SUR, prép.
Étymol. et Hist. I. Sens abstr.
A. désigne son régime comme signifiant quelque chose d'inférieur, de dominé
1. 881 (
Ste Eulalie, 12 ds
Henry Chrestomathie, p. 3: Maximiien, Chi rex eret a cels dis
soure pagiens); 1394, 17 mars
sur (Arch. Côte d'Or, E 759 ds
Mém. Ac. Dijon, 3
esérie, t. 7, p. 161: lez seignourie et justice [...]
sur tuittes lez ville, finaige et territoire);
2. ca 1050 « plus que » (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 18:
Sur tuz ses pers l'amat li emperere);
ca 1100 (
Roland, éd. J. Bédier, 1617:
Sur tute gent est la tue hardie).
B. Le compl. introd. le n. de la pers. ou de la chose qui subit l'action
1. ca 1100 aux dépens d'une pers. (
ibid., 721: Entre ses poinz teneit sa hanste fraisnine. Guenes li quens l'ad
sur lui saisie);
ca 1130 (
Gormont et Isembart, éd. A. Bayot, 479:
Sur els n'ert terre conquestee);
ca 1165 (
Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 1556-57: Que plus doit on celui amer
Sor cui l'an ne peut rien clamer Que celui
sor cui on a droit); 1387, 19 déc. spéc. de contribuables (ds
Choix de pièces [
...]
Charles VI, éd. L. Douët d'Arcq, XLII, t. 1, p. 85: la somme de [...] vous imposez hastivement
sur tous les habitans);
2. 1206, avr. Tournai, aux dépens d'un bien imposable (
ap. M.
Gysseling ds
Scriptorium t. 3 1949, p. 196: rente [...]
sour se maison).
C. Le compl. désigne ce qui sert de base, de fondement, de référence
1. notion de garantie
a) ca 1130 dans un serment [à l'orig., en raison du geste de la main posée sur la Bible ou sur des reliques] (
Lois de Guillaume, éd. J. E. Matzke,10, p. 9a: jurra
sur seinz que);
ca 1165
jurer sur toz les Deus (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, 1430 ds T.-L.);
b) ca 1150 caution morale
sur sa foi (
Wace,
St Nicolas, 734,
ibid.); 1160-74 caution matérielle (
Id.,
Rou, éd. A. J. Holden, III, 9678: VI mile [...] mars [...] li livra
Sor la terre qu'il li bailla); 1393, 17 mars
sur (Arch. Côte d'Or, E 759,
op. cit., p. 160: dote [...]
sur son chastel);
2. a) 1176 « relativement à, à propos de »
plorer sur [
aucun] (
Chrétien de Troyes,
Cligès, éd. A. Micha, 2102-2103);
b) 1306
sermon sur les gens de religion (
Joinville,
St Louis, éd. N. L. Corbett, 657, p. 221);
3. ca 1245 notion de modèle « en se fondant sur, d'après »
sour les laitres de l'ABC (
Philippe Mousket,
Chron., 3687 ds T.-L.);
xiiies. (
Chans. à la Vierge ds
Arch. St. n. Spr. t. 43 1868, p. 244: Ke
sor un chant ki jaidis Soloit estre mult öis Chantaisse).
D. Valeur temp. [issue de celle de proximité spatiale,
cf. II A 2]
1. fin
xiiies. approximation
sor l'ajorner (
Gautier d'Arras,
Ille et Galeron, éd. A. G. Cowper, 1116, var. P);
2. a) ca 1195 proximité, imminence (
Ambroise,
Guerre sainte, 5289 ds T.-L.: Li reis [...] iert
sor eire); mil.
xiiies. (
Jean de Thuin,
Jules César, 92, 11,
ibid.: li blet estoient
sour le mëurer par les chans);
ca 1260 (
Récits Menestrel de Reims, 22,
ibid.: estoit
sor l'aage de vint ans);
b) 1269-78
prendre [
sa fame]
provee seur l'euvre « la surprendre en flagrant délit » (
Jean de Meun,
Rose, éd. F. Lecoy, 14160);
c) 1568 « immédiatement après » (
Gabr. Meurier,
Rec. de Sentences, Anvers ds
Gdf.:
Sur poyre vin boire).
II. Marque une position plus élevée d'un objet par rapport à un autre
A. 1. 937-952 l'objet désigné par le compl. est sans contact avec celui situé au-dessus de lui (
Jonas, éd. G. de Poerck, 145: et praparavit Dominus un edre
sore sen cheve [de Jonas]); fin
xiies. (
Sermons de St Bernard, éd. W. Foerster, p. 102, 13: Li ciel furent auvert
sor luy [le Christ] et li sainz esperiz dexendit en luy);
2. ca 1100 p. ext.
id., la notion de proximité se substituant à celle de position supérieure (
Roland, 2758: Il jut anuit [Carles]
sur cel'ewe de Sebre [Ebre]; 1583: Envres sur le Rosne [topon. non identifié]); 1174-76 (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence,
St Thomas, éd. E. Walberg, 4632: Duvre
sur mer); 1306
sur (
Joinville,
op. cit.,230, p. 130); avec un régime de sens temp.,
sor indique la proximité d'un moment, v.
supra I D.
B. L'objet désigné par le compl. est en contact avec son support
1. a) 2
emoit.
xes. l'objet désigné est la partie du corps grâce à laquelle on prend appui (
St Léger, éd. J. Linskill, 165:
super [latinisme] lis piez ne pod ester; 230: Lo corps estera
sobre.ls [provençalisme] piez);
b) fin
xes. l'objet désigné en porte ou soutient un autre, ici, les deux objets sont de même nature (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 64: Pedra
ssubr'altre [provençalisme] non laiseront);
ca 1050 (
St Alexis, 246: il gist
sur sa nate; 572: le posent a la terre [...] Seat jurz le tenent
sor terre a podestet);
ca 1100 (
Roland, 1943: Li Marganices sist
sur un ceval sor); 1306
sur (
Joinville,
op. cit.,115, p. 106:
sur une charrette);
c) p. ext. l'objet désigné est en contact avec un autre sans être par rapport à lui dans une position élevée
α) fin
xes. (
Passion, 107: Jesus [...]
Sobre son peiz fez condurmir Sant Johan);
β) ca 1179 (
Renart, éd. M. Roques, 1983: Se dant Renart l'avoit [le brief]
sor lui);
γ) ca 1210 « contre, le long de (une surface verticale) » (
Raoul de Houdenc,
Meraugis, 5829 ds T.-L.: Onques [...] n'ot Clef
sor celier ne
sor despense);
d) ca 1100 « sur la surface de (en parlant d'un signe tracé, marqué, imprimé) » (
Roland, 2848: Sein Gabriel [...] Levet sa main,
sur lui [Carle] fait sun signacle); 1130-40 (
Wace,
Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, 279 [mss MAT]: Lors fit signe de croix
sor soi [
ipsa consignavit corpus suum signaculo Christi]);
ca 1590
sur la papier (en parlant d'un écrit) (
Montaigne,
Essais, II, 12, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 593).
C. Notion de mouvement vers un objet à atteindre
a) fin
xes. (
Passion, 475:
Spiritus Sanctus sobr'elz [les disciples] ched);
ca 1050 (
St Alexis, 264: Lur lavadures li getent
sur la teste);
b) fin
xes. fig. (
Passion, 240: Ensems crident tuit li Judeu: ,,
Sobre nos sia toz li pechez``);
ca 1050 (
St Alexis, 463: Granz est li dols ki
sor moi est vertiz);
c) ca 1100 notion d'hostilité, d'agression (
Roland, 3392: ,,Ferez, baron
sur la gent chrestiene!``); 1174-76 (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence,
op. cit., 5574: Main
sur vostre arcevesque metez a grant pechié).
D. Le compl. désigne une direction
1. a) fin
xes. avec un verbe de mouvement (
Passion, 400: de gran pavor que
sobl'elz vengre);
ca 1050 (
St Alexis, 316: Tuz s'en returnent
sur dam Eufemïen);
ca 1170 (
Marie de France,
Lais, éd. J. Rychner,
Bisclavret, 294: E tuz les hus sur lui ferma);
b) ca 1135
id. cont. défavorable, notion d'hostilité (
Couronnement de Louis, éd. Y. G. Lepage, réd. AB, 60: Peres de gloire, tu soies mercïé Qu'estranges rois n'est
sor nos devalé); 1160-74
chevauchier sur aucun (
Wace,
Rou, III, 677);
2. ca 1100 sans mouvement (
Roland, 1018: Guardet
su destre);
ca 1283 (
Livre Roisin, éd. R. Monier, 66, p. 49: fenestres
sour rue ou
sour cauchie). Du lat.
super dans son empl. de prép. régissant l'acc.: sens local « sur, au-dessus de » (avec ou sans mouvement; avec ou sans contact avec l'objet supporté:
scuto super caput elato,
Tite Live; « (domaine géographique) près de, le long de » (
super flumen,
Tite Live); fréq. à basse époque, v.
Blaise Lat. chrét.); sens temp. « pendant » (
super cenam,
Quinte Curce); sens abstr. « en plus de, outre; plus que » (
super omnia « plus que tout »
Virgile); à basse époque se développent les sens de « contre (notion d'hostilité) » (
venerunt super me undique,
St Jérome); de « au-dessus de (notion de supériorité, de domination) » (
non est discipulus super magistrum, Matth. X, 24). Au sens de « au sujet de »,
super régit l'ablatif à l'époque class. (l'acc. également à basse époque) et semble surtout empl. avec
scribere (
super aliqua re scribere,
Cicéron); à basse époque,
super connaît des empl. plus variés,
Blaise,
loc. cit. Super est aussi empl. comme adv. aux sens de « par dessus; en plus, en outre », de là l'adv. a. fr.
sore « dessus » (
ca 1135
corre seure aucun « assaillir, attaquer »
Couronnement de Louis, réd. AB, 2133; 1130-40
corre sore a aucun « accabler »
Wace,
Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 1486). La forme
sur relevée dep. le
xives. dans des textes où elle ne semble pas due à un traitement dial., se développe pendant la période du m. fr. et évince peu à peu les formes
sovre, sour(e), sor(e); elle est prob. due à l'infl. de
sus*,
FEW t. 12, p. 433b.