SOUPIRER, verbe
Étymol. et Hist. I. Intrans.
A. 1. fin
xes. « pousser des soupirs sous le coup d'une émotion » (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 51: De son piu cor greu
suspiret [Jesus]);
ca 1188 gérondif (
Conon de Béthune,
Chans., éd. A. Wallensköld, IV, 2, p. 225: m'en vois
sospirant en Surie);
2. 1867 par dérision « péter » (
Delvau, p. 454a).
B. Fig.
1. ca 1160 « exprimer une peine amoureuse » (
Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 1204: Amors la [Didon] point, amors l'argüe, Sovent
sospire et color müe);
id. sospirer d'amor (
ibid., 7923);
ca 1220 part. prés. subst.
soupirant « amoureux » (
Lai de l'Ombre, 435 ds T.-L.);
2. 1174-76 « exprimer sa peine, ses regrets par son attitude, sa parole » (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 3249: Encontre saint'iglise, qui grief en
suspira, L'onur que vus avez, vus conquist e duna);
3. 1538
souspirer apres [qqn] (
Est., s.v. suspirare); 1606
soupirer pour [qqc.] (
Régnier, Satires, éd. G. Raibaud, IX, 197, p. 104);
4. 1823 « s'abandonner à un lyrisme plaintif » (
Lamartine, Nouv. Méditations poét., XVI, Préludes ds
Œuvres, éd. M.-Fr. Guyard, p. 157); 1830 (
Id., Harm., p. 317: Au pied de vos troncs immobiles, Colonnes, je viens
soupirer).
C. 1515-20 « (en parlant d'un inanimé) faire entendre des sons légers ou mélancoliques » (Cl.
Marot, Temple de Copido, 4 ds
Œuvres lyriques, éd. C. A. Mayer, p. 87: Et son amy Zephyrus les esvente Quand doucement en l'air
souspire et vente).
II. Trans.
A. fig
1. 1380-83 « déplorer, regretter, se lamenter sur » (
Gaston Phébus, Livre des Oraisons, éd. G. Tilander et P. Tucoo-Chala, 23, p. 92, 1:
soupirant les mauls que mauvaisement
j'ay fais);
2. 1551 « chanter sur le mode élégiaque »
soupirer un chant [en parlant des Sirènes] (
Ronsard, Tombeau de Marguerite de Valois, Ode, 17 ds
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 3, p. 43);
3. 1565 « exprimer sur le mode élégiaque » (R.
Belleau, Bergerie, 1
rejournée ds
Œuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 1, p. 232: Ce berger amoureux va
souspirant son dueil); 1842 p. ext. en parlant d'un inanimé (
Musset, Poésies nouv., Après la lecture, XI, éd. M. Allem, Paris, Garnier, 1950, p. 158: quand la brise étouffée
Soupire au fond des bois son tendre et long chagrin).
B. xives. [ms.] « (d'un inanimé) exhaler » (
Sydrac, Ars. 2320, VI ds
Gdf. Compl.: la terre
soupire les froidures). Du lat.
suspirare intrans. « respirer profondément, soupirer; soupirer à propos de quelqu'un, après quelqu'un »; trans. « exhaler; soupirer après quelqu'un (
suspirare aliquem) ».