SPIRITUEL, -ELLE, adj. et subst.
Étymol. et Hist. 1. a) 2
emoit.
xes.
esperitiel « de nature immatérielle, de l'ordre de l'esprit » (
St Léger, éd. J. Linskill, 172);
b) ca 1165 « surnaturel » (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, 24002 ds T.-L.);
c) ca 1190 (
Chanson d'Aspremont, 1875,
ibid.:
Dex, dist Richiers, bials
pere esperital);
d) xiiies. (
Sermons poitevins, 15,
ibid.: Hom qui est de .II.natures, de
nature corporau et de
nature esperitau);
e) ca 1485 (
Mystère Viel Testament, éd. J. de Rothschild, t. 4, p. 366: Qui met [...] zizanie entre les
fréres Tant
charnelz que
esperituelz);
f) 1672 subst. (M
mede Sévigné,
Corresp., éd. R. Duchêne, t. 1, p. 500);
2. a) 2
emoit.
xes. « relatif à l'âme de l'homme » (
St Léger, 215);
b) 1174-76 « (d'une personne) pieux, religieux » (
Guernes de Pont-Ste-Maxence,
St Thomas, éd. E. Walberg, 569);
c) ca 1200
vie spiritueile (
Dialogue Grégoire, éd. W. Foerster, p. 102);
d) xiiies. (
Sermons poitevins, loc. cit.: Hom [...] a mester de doble pain, dau
pain corporau au cors, e dau
pain esperitau a l'arme);
e) 1316-28 (
Ovide Moralisé, éd. C. de Boer, t. 1, p. 145: Adont l'aime Dieus per amours, Si li porte comme a s'amie
Spirituele compagnie);
f) 1376
lumiere esperituele, mort esperituele (
Modus et Ratio, éd. G. Tilander, t. 1, p. 146);
g) 1508
pasture spirituelle (du pasteur envers ses ouailles) (
Éloy d'Amerval,
Livre de la diablerie, éd. Ch.-F. Ward, p. 220b);
3. a) 1247 « qui appartient à l'Église » (
Charte ds
Du Cange,
s.v. spiritualia:
esperitues choses);
b) 1283 (
Philippe de Beaumanoir,
Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, t. 1, p. 153:
justice esperituel);
c) 1511 subst. (
Gringore,
Jeu du Prince des Sotz ds
Œuvres, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 1, p. 229: Mais gardons l'
esperituel, Du
temporel ne nous meslons);
4. a) 1509 « relatif à la pensée, à l'intellect » (
Jean Lemaire de Belges,
Illustr., Œuvr., I, 248, Stecher ds
Gdf. Compl.:
laboriosité spirituelle);
b) 1571
enfant spirituel (en parlant d'un livre) (
La Porte,
Epith. Avert.,
ibid.);
c) 1573 « qui montre de la finesse d'esprit » (
Guill. Paradin,
Hist. de Lyon, III, XXIX,
ibid.: L'autre dame estoit nommee Pernette du Guillet, toute
spirituelle, gentille et tres chaste, laquelle a vescu en grand renom de tout meslé savoir);
d) 1769 domaine artist. (
Diderot,
Salons, p. 328:
touche spirituelle; p. 423: un
faire très-spirituel). Empr. au b. lat.
spiritalis, spiritualis dér. de
spiritus « esprit », littéral. « propre au souffle, au principe vital » (sens représenté dep. le
xvies. par
spiritueux*), surtout att. chez les Pères de l'Église qui l'empl. p. oppos. à « corporel, charnel, matériel », pour qualifier ce qui se rapporte à l'âme, à l'Esprit divin, au Saint-Esprit, d'où « symbolique, mystique » et « du domaine de l'intelligence spirituelle » [c'est-à-dire « qui n'est pas victime de la lettre »], v.
Blaise Lat. chrét.; le double domaine sém. du mot, théologico-mystique et ressortissant à la philos. de la nature, explique les empl. de
spirituel (et de ses dér.) dans les différents champs de la philos., la théol. et la psychol. aussi bien que son empl. dans la terminol. jur. eccl. (sens 3) ou l'affaiblissement de sens que représente le sens 4 c (v.
FEW t. 12, pp. 190-191). L'a. fr. empl. indifféremment les quatre formes
spirit-, espirit-, sperit-, esperit- corresp. aux formes de
esprit*, la 1
reéliminant les autres au
xvies.