant d'un feu trop ardent) brûler une viande pendant sa cuisson » (
Ac.). Dér. de
prendre*; préf.
sur-*;
cf. le dér. a. fr., de sens voisin,
sosprendre 1130-40 « troubler l'esprit de quelqu'un »
Wace,
Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, 348 [ms. A];
ca 1140 « prendre à l'improviste, au dépourvu » (
Geoffroi Gaimar,
Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 5520); préf.
sos-,
sous*.